Gone Home est un jeu d’exploration à la première personne sorti en 2013 et développé par The Fullbright Company. Si le nom de ce studio ne vous évoque rien, il est intéressant de savoir qu'il a été fondé par d'anciens membres d'Irrational Games ayant notamment bossé sur la série Bioshock. Intéressant pourquoi ? Et bien parce que Gone Home nous rappelle inévitablement le triptyque d’Irrational et plus précisément sa narration faite de voxophones à collecter au fur et à mesure de l’exploration du jeu. Bon, au-delà de ça, la comparaison n'a bien évidemment aucun sens. Gone Home ne partage ni l'ambition scénaristique ni la portée philosophique de la trilogie de Ken Levine (et non, il n'y a pas non plus de gunfight dans Gone Home... si toutefois il était utile de le préciser). Gone Home est un jeu beaucoup plus terre à terre, ce qui ne l'empêche pas pour autant de nous surprendre et de nous toucher. 

Remarque : J’ai tâché d’éviter tout spoiler lors de la rédaction de cet article. Néanmoins, Gone Home est une expérience si courte et sensorielle que je recommande vivement de plonger dans le récit sans avoir connaissance de la moindre information le concernant. Le plaisir de jeu réside dans la découverte…

Dans Gone Home, vous incarnez Kaitlin Greenbriar, une jeune fille américaine d’une vingtaine d’années. L’histoire se déroule en Juin 1995 alors que vous rentrez tout juste d’une année sabbatique passée à sillonner l’Europe. Vos bagages déposés sur le palier, vous vous apprêtez à découvrir la nouvelle maison dans laquelle vos parents viennent d’emménager. Seulement voilà, l’endroit semble totalement vide : vos parents sont absents tout comme votre s½ur cadette Sam, qui était pourtant sensée vous accueillir. Cette dernière vous a d’ailleurs laissé une note pour le moins énigmatique sur la porte d’entrée : Sam s’excuse de ne pouvoir être là et vous demande de ne pas essayer de savoir ce qui lui est arrivé... Bien entendu, le but de Gone Home sera de faire précisément tout le contraire…

Dans Gone Home, il est important de prêter attention aux moindres détails …Comme cette sublime moustache par exemple…

Autant le dire, l’histoire de Gone Home n’est pas des plus inventives. On y retrouve pas mal de poncifs éculés par bon nombre de films plus ou moins « Arty » façon Sundance Festival : ambiance un peu déprimante mais colorée ; adolescents alternatifs un peu paumés mais artistes dans l’âme ; et surtout une bande originale à la cool avec du punk chanté par des filles.
Bref, malgré les clichés, l’histoire reste plaisante à suivre et l’ambiance des années 90 y est parfaitement retranscrite. Et si le genre (puisqu’il me semble que c’en est un...) est devenu un peu pompeux à force dans le cinéma (et la littérature), côté jeu vidéo, Gone Home fait presque figure d’expérimentation. C’est même ce qui fait sa force : le média se montre sous un jour nouveau finalement assez bien adapté.

Un exemple (parmi tant d'autre …)

Gone Home distille ainsi son histoire au compte goute, à mesure de votre progression dans l’exploration de la maison. Concrètement : à vous de faire endosser à Kaitlin le rôle d’une grosse maniaque dont le seul but sera de fouiller les moindres recoins de sa nouvelle demeure afin d’en percer tous les mystères.
Bien entendu, c’est dans cette « enquête » que réside tout l’intérêt de Gone Home : partir de rien et découvrir petit à petit, au gré des informations glanées çà et là, les détails sur la vie et la personnalité de vos proches.

Hélas, si la recette fonctionne, elle montre rapidement quelques limites.

Pour commencer, il faut se faire à l’idée que la notion de pudeur n’existe pas chez les Greenbriar.  En effet, il semble communément admis dans cette famille que laisser trainer ses petits secrets un peu partout ne pose aucun problème…
Ensuite, la linéarité dans la progression peut sembler un tantinet incohérente. Le jeu vous impose d'explorer la maison dans un ordre bien précis afin de débloquer l’accès à de nouvelles pièces (bon, on n’est pas non plus dans le manoir de Resident Evil). Mais n’est-il pas un peu paradoxal d’aller fouiner en premier lieu dans les secrets intimes de vos parents avant même vous être assurée que la maison était bel et bien vide ?
A ce propos j’aurais rêvé de cette fin alternative façon surprise party, où toute la famille s’était en fait réunie dans une pièce lumière éteinte afin de « piéger » Katlin pour son retour de voyage : SURPRIIIISE ! … alors que pendant ce temps-là, la bougresse a fait voler en éclat tous les tabous de la famille... Fullbright Company, si vous me lisez, j’attends le DLC avec impatience.  

Gone Home est truffée de référence à son époque…

En fait, il faut juste un petit temps d'adaptation pour comprendre que l’histoire de votre s½ur sert de fil conducteur à la narration. Certaines découvertes clés déclencheront la lecture d’extraits audio du journal intime de Sam, page par page, jusqu'à vous mener à la révélation finale. D'ailleurs, si cette partie n’est pas forcément la plus intéressante de l’histoire (à mon sens), la montée en tension est plutôt bien amenée et l’on ne peut s’empêcher de craindre le pire avant de pénétrer dans la toute dernière pièce...

En parallèle de cette trame principale, vous récolterez les autres pièces du puzzle afin de reconstituer l'histoire de  la famille Greenbriar : des éléments vous permettant de mieux connaitre la personnalité de Kaitlin à ceux retraçant le parcourt de ses parents, sans oublier tous les mystères qui entourent le lieu et son passé...
Les révélations sont amenées de manière un peu plus décousue et suggérée mais on sent assez vite que des choses pas très nettes se sont produites dans cette maison (je pense en particulier aux liens unissant votre père à l’ancien propriétaire des lieux qui sont pour le moins dérangeant ...)

 

Pas très nettes vous dites ?

Conclusion :
En à peine 2h, Gone Home réussi son pari : faire passer le joueur du statut d’étranger un peu déboussolé à celui de membre à part entière de la famille Greenbriar. Sans user d’artifice superfétatoire, Gone Home se concentre sur le déroulement de son récit et la découverte de ses personnages.
Le jeu vidéo prouve une fois plus qu’il lui est possible de raconter tout type d’histoire, pour tout type de public, tout en respectant ce qu’il est, à savoir une expérience interactive. Dans Gone Home il n’y aucune cut-scène, juste une histoire où les pages qui se tournent ont été remplacées par les clics d’une souris.