Quand Liehd se demande si Masami Kurumada Meijin fait lui aussi du speed painting, il arrive à trouver une vidéo où en effet, Kurumada Fuji-san exécute (fusille?) une dédicace.

C'est admirable: Il lui faut 30 secondes pour torcher un 3/4 face. J'ai même l'impression que le marqueur tombe en panne pendant le dessin du simple fait d'être touché par le maître.

Le chef d'oeuvre est total lorsqu'on se rend compte que cette tête est à la fois facilement identifiable et parfaitement indéfinissable tout autant.
Est-ce Seiya? Ca pourrait...
Est-ce Ruyji Takane de Ring no Kakero? Hum, tout autant.
Est-ce Teppei Takamiya de B't X? Si vous voulez...

Etant tout d'abord ironique sur ce griboullis, alors que dans le même temps je présentais un travail de mon maître à dessiner, je me suis soudain fait la réflexion suivante:

Ne dit-on pas que si Star Wars a aussi bien marché, c'est parce qu'il respecte la structure inhérente aux mythes?
Joseph Campbell dans Le Héros aux mille et un visages  note que tous les mythes proposent une structure quasi-identique respectant un schéma bien établi où un héros part à l'aventure, rencontre un mentor/allié, vit des aventures de toutes sortes puis connait un moment de révélation qui le transforme, lui permet de combattre/résoudre le principal problème de son épopée avant de s'en retourner chez lui.

De cette théorie narrative découle toute une floppée de schémas, d'ouvrages d'aides à l'écriture qui garantissent presque la réussite sur pièce, (satisfait ou remboursé), de toute fiction sur papier ou écran. (citons le bouquin de Christophher Vogler, qui est passé de memo de 7 pages à livre de chevet pour scénaristes, ou la structure propre au shonen et a la répétition de ses thématiques...)

Quand je regarde maintenant les dessins de Masami Kurumada-ojiisan, je ne peux m'empêcher de voir, devant un tel clonage, qu'une interprétation du monomythe de Campbell.

Mieux. Je vois devant le dessin de Seiya/Teppei/Ryuji et tous les mangas de M.K. une critique, une caricature acerbe du monomythe adressée directement au lecteur. Dépassant la nécessité de présenter par le dessin un héros charismatique et différent de la concurrence, Kurumada-Supa-Saiyajin-3 arrive à plier le monomythe au dessin même rendant non seulement les histoires mais aussi les héros interchangeables.

Si Hideaki Anno a déjà critiqué virulemment les spectateurs de Evangelion, leur enjoignant en adresse directe à quitter leur bulle, c'est Masami Kurumada qui, bien avant Eva, se montre au final le plus critique en se moquant de ses lecteurs. (Sadamoto avait déjà fait le coup de la gueule remplacable entre Nadia (et le secret de l'Eau Bleue) et Shinji (Eva) d'ailleurs)

Et si il était parfaitement conscient de livrer à chaque fois le même personnage?
Comme énième déclinaison d'un stéréotype tellement usé qu'il en devient crétin?
Et si par le dessin, en plus de l'histoire, Masami Kurumada démontrait toute la vacuité qu'il y a dessiner, réaliser, écrire? Et que, quelques soient les efforts, on ne ferra qu'éternellement recopier le même mythe?

 Masami, mon ami, ne nous dis-tu pas, par ton dessin: "─ Arrêtez ça ne sert à rien. Stoppez votre lecture! Regardez! Vous ne faites que re-achetez la même histoire! Je dessine toujours le même personnage et vous suivez à nouveau ses aventures?! N'en êtes-vous pas lassé?  Ne désirez-vous pas autre chose?"

Car oui, Masami, (je peux t'appeler Aniki, maintenant?) tu es peut-être le plus philosophe d'entre nous, tu as peut-être touché une vérité du doigt qui nous échappe tous. Peut-être as-tu même quitté le cercle du karma et des réincarnations, je n'en serait pas étonné, tu maitrises déjà le huitième sens.

Et nous? Pouvons-nous quitter cet infernal ouroboros? Regardez les illustrations ci-dessous réprésentant des jeunes femmes réunies par une même mode: figées, posant assises ou debout, immobiles ou dynamiques, tenant quelque chose ou rien. Pouvons-nous écrire leur histoire? Toi, shonen, shojo, peux-tu l'écrire? Et cette histoire pourrait-elle s'affranchir du monomythe? Arriverai-je à rentre leur histoire passionnante sans suivre une structure aussi vieille que l'Histoire elle-même, ou est-il vain de lutter?

Et tandis que je me demande si Masami n'avait pas raison depuis le début, voilà que je me souviens qu'il a dessiné Saint Seiya Next Dimension..

Hum...

Bizarrment, je suis moins confiant dans ce que j'ai écris jusqu'à maintenant...