De Climax, sorti en 2009 aux USA et 2010 en Europe sur Wii, puis en 2010 sur PS2 et PSP

 

SILENT HILL SE REINVENTE ENFIN

Aux Etats-Unis, 2009 marque l'arrivée de Silent Hill Shattered Memories sur Wii, édité par Konami et développé par Climax, les mêmes qui firent déjà du beau boulot avec Origins. Le jeu parait en Europe durant 2010, pour également ressortir sur PS2 et PSP la même année. Contre toute attente, cet épisode de Climax bouleverse à lui seul la série en reprenant tout à zéro. Exit les codes du survival ou du jeu d'action, car maintenant, on a affaire à un jeu d'aventure pur et dur, qui se centre exclusivement sur la narration, et il était temps ! On ne fait donc que résoudre de petites énigmes et visiter des lieux en l'occurrence presque tous inédits, ce sans arme ni rien d'autre qu'une lampe torche et un téléphone portable (qui nous sert d'appareil photo, de carte et accessoirement, de moyen de communication), puisque de toute façon, il n'y a aucun ennemi sur notre route. En tout cas, cela est vrai la majeure partie du temps, car à intervalles réguliers surviennent des phases de course-poursuite où l'on doit courir se cacher des créatures qui nous harcèlent aux moments les plus inattendus. Utiles pour rythmer l'aventure, ces phases ne sont cependant pas toujours bien senties, à cause de leur lourdeur et des QTE pénibles qu'il faut effectuer avec la Wiimote et le nunchuk pour la version concernée. Toujours est-il que Shattered Memories est un de ces jeux qui ne sont pas «à gameplay», et reste en priorité une expérience lente et calme, où l'immersion prime par-dessus tout. Plus axée épouvante que quoi que ce soit d'autre, son atmosphère bien à lui fait parfois penser à Alan Wake et ses effets de mise en scène pour le moins réussis, où moult visions surnaturelles se déroulent devant nous. De plus, grâce au rendu visuel superbe pour les plates-formes sur lesquelles le jeu tourne et à une débauche d'effets météo, d'éclairages et d'ombres, on découvre alors une ville de Silent Hill tout autre, gelée par le blizzard et disposée à nous faire vivre une tonne de moments mémorables (la scène où l'on est coincé dans une voiture étant en tête de liste). Bien entendu, tout cela ne serait rien non plus sans l'excellente bande-son, que ce soit au niveau des très bons doublages, ou des musiques à l'influence électro-jazz de Yamaoka qui tire sa révérence avec classe.

L'intro du jeu :

 

HARRY MASON ET L'ECOLE DES PSY

Silent Hill Shattered Memories, avant d'être un vrai vent de fraîcheur pour la saga, se veut symboliser une sorte de relecture scénaristique du Silent Hill premier du nom. On retrouve effectivement le même synopsis de base, à savoir Harry Mason qui perd sa fille Cheryl de vue, suite à un accident de voiture près de la ville de Silent Hill. Jusque là tout va bien, sauf qu'on s'apercevra vite qu'ici, Harry a l'air d'être amnésique et que les évènements prennent une tournure franchement différente de celle du jeu original, à un tel point qu'on peut véritablement parler de réinterprétation de A à Z. Moins glauque mais plus émotionnelle que ce à quoi nous étions habitués dans la saga, l'histoire a lieu dans un cadre davantage moderne et réaliste. Chaque personnage a donc un look et une personnalité adaptée à ce changement, allant de Harry désormais devenu binoclard, plus hésitant, plus frêle et donc plus humain, jusqu'aux Lisa Garland, Cybil Bennett et autre Dahlia Gillespie que l'on redécouvre du tout au tout, sans oublier la nouvelle venue, Michelle Valdez. Une des particularités du jeu est qu'il est d'ailleurs possible de déterminer dans les grandes lignes la personnalité de chacun des personnages, donc le déroulement du récit. Pour cela, il faut répondre aux tests psychologiques auxquels on est régulièrement soumis, lorsque l'on quitte les phases de narration pour revenir dans le bureau du Docteur K (l'analyste qui nous fait suivre une thérapie et qui nous pousse à raconter les péripéties qui ont eu lieu à Silent Hill). Ces tests brossent notre personnalité, pour ensuite modifier le cours de la narration qui, quels que soient nos choix, demeure aux petits oignons. Car tout en adoptant d'un angle foncièrement déstabilisant l'âme d'un Silent Hill, ce Shattered Memories accomplit l'insurmontable défi d'égaler la profondeur scénaristique de ses aînés, en se nourrissant avec intelligence de la thématique de la psychanalyse, et en nous gratifiant d'une des fins les plus magistrales qui soient dans le jeu vidéo.