Réalisateur du film d'animation le plus déprimant de l'Histoire, Isao Takahata semble vouloir rappeler qu'il maitrise avec brio l'art de susciter la nostalgie et l'émotion chez le spectateur. Comme beaucoup d'autres films contemporains en cette période de crise financière et de modernisation outrancière, le récit exploite sans retenue la mélancolie de la séparation, le regret des joies simples et l’amertume face à une innocence perdue. L'attendrissement extrêmement touchant des premiers pas de l’héroïne est à la hauteur de sa tristesse adulte et il devient douloureux pour le spectateur de voir un personnage aussi débordant de vitalité glisser inexorablement vers une passivité dépressive. A tel point qu'il ne semble pas pouvoir se passer une scène sans une nouvelle crise de sanglots, laissant planer peu de doutes sur la tonalité amère du film en dépit de sa gaieté initiale.

Ce récit initiatique n'est pourtant pas avère en rêveries idéalistes et grâce à l'ingéniosité de sa mise en scène et son exceptionnelle esthétique, l'intrigue quitte en quelques secondes l'amertume du présent pour retrouver une virtuosité incroyable. Le style visuel épuré et crayonné a surtout le mérite, au delà de son attendrissement immédiat, d'être toujours en cohésion avec les sentiments de l’héroïne devenant confus et frénétique sous l'impulsion de sa colère tout comme apaisant et onirique lors de ses instants d'innocence. Une prouesse visuelle, n'ayons pas peur des mots, qui parvient à compenser la narration hélas largement perfectible du film, accusant des conséquentes lacunes de rythme face à une adaptation laborieuse d'un conte qui se prêtait difficilement à une transposition cinématographique. Si l'humour apporte par moments une légèreté bienvenue dans la mélancolie pesante du récit, il occasionne également quelques ruptures de ton pas toujours des plus habiles.

La puissance émotionnelle du final vient toutefois balayer ses défauts pour laisser librement exprimer une émotion sincère. Preuve en est, qu'une fois le récit achevé, un enfant s'est mis à pleurer devant le générique de fin toutes les copieuses larmes que les adultes autour de lui avaient la retenue de ne pas extérioriser, se contentant d'émettre des reniflements approbatifs. Une belle fable onirique mais bien trop chargée de mélancolie pour la regarder un jour de ciel gris.