LES CHEFS D'OEUVRE NAISSENT TOUJOURS DANS LA DOULEUR

 

 En 2006, à peine sorti du développement de Shadow of the Colossus, Fumito Ueda pense déjà à un nouveau projet. Son idée germe, et le concept qui en ressort se voit être un mix entre Ico et Shadow of the Colossus, dans lequel se déroulerait une histoire d'amitié et d'entraide entre un petit garçon (à la base, il devait s'agir d'une fille, mais pour des raisons pratiques et vestimentaires, l'avatar est devenu un garçon), et une gigantesque créature mythologique, sorte de griffon/chat. Sous la bénédiction de Sony, le développement du projet débute officiellement en 2007 sur la Playstation 3. Alors baptisé "Project Trico" dans la logique des choses, le jeu prend forme, doucement, les rangs de la Team ICO étant à présent bien plus touffus, tout en gardant des proportions raisonnables.
En 2009, une première vidéo du jeu est diffusée. Mais il s'agit d'un leak. Cette vidéo est dévoilée avant l'heure, et surtout sans l'accord de Ueda, qui est dévasté par cette mystérieuse trahison. Heureusement, cette vidéo ne dévoilait pas tout, car lors de l'E3 2009 quelques semaines plus tard, le vrai trailer est montré dans les règles de l'art. Le moteur graphique n'a plus rien à voir, plusieurs nouveaux effets d'éclairages et animations sont utilisés, et même le character design a changé. Le trailer, d'une beauté à en faire dans son slip, met tout le monde d'accord. The Last Guardian de son nouveau nom ("Trico, l'aigle mangeur d'hommes" au Japon), devient alors un titre à l'aura divine. A peu près tout le monde se touche devant lui, et on comprend pourquoi.

 

 Le trailer prototype

 

 Le "vrai" trailer

Mais il y a un hic. Le fait est que le développement de The Last Guardian prend plus de temps que prévu. Trop perfectionniste aux yeux de Sony, Fumito Ueda veut tellement faire les choses bien que son projet en devient long et fastidieux. D'abord annoncé pour sortir en 2011, The Last Guardian connait report sur report, et boude même les plus gros salons internationaux. Au sein du studio, l'ambiance n'est plus la même. Sony brusquant toujours plus l'équipe pour qu'elle achève le jeu, des pressions internes se font sentir, et déteignent même en public lors des rares sorties médiatiques de Ueda.
Entre temps, un nouveau facteur entre en jeu : la remasterisation HD/3D d'Ico et Shadow of the Colossus sur PS3. Encouragée par Sony pour recréer l'attente autour de The Last Guardian et solidifier les fonds pour son développement, l'idée de cette réédition ne plait d'abord pas à Ueda. Mais il finit par abdiquer, conscient des nécessités de la situation. Néanmoins, lui et son équipe préfèrent laisser les deux œuvres sortir telles qu'elles, en 2011. Les bougres savent très bien que s'ils commencent à se pencher sur un vrai remaniement, leur perfectionnisme leur ferait perdre trop de temps sur le développement de The Last Guardian...
Fin 2011, le feuilleton ne fait que multiplier les drames, et la situation empire. Yoshifusa Hayama, vice-président de Sony et producteur exécutif de The Last Guardian, démissionne pour rejoindre un studio londonien. Il est remplacé par Tsubasa Inaba. Mais le clou du spectacle, c'est Fumito Ueda qui l'amène, en démissionnant lui aussi de chez Sony. Bien sûr, rien n'est détaillé sur son départ, qui est même à moitié camouflé. Mais les tensions internes, sans doute insoutenables, ne doivent à priori pas y être étrangères. Toujours est-il que Ueda, encore sous contrat, est loin d'avoir dit son dernier mot, et avec une passion tout aussi impliquée dans le développement de The Last Guardian, continue à œuvrer en tant que freelance.
Depuis ce jour, que très peu de nouvelles sur The Last Guardian circulent. Une rumeur d'annulation fut même d'actualité, avant d'être démentie. Shuhei Yoshida, producteur chez Sony, affirme début 2012 que le studio de Sony Santa Monica (God of War) a été mobilisé pour apporter un soutien technique à la Team ICO. Doit-on s'en inquiéter ? Cela risque-t-il de dénaturer l'âme du jeu ? Le mystère plane... Ce même Yoshida déclare également que le jeu "n'est pas en état de sortir tout de suite". En voilà une belle, de phrase normande...