Cet article fait parti d'un ensemble composant une rétrospective sur la série des Metroid. Si vous êtes tombés ici par hasard, je vous conseille de cliquer ici pour revenir à l'article central ;)

 En même temps que Metroid Fusion est sorti un autre épisode de la série Metroid, et un qui, bien plus que Fusion, allait changer beaucoup de choses. Metroid Prime, car c'est bien de lui dont je parle, a connu une genèse complètement différente des autres opus.

Vous pouvez oublier la Nintendo R&D1 qui n'a ici quasiment plus rien à voir, puisque Metroid Prime est un jeu que l'on doit... A une équipe américaine ! Texane même, pour être plus précis.

C'est à Austin qu'un studio de développement du nom de Retro Studios voit le jour, en 1998. Fondé par des vétérans de l'industrie, Retro Studio fricotera bien assez tôt avec la firme au plombier moustachu. Si bien qu'alors que le projet Dolphin était en développement ("Dolphin" étant le nom de code de la Gamecube), Nintendo demanda à Retro de travailler sur différents projets de jeu pour la future console, chacun devant s'adresser à un public relativement mature. Nintendo fini par énormément influencer sur ce qu'allait devenir Retro, et des noms comme Shigeru Miyamoto furent vite impliqués.

 

Autant le dire tout de suite, Miyamoto n'était pas franchement emballé par ce que Retro avait dans les cartons. Cependant, lorsqu'il vit que le studio travaillait sur une sorte de prototype de jeu d'action-aventure, Miyamoto eut une idée: pourquoi ne tenterait-ils pas de bosser sur la licence Metroid ?

Suite à cette idée ô combien excitante, tout s'emballa très vite dans le studio Texan. Alors que Retro était passé de 26 à près de 200 employés, les différents projets en cours furent tour à tour annulés pour qu'au final, toutes les équipes ne se concentrent que sur un seul jeu: Metroid Prime.

Vous vous en doutez peut-être, tout ceci ne se fit pas sans mal, et même si beaucoup de personnes travaillant à l'époque sur les anciens projets de Retro Studios furent intégrés dans l'équipe s'occupant de Metroid Prime, près de 100 employés perdirent leur job dans le processus...

De son côté, le public apprit tour à tour les licenciements, la restructuration du studio, et son implication nouvelle avec la série des Metroid... Autant dire que Retro allait devoir faire face à beaucoup d'attentes de la part des fans. Beaucoup crièrent au scandale lorsqu'il fut annoncé que le jeu adopterait un point de vue à la première personne. Scandale ! Un Metroid FPS ? L'âme de la série ne sera donc pas respecté par Retro Studios ? Qui eut cette idée saugrenue ? Certainement pas un des membres de Nintendo Japan ! Et pourtant... Ce fut bel et bien Miyamoto qui eut l'idée de faire de Metroid Prime un jeu à la première personne. Cela n'est pas si étonnant que ça, souvenez vous qu'un certain Zelda: Ocarina of Time avait failli lui aussi être un jeu a la première personne.

Enfin, notez que Yoshio Sakamoto, grand gourou des Metroids, fut bien superviseur sur Metroid Prime, mais que, de son propre aveu, il ne s'impliqua pas plus que ça dans le développement de cet épisode, la faute sans doute au développement de Fusion qui devait déjà lui prendre beaucoup de son temps.

Metroid Prime est donc à priori un jeu extrêmement différent de ce que l'on a connu jusqu'à présent, pas vrai ? Et bien, oui et non, en fait...

Commençons déjà par ce qui fait la spécificité de ce nouvel épisode.

Prime se situe chronologiquement entre Metroid et Metroid II. C'est donc peu de temps après sa première victoire contre Mother Brain, que Samus, alors qu'elle navigue tranquillement à la recherche d'une autre prime à chasser, reçoit un signal de détresse. Petit détail toutefois, le signal semble provenir d'une frégate appartenant aux pirates de l'espace.

Une courte intro nous montre ensuite l'arrivée de Samus sur la frégate et OMGJSDFNSLDFNSLNblblblbblbl, comme c'est beauuuuu !

Samus Aran, dans toute sa splendeur polygonale.

Dès les premières minutes de jeu, on sent l'immense boulot artistique que le jeu a demandé. La frégate des pirates fourmille de détails, et les découvertes que vous allez y faire risquent bien de vous marquer. Car la vue à la première personne permet de renforcer ce que tout bon Metroid est censé faire: vous immerger dans des mondes aliens étranges, et parfois inquiétants. Vous avancez alors prudemment au sein de la frégate en ruine, alors que quelques pirates à moitié conscients tentent de vous arrêter. Et vous découvrirez bien assez tôt que les pirates semblent avoir découvert une substance bien dégueulasse sur la planète des environs, Tallon IV, et expérimentent avec. Le Phazon, un puissant mutagène pouvant transformer n'importe quelle bestiole en machine à tuer, est ce qui a attiré les pirates jusqu'à cette planète appartenant au même système solaire que Zebes.

A peine aurez-vous commencé le jeu que vous aurez déjà un boss à affronter.

 

Vous n'aurez pas le temps d'en découvrir plus, que vous serez attaqué par la reine parasite, une énorme bestiole, fruit des premières expériences des pirates avec le Phazon. Samus n'aura que peu de mal à la détruire, mais déclenchera par mégarde un système d'auto-destruction (Une fois n'est pas coutume !). C'est en s'échappant que Samus endommagera le costume de Puissance, la faisant revenir à son équipement de base. Mais plus surprenant encore, lors de sa fuite, Samus tombera sur son ennemi juré: Ridley, qui semble se porter plus que bien malgré sa mort sur Zebes.

Bizzarement, ça fait quand même plaisir de revoir sa bonne vieille gueule de ptérodactyle.

 

Suite à la destruction de la frégate, qui constitue là le prologue du jeu, Samus décide d'atterrir sur Tallon IV pour enquêter. A ce moment, on se rend vite compte que Retro Studios a tout compris à la série. Les premiers instants sur Tallon IV sont quasiment magiques, et plus que jamais vous aurez l'impression d'être à l'intérieur du jeu. Imaginez le début de Super Metroid, l'atterrissage sur Zebes, en moins sombre, moins inquiétant, mais en bien plus fascinant. Alors que la pluie s'abat, d'étranges créatures se présentent à vous dans un environnement naturel tout à fait fascinant. Et pleins de petits détails sont là pour mieux vous immerger.

Le jeu vous place littéralement derrière le viseur de Samus. Les bords de l'écran sont entourés par l'intérieur du casque du costume de puissance, et l'on découvre ainsi toute l'interface que Samus possède pour contrôler son exosquelette. Tout ceci est renforcé par une multitude d'effets visuels disséminés tout au long du jeu: levez la tête dans le site d'atterrissage de Tallon, et des gouttelettes de pluie viendront se déposer sur votre viseur. Sortez de l'eau, et celle-ci coulera le long de votre viseur. Approchez de jets de vapeur, et la condensation vous troublera la vue. Certains effets d'explosions émettent également des flashs si puissant que le visage de Samus sera visible l'espace d'un instant, reflété par son viseur.

L'arrivée sur Tallon IV, le design de l'interface... Le jeu propose clairement une ambiance magistrale.

 

Metroid Prime pourrait donc bien dépasser Super Metroid au niveau de l'atmosphère, alors que ce dernier proposait déjà, en son temps, quelque chose d'assez incroyable. Metroid Prime en profite pour vous faire explorer des environnements extrêmement variés. Peu après votre atterrissage, vous devrez explorer d'anciennes ruines Chozos ancrées dans un décor désertique, avant d'aller faire un tour dans des cavernes inondées de magma, qui elles même débouchent sur une zone polaire d'une blancheur immaculée. Certains de ces environnements peuvent donc sembler à première vu clichés (Je pense surtout aux cavernes de lave et au monde de glace), mais la direction artistique est si bien maîtrisé que l'émerveillement et le plaisir de la découverte sont toujours au rendez-vous. Le tout est appuyé par une bande-son (très) originale composée par Kenji Yamamoto, qui avait déjà officié sur Super Metroid. L'essence du ton de la série est présente dans cette OST, bien qu'elle soit finalement très différentiable comparée à ce qu'offraient les autres opus. La gamecube permettait bien évidemment de fournir des sons plus diversifiés que ce qui était possible sur Super Nintendo. Globalement, "mystérieux" pourrait être le mot qui définit le mieux cette bande-son, composée d'énormément de sons électroniques se mêlant toutefois harmonieusement à des sons organiques, à des chœurs... En bref, l'environnement sonore aide vraiment à construire une expérience d'exploration unique, que peu de jeu peuvent se targuer d'avoir à ce point réussi.

Les monts de Phendrana, malgré leurs thème "Monde de glace" un peu stéréotypé, n'en est pas moins un excellente réussite visuelle et sonore. Un des meilleurs environnements que j'ai jamais eu à explorer dans un jeu.

 

Metroid Prime n'est donc pas un banal FPS. A vrai dire, à part pour la vue à la première personne, je pense que l'on peut difficilement le catégoriser en tant que FPS. Les premiers trailers du jeu se référaient au jeu en tant que "First Person Adventure", ce qui colle déjà beaucoup plus. La volonté des développeurs était de faire des combats des moments agréables, sans pour autant en faire un élément trop important. Cela se ressent beaucoup à travers les contrôles, qui s'apparentent beaucoup à ceux d'un Zelda, au final, en particulier sur la version originale GameCube. En effet, là où la plupart des FPS consoles proposent de vous déplacer avec un stick et de viser avec l'autre, Metroid Prime prend une direction complètement différente. Un seul stick permet de viser et de se déplacer. Gauche/droite vous permet de tourner sur vous même, tandis que haut et bas permettent respectivement d'avancer et de reculer, ce qui s'apparente à ce que proposait Doom à l'époque. Une simple pression sur une des gâchettes permet ensuite à Samus de rester sur place afin de viser vers le haut ou vers le bas. Cependant, il est plutôt recommandé d'utiliser la seconde gâchette lorsque vous devrez combattre un ennemi. Et c'est là que le système rejoint celui de Zelda, puisque cette gâchette permet en fait de verrouiller l'ennemi. Vous pourrez alors sans mal tourner autour de lui tout en s'assurant qu'il soit toujours dans votre viseur. Le jeu n'a donc pas du tout vocation à proposer des combats nerveux à la première personne, et c'est bien pour cela qu'il est parfaitement idiot de vouloir le comparer à un jeu comme Halo, par exemple.

L'issue des combats contre les bosses vous sera très certainement favorable si vous arrivez à découvrir leur point faible.

 

Le cœur du jeu réside autre part. Vous le savez, l'exploration est ce qui définit le Metroidvania depuis les débuts du genre, il n'est donc pas étonnant que cela soit aussi le cas ici. Globalement, la transposition de cette mécanique en 3D est très réussie. Les passages secrets renfermant des upgrades sont toujours présent, les objectifs ne sont jamais clairement énoncé, et vous devrez compter sur votre âme aventurière pour progresser. La tradition n'est pas rompue, et il sera toujours question d'explorer un monde semi-ouvert afin d'améliorer son équipement et d'atteindre ainsi des endroits qui auparavant étaient inaccessibles. La 3D permet également de construire des salles à l'architecture bien plus complexe que ce que les autres Metroids proposaient jusqu'ici. En revanche, ont pourra regretter que certaines zones proposent peu d'embranchements différents, et que les raccourcis présents soient aussi mal placés. En parlant des raccourcis, il arrive en plus que le Level Design donne dans ce que certains appellent "L'effet Deus Ex". Entendez par là que certains des passages que le joueur emprunte en pensant découvrir une nouvelle zone est en fait un chemin alternatif rejoignant une pièce qu'il a déjà exploré.

Les traditionnels réseaux de cavernes labyrinthiques sont toujours de la partie, mais Prime propose également énormément d'environnements à ciel ouvert, une première dans la série !

 

Finalement, le plus gros défaut restera donc le backtracking, qui, à cause des raccourcis mal placés, s'avère assez long et fastidieux dans cet opus. D'autant plus que la seconde partie du jeu vous oblige à revenir sur des lieux déjà visités afin de découvrir des artefacts cachés. Si vous voulez mon avis, ce passage du jeu tient plus du remplissage qu'autre chose, et vous avez tout intérêt à vous mettre à la chasse aux artefacts aussi tôt que possible, si vous voulez éviter de passer trop de temps à revenir sur vos pas.

Heureusement, les environnements détaillés et intrigants, et la vue à la première personne contribuent énormément au plaisir de la découverte, ce qui empêche le joueur de se lasser trop vite. Mais à cela vient également s'ajouter un nouvel élément de gameplay renforçant ce plaisir.

Les développeurs ont ainsi imaginés les viseurs, qui sont rendus possible par la vue à la première personne. Outre le fait que vous pourrez acquérir les viseurs infrarouges et rayons X (Chacun ayant leur utilité en jeu), vous serez dés le départ équipé du viseur de scan. Excellente idée de Retro Studios, le viseur de scan vous permet comme son nom l'indique de scanner les éléments vous entourant afin d'obtenir des détails sur l'univers qui vous entoure. Ceci permet de desservir le jeu de deux façons: l'une étant de vous fournir des indices sur les endroits où vous pouvez passer, sur la meilleure façon de battre vos ennemis, etc... et l'autre étant de vous plonger un peu plus dans l'univers du jeu à travers des descriptions de la faune et la flore de Tallon IV, mais également en décryptant les rapports des pirates de l'espace, décrivant leurs quête pour trouver du Phazon, et en apprenant tout de la détresse des Chozos qui habitaient Tallon, observant avec impuissance la nature se faire corrompre par ce qu'ils appellent "le grand poison". Tout ceci permet d'immerger encore un peu plus le joueur, et ceci, de façon extrêmement classieuse. C'est sur des points comme celui-ci que Metroid Prime se rapproche de grands classiques comme System Shock 2.

 

Si la narration se fait toujours en silence, le jeu n'en comporte pas moins énormément de textes. Plein plein plein de texte vous renseignant sur la faune, la flore, la civilisation Chozo... Le scanner est une véritable encyclopédie de l'univers du jeu !

 

Je pourrais parler encore et encore de Metroid Prime, mais je pense qu'il n'y a rien de tel que d'essayer le jeu soi-même. La force de cet opus vient du fait que les développeurs texans ont suivi les traditions de la licence avec un grand respect tout en apportant énormément de nouveautés audacieuses qui aurait pu faire de Metroid Prime un jeu controversé parmi les fans, si les développeurs n'avait pas réussi à faire preuve d'autant de talent. Certes, le jeu n'est pas exempt de défauts, mais il tient extrêmement bien la comparaison avec le monument qu'était Super Metroid, tout en faisant bouger les choses. Allez, osons même le dire: Metroid Prime est à Super Metroid ce que Super Mario 64 est à Super Mario World. Ni plus, ni moins.

Ce n'est donc pas une surprise qu'avec autant de qualités, le succès commercial fut au rendez-vous, poussant Nintendo à demander à Retro Studios une suite dont le développement commencera bien assez vite...

Quelques mots sur la version Wii:

La version Wii comprise dans Metroid Prime Trilogy est un excellent moyen de (re)découvrir Metroid Prime, cependant, il existe quelques détails sur cette version que vous devriez connaître avant de vous lancer...

Au niveau des avantages, citons l'affichage en 16/9 qui élargit du même coup le champ de vision de Samus, ce qui rend l'exploration de Tallon IV plus agréable. Les contrôles à la Wiimote sont également très bien pensés, ajoutant un confort qui n'est pas négligeable.

Cependant, il faut bien avouer que la réactivité du gameplay à la Wiimote fait ressortir un autre défaut du jeu, à savoir la mollesse de ses combats... Mais là encore, si vous cherchiez un jeu à l'action débridée, Metroid Prime ne répondra clairement pas à vos attentes, car c'est une toute autre expérience que le jeu vous propose.

Le défaut le plus regrettable de cette version est l'absence incompréhensible de certains effets visuels, qui à l'époque claquaient vraiment, et témoignait du soucis du détail que portait les équipes de Retro Studios au jeu. Par exemple, dans la version Gamecube originale, lorsque vous tiriez une longue salve d'énergie, votre canon se mettait à surchauffer, déformant l'image autour de lui. D'autres effets comme le canon se recouvrant de glace lors d'un tir chargé au rayon glacial, ou encore la possibilité d'observer le squelette de Samus à l'intérieur du canon lorsque vous activiez le viseur Rayons X, ont tout simplement disparu de cette version...

Rassurez-vous cependant, ces effets étaient purement esthétique, et le jeu présent sur la version Prime Trilogy reste à 95% le même jeu. C'est surtout à vous de voir quelle version est la plus abordable pour vous, et si vous préférez jouer à la Wiimote plutôt qu'au pad Gamecube. Personnellement, après avoir essayé la Wiimote, j'ai du mal à m'en défaire.

Si vous optez pour la version Wii, vous allez également rater le title screen légendaire de Metroid Prime. Rien de grave, hein, le voir en vidéo devrait suffire à étoffer votre culture ;)

N'ayant pas encore de quoi capturer de la peritel, je vous propose de regarder plutôt cette vidéo pour admirer toute la puissaaaaance du menu principal du jeu. Ça commence vers 1 minute 50.

 

Pour conclure définitivement cet article, je voulais également vous dire que la genèse de Retro studios est une histoire longue, plutôt méconnue, et diablement intéressante. Si le sujet pique votre curiosité, je vous recommande fortement cet article de N-Sider.