Il y a de cela quelques années, un questionnaire assez particulier avait fait le tour de la communauté d'Allociné. Le principe en était simple: chaque question porte sur un aspect particulier du septième art et l'intervenant doit puiser dans sa propre culture cinématographique le représentant le plus important à ses yeux. Ex: « S'il ne fallait parler que d'un film...acteur...plan » , lequel serait ce? Découvert récemment sur le blog de Startouffe dont je ne saurais que vous recommander la visite (cf lien à droite), ce questionnaire m'a paru assez pertinent pour que j'y consacre moi même un article. Après avoir tant communiqué ma passion du cinéma sur ce Blog, voici donc venue l'heure de vous présenter en toute sincérité les composants majeurs de mon propre univers cinématographique

 

« S'il ne fallait parler que d'un seul... »

 

 

...D'un seul film:

 

Keanu Reeves, Carrie-Anne Moss.

 

Matrix

 

Difficile de définir en quelques mots l'importance que tient Matrix à mes yeux. De nombreux films qui figurent dans mon panthéon cinématographique auraient mérité d'être mis en évidence, néanmoins Matrix est le film qui catalyse le mieux ce que je recherche dans le cinéma. Si le septième art m'a bien appris une chose, c'est que c'est dans l'imaginaire que l'on parle le mieux de la réalité. La science fiction n'est à cet égard pas une simple démonstration de mondes imaginaires mais bien le moyen de parler avec le plus de pertinence et de profondeur de l'humanité au sens collectif comme individuel. En l'occurrence, Matrix demeure un film visionnaire sur la fascination croissante que l'individu aura dans notre société envers les mondes virtuels, les progrès technologiques et interactifs ne cessant d'être surpassés de jour en jour jusqu'à ce que peut être cette quête du cinéma absolu et totalement immersif soit enfin atteinte. C'est également l'histoire d'un homme perdu dans une société où l'économie a le dernier mot et l'individu encouragé à devenir un rouage du système, une machine au profit de la productivité.

 

Mais aux yeux du grand public, Matrix n'est ni plus ni moins qu'un extraordinaire film d'action où des héros super cools se rebellent contre le système. C'est également le tour de force des frères Wachowski, avoir réussi à concilier la richesse narrative et intellectuelle de leur film avec une dimension grand spectacle et demeurant accessible à un public non cinéphile. Matrix reste ainsi un témoignage absolu que la richesse et la créativité d'un film peuvent être en harmonie avec l'importance de son budget, un concept que la dernière décennie de cinéma aura grandement oublié en livrant des blockbusters formatés limitant au maximum la prise de risques, mais que quelques hommes comme Christopher Nolan et son Inception n'ont pas oubliés. Indéniablement, un incroyable chef d'oeuvre.

 

 

 

...D'un seul réalisateur:

 

 

Hayao Miyazaki

 

 

 

Étrangement c'est cette catégorie qui m'a demandée le plus de réflexion. En réalité elle soulève un problème assez récurrent chez moi, même si je suis un grand admirateur de nombreux cinéastes (Stanley Kubrick, David Lynch, Tim Burton, Christopher Nolan, Martin Scorcese, pour ne citer qu'eux), je ressens rarement une passion énorme et sans mesure à toute la filmographie d'un individu, ma passion s'exprime souvent envers les films eux mêmes là où je peux dire en toute honnêteté que je suis réellement fan de telle ou telle oeuvre mais ce serait mentir de dire que les réalisateurs en qui je voue une confiance absolue à chaque découverte de leurs films sont nombreux.

 

S'il avait fallu que je choisisse des films faits de chair et de sang, Stanley Kubrick aurait certainement eu droit à cette place car il s'agit certainement du cinéaste qui m'aura le plus impressionné au fil de ses oeuvres pour la créativité de sa mise en scène, la fascination hypnotique qui se dégage de ces films même si en contrepartie son travail exceptionnel sur l'atmosphère se fait parfois au détriment de l'émotion et des personnages. Mais ce questionnaire est fait sous le signe de l'honnêteté alors tant pis s'il n'obtient pas l'approbation de tous, mais son choix se portera ainsi sur Hayao Miyazaki.

C'est certainement le magicien qui aura crée l'imaginaire le plus passionnant et émouvant qu'il m'ait été donné de voir. L'extraordinaire créativité visuelle de ses films n'a d'égal que le talent de Miyazaki pour le mettre en scène, ce conteur né parvient toujours à faire comprendre au spectateur la cohérence et le fonctionnement de ces univers, aussi fantaisistes et excentriques soient t-ils. Mais avant tout, l'oeuvre entière de Miyazaki véhicule un formidable sentiment d'humanité ,parfois chargé de nostalgie, qui parvient même dans les moments les plus sombres à adoucir notre regard sur le monde et nous redonner foi en l'âme humaine. Un véritable génie qui n'a peut être pas encore obtenu la véritable reconnaissance qu'il mérite. Combien de personnes sont encore repoussés par le cinéma d'animation, coincées dans leurs illusions qu'il est avant tout destiné à la jeunesse? C'est également pour cela que j'ai été motivé à choisir Hayao Miyazaki pour cette catégorie. S'il ne fallait parler que d'un seul réalisateur, ce serait lui et lorsqu'il disparaitra, ce n'est pas simplement le cinéma d'animation qui perdra un géant mais le septième art lui même.

 

 

 

...D'un seul acteur:

 

 

Christian Bale

 

Parce que le cinéma sert également à explorer les facettes sombres de l'âme humaine, Christian Bale m'a toujours intrigué pour le charisme noir et presque effrayant qu'il dégage. Au lieu de jouer avec une belle gueule et un beau sourire, l'acteur aura su séduire par la subtilité de ses émotions, le visage à première vue glacial et austère de l'acteur cachant souvent une âme complexe qui s'efforce de dissimuler sa véritable nature. Bien avant de devenir la meilleure incarnation de Batman au cinéma, l'acteur aura précédemment obtenu son meilleur rôle avec le film de science fiction sous estimé Equilibrium dans laquelle un protecteur d'une société qui a volontairement abandonné les émotions humaines retrouve petit à petit l'usage de ses sentiments.

 

Le plan final du film montre Christian Bale ayant enfin retrouvé sa totale humanité, souriant avec du sang coulant de sa bouche devant sa cité en flammes suite à l'éveil des sentiments humains. Le noble héros, monstrueux de charisme, dévoile dans cette image la monstruosité de l'homme et annonce la suite des évènements, en prenant à contrepied la voie suivie par le film jusqu'ici. Arriver à exprimer autant de choses en un seul plan, c'est indéniablement le travail d'un grand acteur.

 

 

 

...D'une seule actrice

 

 

Naomi Watts

 

 

Une actrice qui aurait pu se reposer sur son visage d'ange pendant toute sa carrière mais qui aura au contraire exploité son talent pour des rôles extrêmement différents. David Lynch lui aura offert son plus grand rôle avec Mulholland Drive dans lequel tout son talent appuie l'ambiguïté et la perte de repères du film. Passant tour à tour de la jeune actrice rêveuse et naïve de la première partie à celle désabusée et cynique du dénouement, l'actrice aura été le relais entre le monde des rêves et du réel exploré par Lynch. Dans un registre totalement différent, elle aura su véhiculer de l'affection envers une créature numérique dans le King Kong de Peter Jackson là où tant d'autres comédiennes auraient échouées en jouant sur la séduction au lieu de la subtilité. Une actrice aux multiples facettes que je souhaiterais tant voir un jour confronter à Christian Bale dans un film qui mériterait de s'appeler Anges et Démons.

 

 

 

...D'un seul sourire:

 

 

Le sourire de Rutger Hauer dans Blade Runner,

 

Certainement le personnage le plus expressif du film contrastant avec la figure blasée et dépressive d'Harrison Ford. Jamais un robot n'aura paru aussi humain et charismatique.

 

 

 

...D'un seul regard:

 

Malcolm McDowell. Warner Bros.

 

...Celui de Malcolm McDowell dans Orange Mécanique

 

C'est ce qui s'appelle regarder dans les yeux du diable.

 

 

 

...D'une seule histoire d'amour:

 

Clint Eastwood et Meryl Streep. Collection Christophe L.

 

Clint Eastwood et Meryl Streep dans Sur la route de Madison

 

 

Si le récit réunit les éléments traditionnels du film romantique (une rencontre entre deux individus que tout oppose et qui trouvent dans l'autre ce qu'ils ont besoin) Clint Eastwood parvient à rendre l'ensemble suffisamment crédible et subtil pour que cette passion aussi vivace que brève apparaisse plausible. Le fait que l'intrigue soit découverte en même temps que le spectateur par des enfants qui découvrent à la mort de leur mère le grand amour caché de son existence contribue fortement à l'émotion du film.

 

 

 

...D'un seul début:

 

Twentieth Century Fox France

 

28 semaines plus tard

 

 

Les séquences d'introduction servent généralement à faire rentrer le spectateur dans l'action du film, elles présentent une scène forte pour attirer l'attention puis c'est seulement après que le film se permet de s'intéresser aux personnages et à l'histoire. L'introduction de 28 semaines plus tard est vivace dans mon esprit car elle fait débuter le film sur une séquence forte mais qui permet par la même occasion d'en apprendre directement beaucoup sur les protagonistes. La scène présente l'intimité d'un couple cuisinant dans une pièce sombre, l'affection entre les deux personnages, Don et Alice, est mise au premier plan, seuls quelques dialogues sous entendent l'infection dont est victime le pays. Puis la scène vire rarement au cauchemar lorsque les infectés pénètrent dans la demeure.

 

Le contraste avec la précédente scène est saisissant, les fenêtres barricadées sautent laissant filtrer la lumière en même que les infectés, le monde extérieur tout entier devient un espace de péril. Alors qu'Alice se précipite pour sauver un enfant tout en implorant son mari à l'aide, celui ci abandonne sa femme et s'échappe vers le monde extérieur en pleine journée. Il entame dés lors une course pour sa survie sur le fond du démoniaque thème musical du film tandis que sa femme l'implore toujours à l'aide depuis la fenêtre. En à peine une séquence d'introduction, le réalisateur Juan Carlos Fresnadillo a synthétisé le principal thème des grands films de zombies et qui servait de conclusion au précédent film de Danny Boyle: l'instinct de survie de l'homme passe avant son humanité et il suffit que son environnement social s'écroule pour qu'il agisse comme une bête.

 

 

 

...D'un seul générique:

 

 

Casino Royale

 

Les génériques des James Bond avaient jusqu'ici provoqué un ennui profond et une certaine lassitude à l'idée de les retrouver systématiquement après une spectaculaire scène d'introduction. Néanmoins, ce générique était à l'image du film, un symbole de changement et d'une nouvelle virtuosité retrouvée pour l'agent 007. Appuyé par un choix esthétique audacieux, suggérant habilement la violence inattendue du film et l'ambiguïté de l'intrigue plutôt que de se reposer sur les traditionnelles images érotiques des Bond et enfin soutenue par la voix endiablée de Chris Cornell, ce générique m'avait d'entrée de jeu mis face à face avec l'évidence: ce n'était pas à un renouveau de la série auquel nous avions affaire mais bel et bien le meilleur des James Bond.

 

 

 

...D'une seule fin:

 

 

Incassable

 

 

 

ATTENTION SPOILERS

 

Si M Night Shyamalan est aujourd'hui réduit à réaliser des blockbusters formatés, sa vantardise effrontée avait de quoi être justifier au regard de ses premières oeuvres dont Incassable demeure la plus aboutie. Certes, le Twist Final, une technique que je n'apprécie d'ailleurs pas forcément au demeurant, est moins spectaculaire que celui de Sixième Sens et j'avais été initialement déçu de ne pas découvrir que Bruce Willis n'avait en réalité aucun super pouvoir. Néanmoins, alors que le parcours initiatique de ce héros de comics semblait enfin terminée, découvrir au dénouement que son guide spirituel n'est en réalité que le grand méchant de comics, son ennemi juré, avait de quoi susciter l'intérêt.

Mais il y a surtout cette réplique finale, l'ultime phrase de conclusion, la plus marquante et la plus percutante qu'il m'ait été donné d'entendre au dénouement d'un film, celle de Samuel L Jackson, prisonnier de son fauteuil roulant et de sa maladie, lançant doucement à un Bruce Willis qui s'est déjà éloigné et ne peut plus l'entendre: « Ils m'appelaient l'homme qui casse ». Absolument brillant.

 

 

 

...D'une seule scène clé:

 

 

 

La fusillade sur la plage dans The Killer

 

 

 

J'ai initialement découvert cette scène lors d'une émission consacrée à Christophe Gans, le réalisateur portant un culte à ce film et ayant supervisé sa réédition DVD que je possède. La séquence m'avait suffi à me convaincre de la qualité du film mais ce n'est qu'en le voyant dans son intégralité que l'impact de la scène m'a réellement frappé. Le tueur du film, Jeff, qui vient d'exécuter son dernier contrat se fait soudain trahir par ses employeurs alors que la police est à ses trousses, un enfant est blessé au cours de la fusillade et Jeff se précipite pour le sauver. La scène constitue un tournant majeur du film. Après avoir été le tueur qui traquait impitoyablement ses victimes, Jeff devient la cible de ses anciens patrons et des forces de l'ordre. Mais elle témoigne surtout du passage de « The Killer » à « The Knight » , le tueur monstrueux de charisme incarné par Chow Yun Fat se transformant en une figure hyperbolique du chevalier protégeant les faibles contre un monde entier rongé par le mal.

John Woo y fait la démonstration de son extraordinaire virtuosité pour dépeindre des scènes d'action mais la séquence témoigne surtout de la caractéristique majeure des affrontements qui l'ont rendus célèbre: ces scènes d'action n'étaient pas inutiles à la narration mais constituaient au contraire les moments clés de l'intrigue où les personnages y révèlent leur véritable force et l'ambiguïté de leurs sentiments.

 

 

...D'une seule révélation:

 

Christoph Waltz. Universal Pictures International France

 

Christoph Waltz

 

Mieux vaut tard que jamais: tel est le diction qui s'applique le mieux à cet acteur. A 53 ans, après avoir plusieurs fois songé à mettre fin à sa carrière au cours d'une filmographie discrète, l'acteur aura explosé aux yeux de tous dans l'Inglorious Bastards de Tarantino. Je ne peux qu'espérer voir cet acteur rattraper son retard en exploitant les nouvelles opportunités qui s'offriront dés à présent à lui tout en priant pour qu'il ne soit pas limité aux rôles de subtil sadique grâce auquel il est devenu célèbre.

 

 

 

...D'une seule bande originale:

 

 

 

Star Wars

 

John Williams pour la bande sonore de Star Wars, un choix extrêmement classique diront certains, mais que voulez vous, cet extraordinaire compositeur a tout simplement su créer le langage musical le plus mémorable et reconnaissable de l'histoire du cinéma. Une bande sonore qui a su donner une vie et une identité à cet empire des rêves.

 

 

...D'un seul gag:

 

 

Indiana Jones qui tue trois allemands d'une balle dans la Dernière Croisade

 

Simple, classe et efficace: du grand Indy comme on n'en fait plus!

 

 

 

...D'un seul fou rire:

 

Greg Kinnear, Toni Collette, Steve Carell et Paul Dano. Twentieth Century Fox France

 

 

 

Le concours de danse final de Little Miss Sunshine

 

 

Peut être est ce parce que le film ne contient pas beaucoup de séquences réellement hilarantes et provoque surtout un sourire un peu gêné devant cette grande famille américaine paumée que l'explosion de rire de la séquence finale est resté dans mon esprit. Ce road movie à travers l'Amérique pour atteindre un concours de danse niais et conventionnel au possible s'achève dans un bel esprit de folie général avec toute la famille qui vient danser sur scène devant une foule scandalisée où seul un gros beauf américain applaudit sincèrement à la fin, et il y a pas à dire, c'était une sincère et belle partie de rigolade, du genre qui vous file un grand sourire idiot jusqu'au soir.

 

 

...D'un seul nanar

 

 

Super Mario Bros

 

 

Au risque de perdre définitivement toute crédibilité, j'avouerais que je connais quasiment par coeur les répliques de ce film en VF. Oui en VF, car les nanars partagent cette particularité commune d'être bien plus appréciables avec leur doublage français comme si les doubleurs, conscients de la piètre qualité du film, se lachaient d'autant plus et participaient à renforcer l'aspect ridicule (déjà bien prononcé) du film. Je vous reporte d'ailleurs aux doublages cultes d'Hitman le Cobra (« Philippe! Je sais où tu te caches!!! ») et autres Jaguar Force (« Elles sont mortes à cause de mooooiiiiii!!! ») .

 

Concernant Super Mario Bros, mais quelle idée aussi de faire un film sur un plomber italien qui doit sauver une princesse en allant battre un dinosaure dans un château? Vu le faible background originel, les scénaristes mettent alors en place un monde post apocalytique totalement foireux qui ne reprend que quelques personnages et éléments du jeu original. Mais le film a pour mérite de ne jamais se prendre au sérieux et n'hésite pas à aller loin, très loin dans le ridicule jusqu'à une scène finale jubilatoire de naiveté. Et finalement, compte tenu du faible potentiel de cette adaptation, obtenir un film culte dans l'art du kitch et du nanar ce n'est déjà pas si mal en soit. N'oubliez pas, faites confiance à la mycose!

 

 

 

...D'un seul rêve:

 

Sony/Columbia

 

 

Big Fish

 

 

Le rêve d'une vie magnifiée aux portes de la mort, l'héritage d'un grand conteur à son fils, la plus belle histoire de Tim Burton.

 

 

 

...D'une seule mort:

 

 

 

 

La mort de Don Corleone dans le Parrain III

 

 

Il m'est difficile de comprendre l'animosité qui subsiste encore aujourd'hui envers ce Parrain III tant il me paraît indispensable comme conclusion à la saga de Coppola. Après avoir assisté à la mort de l'être qu'il aimait le plus au monde, Don Corleone semble voué à l'abandon. Le réalisateur choisit d'effectuer un immense saut dans le temps en basculant directement sur la mort du Parrain, visiblement de longues années après. Assis seul sur une chaise, sans aucun autre individu autour de lui, Corleone se remémore les trois femmes les plus importantes de sa vie avant de s'écrouler pathétiquement. Aucun plan rapproché, juste une simple vue d'ensemble de la scène pour retranscrire toute la solitude d'un homme aux portes de la mort après une incroyable vie de meurtres et de trahisons. Simple, triste et percutant, c'est ce qu'on appelle l'art de la sobriété.