C’est avec un plaisir non feint que nous vous partageons aujourd’hui un interview de Romain « Caelan » Albesa. Ancien joueur compétitif de League of Legends et désormais animateur et coactionnaires de la structure Solary. Cet interview a été réalisé lors de la VGA 2018 à Valenciennes, avec un Caelan souriant et bienveillant. Voici nos échanges.

 

K : Bonjour Caelan !

C : Bonjour !

 

K : Au cas où certains de nos lecteurs ne te connaîtraient pas, est-ce que tu peux rapidement te présenter s’il te plaît ?

C : Je suis Romain Albesa, mais on me connait surtout sous le pseudonyme de « Caelan », je suis l’un des fondateurs de Solary et streamer à côté, et c’est le plus important je pense.

 

K : C’est parfait même ! Nous sommes actuellement à la VGA 2018, qu’est-ce que tu penses de cette LAN ?

C : Je trouve la LAN plutôt bien organisée. Les joueurs de LOL n’ont pas de souci niveau réseau or c’est ce sur quoi nous sommes le plus vigilant en général. C’est la première fois que je fais cette LAN et je suis agréablement étonné du monde qu’il y a. Je ne m’attendais pas à autant de visiteurs ni même de joueurs.

 

K : Bien que tu ne sois plus joueur compétitif dans une team, est-ce que tu t’intéresses toujours à la scène esportive ?

C : Bien sûr !

 

K : La scène française de League of Legends est désormais régie par le LOL OpenTour, qui est une compétition régulière réunissant les meilleures équipes françaises. Lunary et Solary sont engagées dans cette compétition. Qu’est-ce que tu penses de cet Open Tour ?

C :  Je trouve que c’est un bon format. Selon moi, cette compétition organisée selon un circuit national est la forme qu’auraient dû adopter les LCS EU. En termes de génération de hype, le schéma de circuit est ce qu’il y a de mieux. Prenons par exemple le Tennis, le modèle de circuit via les tournois du Grand Chelem est parfaitement adapté. C’est la même chose avec les Majors que l’on retrouve dans CS:GO ou Rainbow VI par exemple, qui sont de véritables catalyseurs d’engouement.

 

K : Et c’est d’autant plus pratique que la hype est prolongée dans la durée au gré de chacune des étapes.

C : Exactement !

 

K : Est-ce que l’esport sur d’autres jeux, concurrents à League of Legends, te fait peur ?

C : Peur ? Non il ne faut pas avoir peur ça. Prenons un exemple traditionnel ! Pourquoi le football est le sport le plus connu, qui domine tout en termes d’audience, de hype autour des compétitions et de flux financiers ? Parce que ce sport intéresse des milliards de gens. N’importe qui peut pratiquer ce sport !  Même à un petit niveau ! En faire en compétition… Et surtout tout le monde peut le regarder. C’est ça qui crée le milieu du sport ce sont les gens qui s’y intéressent.

Nous dans l’esport, on a la particularité d’être dans un milieu qui évolue énormément parce qu’il est jeune. Et pourtant, le milieu a beau évoluer certains jeux restent leaders pendant des années parce que les gens s’y intéressent. Regarde LOL, le jeu est sorti il y a bientôt 10 ans, certains y jouaient même sur la Bêta, et pourtant le jeu est parti pour durer encore un moment. Donc non il ne faut pas en avoir peur. De plus, si un jeu s’éteint, c’est parce que d’autres fonctionnent mieux. Il faut savoir évoluer avec ton milieu, « prendre la vague » comme on dit, mais si tu refuses de prendre la vague, tu seras amené à faire autre chose, à changer de milieu justement.

 

K : Durant ta carrière, tu as été compétiteur et streamer. Du coup, compétiteur ou streamer ?

C : Je pencherais pour compétiteur. Tu ressens des choses beaucoup plus fortes, tu fais des rencontres et vis des expériences extrêmement enrichissantes en tant que personnes lorsque tu es compétiteur. Bien évidemment, cela va dépendre de ce que tu recherches en tant que personne, mais personnellement, dès mon plus jeune âge j’étais quelqu’un de très compétitif. J’ai commencé très tôt à faire de la natation en compétition par exemple.

Également, je trouve les sports d’équipes fantastiques, tu vis des choses uniques, ressens des sensations incomparables avec quoique ce soit, et je pense que c’est encore plus fort pour l’esport. Je dis ça parce que dans l’esport tu assistes à un phénomène que tu ne retrouves pas dans les sports traditionnels. Lorsque des gens vont monter une équipe à partir de rien, avec des gens qu’ils pensent connaître. Alors que parfois ils ne se connaissent que virtuellement. Ils ne se découvriront que pendant la compétition lorsqu’ils se déplacent. Or gagner avec quelqu’un que tu ne connais que spirituellement, réussir à créer un lien avec des gens dont tu ignores presque tout, c’est exceptionnel.

Je ne vois pas quel autre milieu, quelle autre pratique apporte quelque chose de semblable.

 

K : Sans t’en rendre compte, tu viens littéralement de pitcher l’objet de l’application KYKLOS qui est de permettre aux joueurs de « rencontrer » spirituellement des gens par le biais du jeu vidéo et de créer un lien entre les personnes. Nous t’en remercions grandement ! (rires)

C : Haha et bien écoute il n’y a pas de souci (rires).

 

K : Tu as évoqué précédemment le fait que tu avais fais du sport en compétition quand tu étais plus jeune. Est-ce que tu es d’accord pour dire que les bons sportifs font de bons esportifs ? Nous avons publié un article à ce propos sur notre site, et c’est étonnant de voir à quel point les sportifs peuvent être de très bons esportifs.

C : Totalement. Je suis tout à fait d’accord. Et j’ajouterai même à cela que les bons étudiants, les personnes ayant des facilités d’apprentissage font de bons esportifs. Je pense que ce qui recoupe le sport, les études et l’esport, ce sont des problématiques de méthodologie, de rigueur dans le travail. Dans un schéma compétitif, au sommet tu ne retrouveras que des gens rigoureux, qui ont une véritable dynamique de travail. Après évidemment tu as des gens talentueux, qui n’ont pas forcément besoin d’une même rigueur, même si tu auras toujours besoin d’un minimum de rigueur justement et de méthodologie.

Quand tu arrives à un certain niveau en tant que compétiteur, tu n’es pas le seul à chercher à atteindre le sommet. Dans un milieu compétitif, je me suis toujours dit que si tu veux battre quelqu’un qui travaille une heure, il faut que tu travailles une heure et demi et/ou mieux travailler.

 

K : Tu évoques l’aspect étudiant, cela me fait une transition toute trouvée pour la prochaine question. Riot Games France vient d’annoncer la Grosse Ligue, qui est un circuit de tournois réservés aux étudiants. Sachant qu’un étudiant n’est a priori pas destiné à devenir un athlète de sport électronique, quels sont les apports d’une telle ligue ?

C : Je pense que cela envoie un bon message. Comme je le disais, les étudiants avec une bonne rigueur et une bonne méthode de travail feront de bons compétiteurs. Et avoir ce genre de ligue rendrait la compétition beaucoup plus intéressante pour ces gens-là car le niveau attendu serait beaucoup plus élevé, beaucoup plus challengeant. Bien sûr ils n’ont pas le même temps d’entraînement que des joueurs compétitifs.

Cela apporte une équité dans la compétition puisque finalement. Tout le monde est logé à la même enseigne, et par implication cela va créer plus d’engouement chez le joueur étudiant. En fait, cela leur permet de se détacher un petit peu de leurs études, tout en leur apportant quelque chose de bénéfique. Ils vont pouvoir approfondir des compétences qu’ils n’auraient pas forcément sollicité dans un milieu éducatif ou universitaire.

 

K : On pourrait même imaginer une « perle », un étudiant qui s’avèrerait être un excellent esportif, ce genre de ligue lui apporte une visibilité immédiate.

C : Et qui sait, c’est peut-être le premier pas vers le Sport-Etude esportif. Je pense qu’en France on a encore un peu de mal à accepter le phénomène qu’est l’esport. Ça vient petit à petit, il ne faut pas être pressé, en France on met toujours quelques années de plus à accepter la nouveauté, mais on finit toujours par l’accepter in fine.

 

K : Et bien justement tu fais bien d’en parler. L’un de nos partenaires sur cet évènement, emlyon business school, a introduit la pratique de l’esport comme matière permettant de valider ton année (article ici)

C : Ah ouais ? Incroyable ! Et bien tu vois c’est justement ce que je disais quand on parlait de l’acceptation pas à pas de l’esport comme phénomène sociétal.

 

K : A la LAN où nous nous trouvons, le tournoi Fortnite n’est pas un tournoi officiel mais communautaire. Cela signifie que n’importe qui peut y participer tant qu’il paye les frais d’inscription et qu’il reste un slot de libre. Cet aspect-là est un petit peu en train de disparaître sur League of Legends, et ça pourrait également disparaître sur Fortnite. Qu’est-ce que tu penses toi personnellement de ces événements communautaires ?

C : Je suis totalement pour. Il faut savoir que Fortnite et LOL sont des jeux qui touchent des communautés totalement différentes. LOL demande énormément d’investissement, tu ne pourras jamais devenir bon si tu n’y consacres pas des centaines d’heures. Il y a trop de champions, trop de sorts, trop d’items, de runes à connaître pour pouvoir s’en sortir sans tryhard. Alors que Fortnite est beaucoup plus accessible, et je pense que, là-dessus, Epic Games font un très bon travail en accordant de l’importance à la fois aux tryharders et aux joueurs plus casuals.

A terme, rien n’interdit à un joueur casual d’approfondir l’expérience de jeu en s’intéressant par exemple à la compétition. C’est exactement la même chose avec le football. Tu n’as pas besoin d’un investissement préalable énorme en temps et en énergie pour comprendre le football, mais derrière si tu veux plus tu peux aller chercher plus.

 

K : Finalement cela reprend le concept de « Easy to play, Hard to master”.

C : Exactement. Et je trouve que là-dessus, Epic Games font un très bon travail.

 

K : Quelles sont aujourd’hui tes ambitions personnelles ?

C : On va commencer par les ambitions de « Caelan ». J’essaye en ce moment de m’appliquer, de me former, pour devenir un chef d’entreprise dont je peux être fier. Y a un second Caelan qui se considère déjà comme un chef d’entreprise et qui ne pense qu’à faire développer Solary sur plusieurs domaines. Moi, je suis plutôt concentré sur l’aspect merchandising. J’ai également envie de pousser l’esport au sein de la structure.

Quant à moi plus personnellement donc Romain, je veux développer mon entreprise en respectant un idéal d’humanisme. Je trouve que jusqu’à présent on a fait avancer les choses en respectant l’humain, proprement, et j’en suis incroyablement fier. On est dans un milieu avec beaucoup de mensonges, de non-dits, ou de mal-dits pour être plus trompeur. Et nous de notre côté on cherche à faire les choses bien et les gens qui travaillent avec nous sont super contents.

Tu vois, rien que d’en parler me fait réaliser à quel point ce que je fais est incroyable. J’ai 22 ans, et à Solary on a une assistante de direction, qui est en CDI, célibataire avec deux enfants, et la pratique de ma passion, qui est devenu mon métier, permet à cette femme de vivre correctement.

 

K : Enfin, pour terminer cette interview, est-ce que Romain est épanoui ?

C : Ouais, je suis vraiment super épanoui. J’ai la chance de travailler dans un milieu qui me passionne, ce qui fait que je ne compte plus mes heures mais je prends toujours autant de plaisir. En plus il y a des résultats derrière ! Les gens apprécient donc on n’a absolument pas l’intention de s’arrêter là. Faire de sa passion son métier, et qu’en plus ça marche, c’est une chance unique. Y a une part de chance aussi, j’en suis conscient. J’ai beau avoir travaillé, je sais que ce sont des opportunités saisies qui font là où j’en suis aujourd’hui. Il ne faut pas oublier que j’ai un parcours particulier ! A la base j’étais joueur, je suis devenu streamer, et maintenant je suis entrepreneur.

Beaucoup de gens me demandent s’ils doivent se lancer dans ce métier, c’est très dur d’y répondre. Personne ne te recommandera de te lancer dans une carrière de rockstar, parce qu’il y a une part de chance en fait. Ton succès dépend des goûts d’une masse de gens, et tu ne peux pas savoir à l’avance si tu vas plaire à suffisamment de gens.

Et bien le gaming et l’esport c’est pareil. Tu ne pourras pas savoir à l’avance si tu seras au niveau compétitivement. Faut assurer sa survie dans un premier temps, et ensuite tu pourras te tourner vers ton confort personnel, aborder des notions de passions, plaisir etc. Mais c’est la survie qui compte dans un premier temps il ne faut pas se leurrer, et moi j’ai dépassé ce stade donc je ne retire que le plus et j’espère aller encore plus loin dans tous mes projets.

 

K : Merci beaucoup Romain de nous avoir accordé cette interview c’était passionnant !

C : Merci beaucoup pour cette interview ! Les questions étaient pertinentes, j‘ai pris beaucoup de plaisir à la faire. J’en profite pour remercier aussi toutes les personnes qui suivent Solary et qui me suivent plus personnellement. Sachez qu’on se donne à fond tous les jours pour faire en sorte de vous satisfaire. Et j’espère que les lecteurs de cette interview apprécieront nos échanges.