LA SNES MAXI

Suite à mon petit billet sur "Le Problème avec la Snes Mini", je me décide de réaliser un tout petit guide afin de proposer quelques conseils à ceux qui souhaiteraient étendre leur (re)découverte du rétrogaming un peu plus en profondeur. En l'occurrence ici, l'enjeu sera de vous présenter quelques clés qui vous permettront de jouer de manière optimale, et sans se ruiner, à la Snes sur son support d'origine.

Bien sûr, le contenu de ce billet n'apprendra rien aux "retrogamers" les plus aguerris, il vise avant tout un jeune lectorat (ou les joueurs ayant totalement perdu de vue la pratique du rétro sur support original), soucieux d'améliorer leur expérience de jeu en goûtant aux joies de cette console mythique dans les conditions les plus pures qui soient (sans input lag, avec des graphismes tels que les développeurs les ont voulus, des cartouches à changer manuellement etc.).

1/ La première chose à faire, et c'est là le point le plus délicat à aborder, consiste à trouver un (bon) téléviseur cathodique.

Je l'avais déjà évoqué dans mon précédent billet mais les développeurs de l'époque dessinaient et concevaient leurs sprites (et tiles de background) en fonction de la façon dont ils s'affichaient sur un écran à tube (avec des scanlines qui détourent spécifiquement les pixels, de l'overscan qui permet de cacher certaines choses en dehors du cadre, etc.). Cela pourrait être un détail pour certains mais pour d'autres, c'est quelque chose de très important ! Une oeuvre perçue telle que ses concepteurs l'ont sciemment et minutieusement réalisée, voilà de quoi il est question ici.

Une photo d'archive des locaux de chez SEGA où l'on peut apercevoir le Sega Digitizer System, qui permettait aux développeurs de dessiner leurs sprites, de placer les pixels un à un tout en voyant en temps réel le rendu final sur un écran CRT.

En outre, la seconde raison d'opter pour un écran cathodique vient du fait que tout écran HD implique de l'INPUT LAG (plus ou moins marqué selon la qualité de votre écran). Grosso modo, il s'agit du laps de temps que met un pixel de l'écran à changer de couleur. Cela se traduit en jeu par un manque de réactivité entre l'input (la pression d'un bouton sur la manette) et sa manifestation à l'écran (l'action de votre personnage). Bien sûr, bien souvent, cela ne se voit pas à l'oeil nu, mais il est présent et dénaturera la mesure des timings méticuleusement fixés par les développeurs de l'époque (qui prenaient en compte uniquement le délais de réponse spécifique des écrans cathodiques). Vous aurez beau brancher une Snes originale sur un écran plat (même le plus performant), il y aura de l'input lag. Et si vous branchez un émulateur style Raspberry Pi ou Snes Mini, vous combinerez l'input lag de l'émulateur (c'est inévitable) à celui de votre téléviseur (tout aussi inévitable). NB : j'ai retranscris les mesures de l'input lag de la Snes Mini dans mon précédent billet (mesures réalisées par Digital Foundry).

C'est pourquoi il est intéressant à mes yeux, si ce n'est essentiel, de se munir d'un de ces écrans cathodiques dits "CRT" à la technologie qu'aucun écran HD ne pourra pleinement imiter sans perte ou dénaturation (les simulateurs de scanlines des émulateurs assombrissent l'image par exemple, en se contentant simplement de masquer une ligne de pixels sur deux, lorsqu'ils ne la rendent pas plus floue comme c'est le cas avec le filtre CRT de la Snes Mini).

Photo rapprochée d'une image affichée sur un écran Sony Trinitron (36 cm). Le grain de l'image est unique, le détourage des pixels inimitable. Cela a un charme fou !

Mais pourquoi le sujet est-il délicat ? Tout simplement car bon nombre de joueurs ne veulent pas "perdre de la place" avec ces écrans qui peuvent se révéler encombrants. Toutefois, il faut bien se rendre compte qu'un seul de ces écrans permet de jouer de manière optimale à tout un pan de la culture vidéoludique : de la Nes, à la Master System, la Snes, la Megadrive, la PC Engine, la Neo Geo en passant par la Nintendo 64, Sega Saturn, Playstation 1 et 2, Dreamcast, Gamecuble et Xbox. Et pour les habitats les plus restreints en place, il existe des écrans de 36cm (de diagonale) très compacts, qui prennent presque autant de place que 2 boites à chaussures empilées. Alors certes, il faut pouvoir caser un petit meuble avec un écran à tube, mais cela pourra toujours faire un joli coin cocon dédié à tout ce qui tourne autour du retrogaming.

Je conseillerais personnellement les écrans de la gamme Sony Trinitron, qui offrent selon moi les meilleurs résultats (du moins, les plus homogènes au sein d'une même gamme). En 36 cm, les pixels seront très fins et les scanlines horizontales peu visibles. En 55 cm, c'est le parfait entre-deux avec un encombrement mesuré, une finesse d'image médium et des scanlines sensiblement visibles à distance d'assise. En 75 cm, alors là, avis aux amateurs de pixels purs et de scanlines bien épaisses (très proche du rendu des moniteurs de borne d'arcade). Perso, j'ai opté depuis plusieurs années pour des TV Trinitron 75 cm (tant pis pour l'encombrement, mais vu la place que prend le rétrogaming dans ma vie de joueur...) et je ne peux plus m'en passer ! Attention toutefois à éviter absolument les TV à tubes dernière génération type 100 hertz, 16:9 et autres cochonneries du genre qui pourriront de manière magistrale le bel affichage qui sort de la console.

(Des TV Trinitron de 35 cm se trouvent à la pelle autour des 5 / 10 euros sur Leboncoin, les 55 et 75 cm tournent autour des 15 et 35 euros. À votre niveau, ne cédez pas à la hype des fameux écrans PVM hors de prix, il vaut mieux parfois un bon écran familiale bien entretenu avec peu d'heures au compteur qu'un écran professionnel usé jusqu'à la moelle).

À voir : mon billet sur le réglage des écrans CRT (Bien régler son écran à tube CRT). Cela vous permettra de corriger la géométrie de votre écran (s'il a été salement cogné par exemple) et surtout de recentrer facilement l'overscan (toujours décalé sur la gauche à la sortie d'usine).

2/ La deuxième chose à faire, et la plus évidente, c'est de se munir d'une Snes originale.

Pour cela, je conseillerais de vous orienter plutôt sur une Super Famicom, la version japonaise de la Super Nintendo. La raison est simple : elle se trouve à deux fois moins chère que son homologue européenne. De plus, vous pourrez profiter (bien plus aisément du moins) des jeux ayant un système de protection territoriale ou qui peinent à être forcés en 60 hertz.

(Une Super Famicom en loose doit pouvoir se trouver autour des 25 euros).

3/ Switcher sa console et la dézonner.

Etape essentielle, quelque soit la provenance de votre console : modder son hardware afin de le dézonner (cela lui permettra de lire sans soucis les jeux de toutes les régions territoriales PAL, US et JAP) et d'assurer la pose d'un interrupteur 50/60 hertz. Il existe des mods switchless ou auto-switch (tout se fait automatiquement), c'est à votre convenance (perso, je préfère les switch manuels afin de pouvoir choisir comme je l'entends les paramètres de ma console). Je rappelle que les jeux PAL (européens) sur console PAL tournent en 50 hertz à vitesse réduite et sont gratifiés d'affreuses bandes noires sur le haut et bas du téléviseur qui écrasent le ratio de l'image (contrairement à leurs homologues NTSC US et JAP qui tournent en beau 60 hertz plein écran).

(Compter 15 euros pour le mod, gratuit si vous n'avez pas peur de manipuler un fer à souder, ou alors vous pouvez faire appel aux services de passionnés comme l'illustre FFVIman qui modifiera votre console gratuitement pour vous lors de conventions).

À voir : mon billet sur le cas de Sonic 3 version PAL sur Megadrive "50/60 Hertz sur Megadrive et le cas Sonic 3" qui ne se force pas en 60 Hertz. J'y explique et illustre certaines choses sur le problème de fréquence.

4/ Bien choisir son câble RGB.

Jouer sur support original / écran à tube mais négliger la partie câblage est un non-sens. Le câble vidéo est essentiel pour la qualité de l'affichage et vous devez absolument veiller à vous munir d'un bon câble RGB. Les prises RCA (ces saletés de 3 petites fiches : rouge, blanche et jaune) sont à bannir ! Bon, sur Snes, il ne devrait pas y avoir de problème car les consoles européennes étaient vendues avec un câble RGB d'office. Mais veillez bien à vous en procurer un dans le cas de l'achat d'une Super Famicom (les consoles japonaises étaient livrées avec un câble RCA infâme).

(Gratuit si vous achetez une console PAL européenne car fourni avec, autour des 10 euros pour le câble RGB officiel issu d'une console PAL. Après, il y a des câbles ré-usinés grâce au travail de passionnés qui offrent une bien meilleure qualité genre RGB CSYNC, ON LUMA etc. mais coûteront le double et seront plutôt réservés aux plus exigeants d'entre vous).

À voir : mon billet sur le câble péritel de la Nes "TUTO : Améliorer la qualité d'image sur Nintendo NES" dans lequel je classe les différents câbles en fonction de leur qualité (et sachez qu'aujourd'hui, il est possible de modder sa Nes en RGB, c'est ce que j'ai fait et j'ai littéralement redécouvert le support !).

5/ Trouver vos jeux en loose.

Pour cela, je vous recommanderais simplement de vous faire plaisir au fil de vos recherches, trouvailles, échanges, etc. Il n'y a rien de plus plaisant et gratifiant que d'apprendre à connaître progressivement une ludothèque, d'en explorer peu à peu tous les recoins et trésors cachés. Internet regorge de tests et avis en tout genre (articles de sites spécialisés, billets de blogs, échanges sur forums, vidéos Youtube, etc.) et la presse papier jouit d'un regain de vigueur depuis quelques années. Quel plaisir de faire des recherches sur les jeux d'une ludothèque, identifier des titres intéressants à essayer, faire grandir une envie, cultiver une attente, chercher ces jeux pour enfin les débusquer un jour et leur accorder toute la considération qu'ils méritent dans la satisfaction la plus totale (à contrario des centaines de roms sans aucune histoire, disponibles instantanément en 3 clics et fichées dans une carte SD monotone). L'attente et la recherche nous impliquent activement, chaque jeu acquis fera ainsi l'objet de toute notre attention (le plus puissant anti syndrome du "je joue 3 min à chaque jeu et basta").

Aujourd'hui, avec les boutiques spécialisées, les forums, les plateformes de ventes en ligne, les associations, etc., il y a de quoi trouver les jeux convoités sans trop de problèmes, et sans vous ruiner en restant dans le "loose" (aka la cartouche seule, sans sa boite et notice). Petit conseil perso, vous pouvez facilement trouver vos jeux bien moins chers en vous concentrant sur les cartouches Super Famicom japonaises. Et rassurez-vous : pas de souci de langage pour la plupart des jeux de plateforme / action et des prix significativement moins onéreux (de plus, les labels autocollants des cartouches japonaises sont très souvent bien plus jolis ^ ^).

Changer manuellement ses petites cartouches (contenant chacune un jeu qui nous est cher) est une véritable réjouissance ! La vie est faite de petits plaisirs simples ^ ^

Dernière chose : éviter absolument les mauvais jeux et/ou tout juste moyens. La mode est à l'entassement déraisonné (certains collectionneurs sur Youtube), veillez plutôt à vous constituer une belle petite ludothèque faite de classiques ainsi que de petites perles moins connues. Privilégiez la qualité à la quantité (cette phrase est d'une telle banalité que j'en frissonne de vous l'écrire, toutefois, il peut être judicieux de le préciser).

Bien sûr, si vous avez l'envie, et les moyens (cela est devenu plus compliqué aujourd'hui), rien ne vous empêche de partir à la chasse de quelques jeux complets en boite + notice (les titres qui vous tiennent le plus à coeur par exemple).

Voilà, je pense avoir fait le tour des choses importantes à savoir pour vous lancer sans encombre dans l'aventure formidable et bourrée de charme du support original. Il n'y a vraiment rien de bien sorcier, à condition de savoir être patient (notamment pour la recherche des jeux en cartouches). Bien sûr, n'hésitez pas à me contacter si vous avez la moindre interrogation concernant un point quelconque, je me ferais une joie de vous aider ;) (et si vous pensez que j'ai oublié une information, n'hésitez pas non plus à me le signaler ^ ^).

PS : Je me suis surpris durant l'écriture du titre à me dire que nous vivons une drôle d'époque tout de même ! Une époque où l'on tend à considérer le support original comme une "alternative" alors que c'est bien la Snes Mini qui représente une alternative (fabuleux bijou de marketing mais néanmoins non dénué de petits défauts) à la console originale.

PS2 : Tous les points de ce mini guide sont applicables à l'ensemble des consoles 8 et 16 bits.

PS3 : Je précise que je n'ai rien contre les émulateurs et le jeu rétro sur écran plat (ceci dit, cela ne vous a pas échappé que j'ai ma petite préférence personnelle). Je me contente de citer les défauts factuels inhérents à cette façon d'éprouver le rétrogaming tout en offrant quelques pistes pour ceux qui désireraient aller un peu plus loin dans leur expérience de jeu. Je suis moi-même assez atterré de voir que certains puristes, habités d'un élitisme déplacé, rejettent en bloc et se montrent médisants vis-à-vis de la pratique de l'émulation (alors qu'elle fait tant de choses pour le bien du rétrogaming et du Jeu Vidéo en général).