Ca va spoiler méchamment en ce qui concerne ce boss, vous êtes prévenus.

 

The End

The End, le fourbe vieillard.

 

Souvent effacé par le boss culte du jeu vidéo, j'ai nommé Psycho Mantis, The End n'en est pas moins respectable.

Un boss culte trop souvent oublié à défaut d'être souvent mal connu voire inconnu. Mais pour peu qu'on l'ait joué, qu'on soit un joueur un tant soit peu passionné, on ne peut vraisemblablement passer à côté de la splendeur du déroulement de cette phase de Metal Gear Solid 3; phase en plein milieu du jeu. La "pause" parfaite qui sépare ce jeu en deux. La piquûre de rappel qualitative, comme si tout ce qui s'était passé avant n'était déjà pas suffisant en terme de qualité. Soit.

Kojima a toujours aimé jouer sur l'effet de suprise, l'attente du joueur prise à contre pied, somme toute jouer avec son joueur, tout simplement. Que ce soit le visage masqué du personnage principale de la cinématique d'ouverture dans absolument tous les vrais MGS sortis jusqu'à présent, les derniers plans révélateurs de personnages nouveaux qui durent un peu trop longtemps ou évasifs (montrent tout sauf le visage!), ou carrément l'introduction d'un personnage nouveau et jouable contre toute attente (Raiden dans MGS2), Kojima adore jouer les fourbes. Et une fois encore, il ne déroge pas à la règle avec ce boss un peu spécial.

 

 

Naked Snake, cinématique d'ouverture

 

D'abord, il faut savoir à quoi il ressemble. Donc rappel ou révélation pour ceux qui ne le connaissent pas encore, il est présenté a priori comme un vieillard sans doute dépassant la centaine d'années, souvent sur sa chaise roulante. Tantôt endormi, tantôt semblant semblant être à l'état végétatif, passif, jamais il n'est présenté comme une menace. Tout est fait pour ne pas inquiéter ni éveiller quelconque soupçon de la part du joueur quant à la dangerosité du protagoniste. On entend juste des rumeurs comme quoi il serait le père des snipers modernes, un excellent sniper donc, mais difficle à croire étant donné ce qui nous est présenté par Kojima Production (au passage, MGS3 Subsistence est le premier jeu réalisé par la team sous ce nom là).

 

Seulement voilà. Arrive le moment fatidique -si tant est qu'on ne l'ait pas tué avant, car oui, on peut éviter ce boss en le snipant juste après un cinématique-, le combat contre ce soit-disant père des snipers modernes. Et là, les fourberies kojimesques font encore merveille. Dès le début du combat, on découvre un personnage arrogant, provocateur ("et tu te fait appeler l'apprenti de The Boss?!" dit-il dédaigneusement après nous avoir décoché une fléchette empoisonnée; provocation propre à la volonté de Kojima dès MGS2, où il voulait une intéractivité poussée entre le joueur et ses ennemis -et plus généralement le jeu-, ces derniers pouvant parfois avoir peur, parfois le provoquer et être arrogants comme ici). Chose encore plus suprenante, il apparaît être un excellent sprinter; impossible de le ratrapper exclusivement à la course. Suprenant tout ça, quand on se rappelle de la façon dont il nous a été présenté jusque là.

 

The End cache bien son jeu

The End cache bien son jeu...

 

Mais alors pourquoi ce boss est-il si spécial? En dehors du contre pied quant à son apparence physique une fois vu à l'oeuvre, c'est l'ensemble de cette phase de gameplay qui est remarquable.

 

The End est donc rapide, arrogant, ultra précis (son surnom s'avère donc être tout à fait justifié, à nos dépens) et munis d'un Sniper modifié pour envoyer des fléchettes destinées à faire diminuer l'endurance du joueur de façon vertigineuse. Gardez cela à l'esprit. Ah oui. The End a beau être très vieux, son endurance est remarquable, et, cerise sur le gâteau, il possède une combinaison spéciale qui lui permet de l'économiser, voire de renouveler cette endurance. On est donc a priori largement désavantagés, n'est ce pas. Mal barrés quoi, carrément.

La zone d'affrontement se compose en 3 sous-zones toutes situées dans la jungle:

Sokrovenno Sud, Sokrovenno Nord et Sokrovenno Ouest. Chaque zone possède plusieurs endroits idéaux (Kojima) pour sniper, et donc vu sans être facilement vu. Endroits souvent surélevés, donc. On aura tout de suite compris qu'à supposé départ au même endroit, The End arrivera toujours à un endroit donné avant le joueur. Etant donné l'immensité de la carte et l'absence de limite de temps (le combat peut durer moins de 10mn ou plus d'une heure, tout dépend du joueur), on aura vite compris que l'endurance jouera un rôle majeur durant cette affrontement. Vous vous souvenez de ce que vous deviez garder à l'esprit (mais si, les fléchettes qui font diminuer l'endurance!)? Le lien n'est pas difficile à faire, donc: d'un côté il faudra courrir en gérant son endurance, de l'autre éviter à tout prix de se faire toucher par The End et ses fléchettes diminutrices d'endurance (qu'on pourra alors retirer au couteau, si touchés nous sommes). On remarquera au passage que tout cela est en phase avec le gameplay. The End aurait pu avoir un sniper normal, tirant des balles normales. Eh bien non, ce sont des fléchettes qui baissent l'endurance, et donc entravant la progression du joueur. La répercution sur le gameplay en est donc directe. Voilà un premier élément de gameplay qui sert de socle à toute cette phase: gérer son endurance à tout prix, éviter de courrir à tout va et perdre de vue The End (surtout ses traces, en fait...).

Seulement voilà, si c'était que ça...on pourrait dire "maouai, c'est tout?". Eh bien non pas c'est tout. De la valeur ajoutée made in Kojima Production vient sublimer le tout. Des détails qui font toute la différence. On se dit, mais comment vais-je repérer ce fourbe?

Des lunettes thermiques! Excellente idée: elles permettent de suivre ses traces de pas(utiles, quand on voit à quel point il trace, c'est le cas de le dire). Seulement voilà. Ambiance oblige, et pour renforcer l'immersion, les conditions climatiques ne sont pas de notre côté. Non seulement on peut avoir de la brume qui viendra sévèrement compromettre notre champ de vision (oubliez les jumettes dans ce cas, donc!), mais pire, de la pluie. Et pas n'importe quelle pluie! C'est comme par hasard une pluie bien reloue qui vient effacer les traces de pas, et donc le cas échéant, les lunettes thermiques ne servent plus à rien durant sa tombée. Les conditions météos sont donc un autre élément du gameplay, et ne sont pas là pour faire joli, bien qu'extrêmement réussies graphiquement et artistiquement.

Mais alors à part ça (lunettes thermiques, jumelles, traces de pas), comment repérer The End? Toujours dans le soucis de communiquer clairement avec le joueur -vous pouvez d'ailleurs consulter cet excellent article traitant de l'IA- plusieurs moyens sont là pour la communication joueur-jeu. D'abord, avant chaque tir, The End nargue le joueur. Provocation camouflant l'aide au joueur, histoire de lui dire "évite! évite tout de suite!" (par un roulade par exemple, en se cachant très vite, etc). Autre élément dans cette optique: le viseur du sniper de The End. En effet, s'il fait beau (rappelez-vous qu'il peut pleuvoir, y avoir du brouillard...), la lunette du fusil reflète les rayons du soleil, et il est donc possible de répérer The End à la lueur de son traitre sniper. Autre élément encore, lorsque le joueur campe un peu trop sur sa position et avec ostentation, la vue passe à travers les yeux de The End, rivés dans la lunette de son meilleur ami de fer (nan, parce qu'il a aussi un perroquet qui le suit constamment, et j'pense que c'est lui son vrai meilleur ami organique!). On apperçoit alors nous, joueur, en joue par le veillard fourbe. Evidemment tout est temps réel, donc on contrôle encore notre personnage, Naked Snake alias Jack. Premier réflexe? Roulade! Encore un excellent moyen faisant non seulement office de communication joueur-jeu, mais aussi de mise en tension et immersion supplémentaires.

 

Les plus savants d'entre nous auront notamment trouvé une autre technique pour le répérer: le micro directionnel (micro amplificateur de son, pouvant ici servir à entendre The End dans ses rélfexions et autre sommeil). On pourra aussi utiliser son perroquet, en l'attirant d'abord puis en obeservant son déplacement.

 

Mais le fun étant un élément majeur des MGS et cher à Kojima, ce sont les possibiltés offertes qui viennent encore plus sublimer toutes ces ingénieuses trouvailles évoquées ci-dessus. Ainsi, tout dépend de l'approche du joueur. Loyale? Pas de problème, on peut se la jouer d'égal à égal en faisant un parfait duel de snipers avisés (bien que le notre tire des balles réelles, il sera par la suite possible d'obtenir le sien une fois qu'on l'aura vaicu en lui diminuant toute son endurance, par exemple avec un simple tranquilisant). Bourrine? Toute une panopolie d'arme lourde, notamment l'AK-47, est à notre disposition, et les nombreuses façon de repérer The End sont autant de façon de s'en donner à coeur joie. Les plus sadiques d'entre nous pourront même se la jouer Bomber Man en plaçant des charges de TNT aux endroits de snipers: la suite se passe de commentaires. Quant à eux, les plus subtils d'entre nous (j'ai personnellement essayé à peu près toutes les méthodes, et celle qui va suivre est ma préférée) pourront carrément jouer au chat et à la souris. Pas de snipers, pas d'arme lourde, quasi rien dans les mains si ce n'est un tranquilissant destiné à lui faire baisser son endurance (et accesoirement gagner son arme en bonus un fois vaincu). Dès lors la traque commence. Lunettes thermiques. Traces de pas repérés. Tranquilisant dans la main. Et c'est ppppppartiii. Un fois repéré, on peut carrément se faufiler sans bruit derrière lui (à l'aide du mode traque assigné au touches directionnelles, pour marcher sans faire de bruit) , le tenir en joue et l'obliger à nous balancer du bonus. Il existe d'autres méthodes, d'autres gadgets à utiliser, bref, le joueur est libre de réaliser l'approche voulue.

La dernière approche évoquée, la subtile.

 

 

 

Tous ces élements élèvent ce moment du jeu au stade de moment culte, en l'occurrence ici boss culte: The End. Une traque, une chasse à l'homme ô combien joussive, sans limite de temps, en toute liberté, aux multiples approches et au fun irréfutable. Joueur surpris, charisme du boss, terrain de jeu, conditions climatiques ayant un impact direct et non négligeable sur le gameplay, affrontement en phase avec ce gameplay (endurance et tout ce qu'il y a autour), petits détails qui font toute la différence, intéraction avec le boss (possibilité de le surprendre, en joue et autres), approches libres et variées, toute cette diversité renforce l'immersion, l'art de faire croire, l'art de créer un monde cohérent aura rarement été aussi réussi. Sans compter l'ambiance merveilleuse de la jungle, les sons, les animaux nombreux et variés et leurs bruitages. Car oui, au delà de ces idées, le jeu est magnifique graphiquement et artistiquement. Dans l'art du faire croire, on ne peut bien évidemment pas omettre d'évoquer le codec, véritable jeu dans le jeu.


Voilà donc une phase de jeu qui illutre à merveille l'élément cher à Kojima: le game design. Cette valeur ajoutée extra-hardware, cette patte et cet art de cohérence virtuelle destinés à l'immersion et au faire croire, ces détails qui font toute la différence.

 

 

PS: la dernière fois que je l'ai fait, c'est à dire aujourd'hui, c'était juste excellent. J'ai choisi l'option subtile, celle de la traque, consistant à suivre ses pas grâce aux lunettes thermiques, le tenir en joue en le surprenant par un célèbre "freeze!", puis lui faire sa fête en l'occurrence au pistolet tranquilisant, le MK22 (histoire de profiter de son arme en bonus une fois ce fourbe vidé de son endurance). Problème: à la moitié de l'affrontement, je n'avais plus de munition de MK22 (trop gaspillées). J'ai donc du le finir à mains nues en lui courant après et en finissant par une approche furtive, avant de lui décocher deux-trois droites dans sa face (ceci ne lui fait pas baisser sa vie, mais son endurance: tant  mieux, c'est mon but). Encore une possibilité parmi tant d'autres, c'est dire. Epique, cette traque.