Si vous lisez mes chrono-tests depuis quelque temps, vous devriez avoir remarqué que j'apprécie particulièrement de parler dans mes introductions de mon rapport personnel à l'oeuvre. Ouhaip, j'aime contextualiser, situer dans le temps et mon expérience, ma propre histoire vis-à-vis du jeu auquel je parle. Que vous l'appréciez ou non (je suis parfaitement conscient que cela peut vous indifférer -j'en suis désolé si c'est le cas-), je suis intimement convaincu que cela participe à vous fournir une grille de lecture à mon avis fatalement subjectif, malgré l'énumération d'arguments organisés.

La quête de l'objectivité est une chimère que j'exècre ! J'aime (en tant que lecteur) qu'un testeur ait conscience de sa part de subjectivité et l'assume pleinement, sans me cacher malhonnêtement (sous la bannière futile d'une sacro-sainte "objectivité" qui ferait autorité) les clés qui me permettraient de mesurer moi-même la pertinence de sa rhétorique et de son raisonnement.

Bref, je divague mais je souhaitais le préciser dans l'un de mes tests. Ceci étant dit, venons-en à Midnight Resistance. J'entretiens un rapport tout particulier envers ce titre. En effet, c'est un jeu que j'ai découvert il y a longtemps à travers sa musique ! La cartouche n'étant pas sortie en Europe et coûtant une somme rondelette pour se la procurer en import, Midnight Resistance a longtemps représenté à mes yeux l'objet d'un désir animé essentiellement par une bande-sonore dont je suis littéralement amoureux !

Une version Mega Drive (à droite) très fidèle à la version arcade (à gauche). Le plus grosse différence réside dans la palette de couleurs.

Midnight Resistance est un jeu développé originellement pour l'arcade par Data East. Plusieurs (piètres) adaptations ont vu le jour sur les micro-ordinateurs de l'époque mais c'est la version Mega Drive qui nous intéresse ici. Si les musiques de la version arcade étaient plutôt sympathiques, elles sont devenues simplement exceptionnelles sur le chipset sonore de la Mega Mrive ! Bien évidemment, ce n'est pas un hasard : nous devons cela au travail de remixage/arrangement d'un certain Hitoshi Sakimoto (l'homme derrière les OST de Final Fantasy Tactics, Radiant Silvergun, Vagrant Story entre autres...). Midnight Resistance est un véritable cas d'école qui illustre impeccablement la façon de sublimer des compositions sympas pour en faire des purs chefs-d'oeuvre en exploitant habilement son support. Que l'on arrête de parler du son soit-disant mauvais de la 16-BITS de SEGA, il n'est question que de compétence à exploiter un processeur sonore qui a ses propres caractéristiques ! 

Trois titres à retenir : 1/"Flood of Power", 2/"Home, Desappointment and Counterattack" et 3/"Kao, Kao, Kao" (pour son motif final / refrain). Impossible de me lasser de "Flood of Power" que je peux écouter en boucle une heure d'affilée sans la moindre once de lassitude (je n'exagère pas !). Je l'écoute en conduisant, en surfant sur le net, en écrivant des articles, en m'entraînant, en dansant, en faisant la cuisine... vous avez saisi l'idée ^ ^. La façon dont la musique pulse du chiptune si PUR, la façon dont elle loop de manière fluide et naturelle sans la moindre baisse de régime, la mélodie hallucinante, le tempo en surtension qui laisse entrevoir un motif tantôt mélancolique tantôt gorgé d'espoir et d'ardeur !!! Certainement LA musique de jeu vidéo la plus exaltante à mes oreilles (et l'une de mes préférées E.V.E.R.). 

On dirige un membre d'un mouvement de résistance qui lutte désespérément pour sauver sa famille kidnappée par un étrange savant.

Vous l'aurez compris, la musique de ce jeu suffirait presque à le rendre intéressant et plaisant ! Mais qu'en est-il du reste ? Midnight Resistance représente la réponse de Data East au fameux Contra (Probotector chez nous) de Konami. C'est donc du run&gun purement arcade. Mais dans Midnight Resistance, le rythme est beaucoup plus effréné : les situations et les boss s'enchainent à vitesse grand V, le level-design étant quasi-inexistant. Le jeu n'est donc pas bien long une fois maitrisé mais asurément intense. Paradoxe à cela : le personnage se déplace extrêmement lentement, c'est très perturbant au départ mais l'on s'y accommode sans mal.

Des efforts dans la mise en scène rendent certains passages mémorables comme cette confrontation au crépuscule, contre dix chasseurs aériens. Ils passent en arrière-plan en se croisant avant de vous harasser de missiles à tour de rôle. À chaque passage, on les voit faire demi-tour dans leur ballet incessant, avec autant d'avions en moins que vous en avez détruits !

La grosse particularité du gameplay s'ancre dans la possibilité d'orienter son bras (l'angle de tir) dans 8 directions différentes. Il s'agit là d'un parti pris très déstabilisant au premier abord car par défaut, la direction se change par "paliers" sur pression du bouton B. Ce qui pose naturellement problème lorsque l'action s'emballe et qu'il faut tirer dans des directions opposées très rapidement. Cela dit, dans les options, il est possible de changer de configuration en optant pour une fusion entre l'angle de tir et la direction de la croix directionnelle. C'est ainsi beaucoup plus facile de tirer instantanément dans les 8 directions, le bouton B servant cette fois à figer le personnage et l'empêcher d'avancer dans la direction pressée.

La multi-directionnalité des tirs est exploitée dans tous les niveaux. Certains d'entre eux sont parfois constitués uniquement d'un boss gigantesque comme ce bateau de guerre (screenshot de droite) qui rappelle certains navires des plus classiques shoot them up !

Pour résumer, le gameplay est très particulier et demande un petit temps d'adaptation. Toutefois, une fois appréhendé, il est aisé de mouvoir le personnage et shooter précisément dans la direction souhaitée. À ce propos, l'armement joue un rôle déterminant dans votre capacité à progresser. Certains ennemis lâchent des petites clés qui vous permettront dans l'inter-niveaux (une sorte de réserve) d'ouvrir des coffres contenant chacun un type d'armement bien spécifique. C'est un excellent système car la gestion du nombre de clés ainsi que leur "dépense" (réfléchie ou subie par une collecte trop pauvre) auront un impact fort sur le niveau de difficulté de la suite. En effet, mal équipé, certains niveaux peuvent se révéler TRÈS difficiles.

Les "inter-niveaux" permettent de recharger ses munitions, changer d'arme, renforcer la puissance de son arme, obtenir une vie supplémentaire, se doter d'une barrière protectrice ou d'une arme secondaire d'assistance. Bien sûr, tout ceci se "paie" moyennant un certain nombre variable de clés.

La hitbox du personnage est plutôt épaisse, les tirs ennemis sont des grosses boulettes qui tuent en une seule touche (mais en contrepartie bien visibles !). Tout l'enjeu du titre réside donc dans votre propension à bien vous placer, à dompter les patterns de chaque ennemi/boss et à vous munir de la bonne arme au bon moment. Si vous respectez ces trois impératifs, le jeu n'offrira alors que peu de résistance. Je l'ai moi-même fini, après 2-3 jours de chauffe, sans perdre le moindre continu en quelque quinze / vingt minutes. 

Graphiquement, l'ensemble accuse hélas le poids d'une sortie en début de carrière d'une Mega Drive qui a mis du temps à cracher ses tripes. Les couleurs sont assez brutes et peu nuancées, il n'y a pas de scrolling différentiel, peu de détails dans les environnements, quelques sprites disparaissent de temps en temps, l'animation n'est pas très riche etc. Cela dit, c'est très lisible, ça blaste et explose bien comme il faut (la fluidité du lance-flamme yeah !!!) et certains sprites sont dessinés avec beaucoup de soin.  

Certains passages puisent leur inspiration de manière évidente sur Contra comme par exemple ce mur (screenshot de gauche) qui vous barre la route tout en vous tirant dessus.

Midnight Resistance est un titre assez méconnu en Europe (il n'est même pas reconnu dans la base de données Gameblog) alors qu'il jouit d'une notoriété couplée d'une estime incontestable au Japon. Derrière un gameplay perturbant et des graphismes rugueux se cache un petit joyau qui ne demande qu'à briller à vos yeux et scintiller à vos oreilles. Car la bande son réarrangée par Hitoshi Sakimoto est proprement magistrale, le gameplay révèle toutes ses saveurs avec l'expérience, l'action est si intense, trépidante et jouissive qu'il serait bien dommage de ne pas lui accorder une chance. À l'heure de l'information mondialisée et de l'import accessible à tous, il n'y a aucune raison qu'un titre de cette trempe soit autant ignoré !

La musique les amis, LA MUSIQUE !!! (je mime un casque là, oui...)