Spoiler alert: Cette série d’articles, étalés sur plusieurs semaines, dévoilent la majorité des développements narratifs de Persona 5. Ce post s’adresse donc en priorité à ceux qui ont fini le jeu et qui souhaitent des éclaircissements sur les références mythologiques et tarologique de ce jeu

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IX - L’Hermite - Futaba

Un symbolisme limpide avec Futaba qui, entre ermite et Hermès, nous offre le seul Hermite possible de ce jeu.
L’Hermite, c’est celui vit reclus: vieillard soutenu par une canne, se dissimulant aux yeux du monde derrière un pan de manteau.
Mais c’est aussi celui qui porte haut une lanterne, à moitié dissimulée elle aussi. La lanterne est le symbole de la connaissance qui éclaire le chemin de la vie mais que l’on garde aussi pour soi. C’est le savoir auquel a accès Futaba en tant que hacker grâce au piratage.

Futaba est aussi une hikikomori, ces reclus qui ne sortent jamais de leur chambre par crainte du monde extérieur. Traumatisée par la fausse culpabilité d’avoir tué sa mère, Futaba traverse une crise profonde qui la pousse au repli dans une attitude auto-destructrice (pouvant conduire à son suicide dans le cadre d'une mauvaise fin du jeu). Comme l’Hermite du tarot, elle est à la fois un savoir précieux et une prison (dans le jeu son Palace est un tombeau), deux symboles se rejoignant pour être celui de la crise dont on porte la réponse en soi pour la résoudre.

La culpabilité de Futaba vue à travers d'un puzzle à résoudre.
Au joueur de démêler l'écheveau des souvenirs dévoyés.

Futaba va guider les Phantom Thieves au travers de cette crise dans un donjon qui est plus une psychanalyse qu’une épreuve. D’ailleurs, Futaba n’est pas le boss de son propre donjon: il s’agit d’une image dévoyée de sa mère qui l’accuse d’être responsable de sa mort, c’est cette culpabilité que le joueur devra détruire pour libérer Futaba de ses démons et la sortir de son enfermement.
L’Hermite/Futaba cesse d'être enfermée et devient alors la lanterne qui éclaire les autres protagonistes par son savoir en devenant un personnage de soutien total. Elle trouvera son accomplissement dans ce rôle, puis gagnera en assurance durant son Confidant où elle s’ouvrira au monde extérieur, tuant là sa persona malade pour y gagner une persona saine et épanouie.

 

Les Personas de Futaba

Medjed/Alibaba : N’oubliez pas ce que j’ai indiqué en introduction: la persona est un masque que l’on met par-dessus son vrai Moi pour exister en société et avoir un comportement sociable. En bonne recluse qui ne vit qu’au travers de son avatar Internet, Futaba illustre parfaitement bien le concept de persona au travers de son alter ego numérique, Medjed. Notre Anonymous de fiction fait là référence à une divinité mineure égyptienne que l’on rencontre dans le Livre des Morts, où il est représenté comme une personne cachée sous un drap dont seul ressortent les yeux et les pieds, évoquant au passage notre vision caricaturale des fantômes.
Si Medjed est quasiment oublié des égyptologues, la figure étrange de ce dieu mineur va prendre une toute autre tournure quand les japonais vont la découvrir en 2012 lors d’une exposition du British Museum à Tokyo. Cette tête improbable dans une Egypte qui nous a habitué aux profils élancés a tout de suite eut un écho sur Twitter, puis sur pixv où Medjed est désormais devenu un mème.
La référence devient encore plus criante quand on se souvient que le Palace de Futaba est un tombeau égyptien.

Necronomicon : Livre fictif attribué à Abdul Alhazed poète arabe du VIIIème siècle, le Necronomicon est l’invention de Lovecraft qui l’utilise fréquemment dans ses nouvelles. Ouvrage maudit provoquant malheurs et rendant fous ses lecteurs, il aura réussi, alors que Lovecraft n’a jamais prêté une quelconque réalité au livre, a passer d’élément narratif à canular puis à légende urbaine, pour finir par devenir un élément archétypal du savoir interdit et de l’occultisme au point de le retrouver dans Evil Dead et dans n’importe quelle oeuvre qui a besoin d’un livre/savoir maléfique.
En prenant à bras le corps les mythes modernes et les légendes urbaines comme corpus mythologique, Persona 5 nous montre là que le dépositaire contemporain de la vérité derrière le voile des apparences se place parmi nos légendes, et qui de mieux que Futaba, légende urbaine elle-même au travers de Medjed, d’en être le récipiendaire au travers de sa Persona.

Prometheus: Prométhée, fils de Japet, est dans la mythologie grecque le titan qui a donné naissance aux Hommes en les façonnant à partir d’argile aidé par son frère Epiméthée. Malheureusement ce dernier a donné tous les dons aux animaux, (comme la fourrure, les griffes, etc..). sans rien laisser pour les Hommes qui, nus, se révèlent êtres des créatures incapables d’affronter une nature hostile.  Prométhée les prends alors en pitié et leur offre le feu (le savoir) qu’il vole aux dieux, alors que Zeus avait retiré ce dernier aux Hommes pour éviter qu'ils ne deveniennent leurs égaux.
Il punira le titan en l’enchaînant sur le Caucase, où il sera condamné à voir son foie dévoré chaque jour par un aigle. Héraclès le libérera dans le cadre de ses douze travaux pour découvrir le lieu du jardin des Hespérides. Comme Futaba et l’Hermite de l’arcane IX, Prométhée est un trickster qui a dérobé un savoir occulte, que ce soit le feu divin ou la big data pour le révéler et le donner aux Hommes.

 

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