Je sors de ma deuxième séance de
Sucker Punch, qui a été pour moi une aussi grosse révélation que
ma deuxième séance de Shutter Island. Enfin faut dire qu'internet,
ses conspirations et ses théories aident pas mal. Voilà ce que j'ai
compris, ce n'est pas encore parfait et un élément me chiffonne
énormément, mais en tout cas il est évident que c'est de ce côté
qu'il faut chercher.

Évidemment, pas la peine de le dire,
cet article contient d'énormes spoilers sur le film, et ne devrait
pas être lu si vous ne l'avez pas encore vu !

 

 

La chose est sûre : Babydoll
n'existe pas
. Pourquoi ? Elle est la deuxième personnalité
d'une Sweet Pea schizophrène qui a vu sa sœur mourir sous ses yeux.

Comment on peut le déduire ?

 

Le film s'ouvre sous le rideau du
théâtre de l'asile
, prouvant que la représentation vient de
commencer.

Sweet Pea est la narratrice en voix-off
au départ, et après sa lobotomie.

Babydoll dit qu'il lui reste cinq joursavant sa lobotomie / l'arrivée du High Roller : à la fin, le
Dr Gorski dit qu'elle pose problème depuis une semaine, période à
laquelle elle n'était pas encore arrivée à l'asile. La Babydoll
qu'on voit à la fin est donc la Sweet Pea résignée à sa
lobotomie.

Du début à la fin, on nous le
ressasse : « Je suis la star du show », « Ceci
n'a jamais été mon histoire, mais la tienne »
, etc. Sweet Pea
est l'héroïne, nous sommes dans sa thérapie polonaise.

Quand on arrive dans le deuxième monde
irréel (le bordel), Sweet Pea est sur sa chaise, prête à être
lobotomisée et surtout déguisée en Babydoll. Dr Gorski dit à la
fin à Blue qu'elle apprend aux filles à se protéger de lui :
Babydoll est donc la « poupée » créée par Sweet Pea
pour rester éveillée et pouvoir supporter sa lobotomie, commanditée
par Blue.

Rocket est déjà morte avant même le
début du film
. L'introduction (premier monde créé par Sweet Pea
dans sa thérapie, cf le lever de rideaux et sa voix en fond) est le
moment ou Sweet Pea revit son passé et la raison de son internement. Sa sœur se cache dans un placard avant de se faire tuer
(Sweet Pea est enfermée dans ce même placard une fois Rocket tuée
dans le deuxième monde).

Dans le cabaret, Babydoll sauve Rocket.
A deux reprises dans les prochains mondes (Première Guerre Mondiale
et Train), c'est Sweet Pea qui la sauve. Elle avance dans sa
thérapie, arrive enfin à déculpabiliser pour la mort de sa sœur.
Preuve en est que Babydoll se fasse éjecter vers
l'hélicoptère dans le niveau de train, et que Sweet Pea revit les
derniers instants de vie de Rocket.

Au moment où Baydoll se sacrifie pour laisser Sweet Pea s'échapper, cette dernière arrive en fait à se détacher de la mort de sa
sœur
, abandonne Babydoll, le sacrifice qu'elle devait faire (Badydoll est donc le cinquième objet de sa quête). Elle
enferme dans Babydoll toute sa peine, elle peut « aller de
l'avant de combattre ». Quand elle quitte le cabaret, elle est
guérie. Quand elle se fait lobotomiser, elle est guérie, et accepte
son sort. D'où d'ailleurs la réaction du docteur quand celui-ci est
interloqué par le regard de Sweet Pea / Babydoll au moment de sa
lobotomie.

 

La fin, le dernier monde créé par
Sweet Pea, s'effectue après que Blue a été arrêté par la
police. Le même fondu que quand Babydoll commence à danser
s'effectue, mais on ne retrouve pas cette dernière dans le monde,
mais bien Sweet Pea. Elle retrouve le petit garçon dans les
tranchées de la Première Guerre Mondiale, et le sage qui lui
donnait ses objectifs de missions.
Le bus prend la route du paradis,
comme indiqué sur le panneau routier.

 

A la fin de Sucker Punch, Sweet Pea est
donc lobotomisée mais continue à vivre dans son monde irréel.
Amber et Blondie sont réellement mortes, Babydoll n'a jamais existé
et Rocket n'est que la projection du passé de Sweet Pea, puisqu'elle
est déjà morte depuis longtemps.

 

Enfin, et c'est la chose qui me
chiffonne, on voit Rocket quand Babydoll arrive dans l'asile :
ma théorie est que puisqu'on voit l'action à travers les yeux de
Babydoll, qui est la facette de Sweet Pea qui n'a pas accepté la
mort de sa sœur, elle est visible à travers elle.

Ca peut vous paraître un peu tiré par
les cheveux, mais retournez voir le film, et vous verrez, cela saute
aux yeux (en plus de nombreux détails sur lesquels je ne m'attarde
pas, tels que le fait que Babydoll ne parle que dans les mondes
irréels, la bouteille d'alcool « Paradise » utilisée
pour faire brûler le bordel, le fait sur toutes les filles sauf Rocket possèdent une aiguille de lobotomie dans leur nom sur les affiches, etc).

 

Maintenant, je me demande si Snyder a
bien fait d'autant cacher le scénario de son film. De nombreux
spectateurs et surtout critiques ne voient en ce dernier qu'un énorme
clip sans profondeur, alors que Sucker Punch est un million de fois
plus que ça.

Il me rappelle indéniablement le
premier Assassin's Creed, où le réel scénario était caché dans
le futur, très dur d'accès et nécessitait de nombreuses recherches
et discussions. Cela a d'ailleurs été changé dans Assassin's Creed
II, 99% des joueurs (moi le premier, avant qu'on m'apprenne qu'il
existait un autre scénar!) n'ayant pas cherché à comprendre le
réel intérêt du jeu.

Il est évident que c'est une volonté
du réalisateur de rendre son œuvre transmedia (et pas crossmedia
!), et puisque Sucker Punch s'adresse finalement à un public geek
qui a l'habitude d'internet et des discussions sur les forums, on
peut comprendre son choix. Enfin moi j'dis ça ...

 

Ah et puis dernière chose qui m'a
davantage sautée aux yeux que lors de ma première vision, c'est de
voir à quel point Sucker Punch est un film féministe ! Et le
truc de génie dans l'histoire, c'est que Snyder a réussi à le
faire en nous montrant des petites culottes pendant une heure et
demie
. Chapeau bas l'artiste.