Bonjour à tous, voici un article tiré du blog writeandplay.fr, où j'essaye de développer des analyses de jeux. Il est plutôt long, car il condense des articles écrits à mesure de mon expérience de jeu sur METAL GEAR SOLID V.

Je félicite donc d'avance ceux qui auront le courage de le lire jusqu'au bout.

Voilà, félicitation.

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Plusieurs mois après le reste du monde, je retire enfin ma combinaison anti-spoilers pour me plonger dans MGS V.

Je vous propose ici une petite expérience. En effet, plutôt que d'analyser un jeu après y avoir joué et rejoué jusqu'à être à peu près sûr de mes propos, je vous propose de suivre ce qu'on pourrait appeler un « journal de bord » de mes séances de jeu, avec pour règle de recueillir, à chaud, mes impressions et analyses, qui ne seront donc pas ultra poussées, parfois fausses, même carrément à côté de la plaque, mais toujours spontanées. Je ne sais vraiment rien du jeu,et je m'attends à être surpris. GO!

Look at me, i'm the captain, now. 

1° LE RÉVEIL.

Voilà, après plusieurs mois d'attente, j'insère le "rayon bleu" dans la console et télécharge les mises à jours. Quelques minutes plus tard, le temps de se préparer un cappuccino, le jeu m'accueille sur « The man who sold the world » de notre regretté David Bowie. Connaissant ce vieux briscard d'Hideo, je cherche l'année de publication (après coup) de la chanson:1970, et je me demande qui peut bien être cet homme qui a vendu le monde. Évidemment, je repense au passé de Big Boss et son Némésis, le major Zéro, ou major Tom, pseudonyme inspiré d'une autre chanson de Bowie, Space Oddity. L’œil à peine ouvert, j'aperçois sur la gauche une forme de visage me rappelant vaguement celle de Bis Boss. Le docteur qui s'occupe de mon personnage, à l'accent russe prononcé, me dit « just nod if you can hear me », ce qui me rappelle également les paroles de cette chanson des Pink Floyd. Mais là, je pense aller un peu trop loin.

Commence alors une petite séance de compte rendu médical, et on peut décemment dire que mon personnage n'est pas au top de sa forme physique. Un bras en moins, des morceaux de ferrailles et de dents humaines implantées un peu partout dans le corps (pas ses dents à lui, hein, sinon tout irait bien). Ambiance.

On comprend vite que le réveil de mon personnage (je ne sais toujours pas si c'est vraiment Big Boss) n'est pas désiré par certains, et le gentil docteur me demande le premier truc étrange du jeu : me créer un avatar, après avoir donné mon nom et ma date de naissance. Pourquoi pas, mais surtout, pourquoi ? Je modélise un beau gosse à mon image et le docteur me tend un miroir, mais c'est bien le reflet de Big Boss que je vois. Selon lui, demain, ma tronche aura changé et mon nouveau petit nom sera Achab, référence directe au capitaine dément du Pequod, le baleinier qui arpente les sept mers pour chasser Moby Dick, la méchante baleine blanche dans le roman éponyme d'Herman Melville. Mais Quiet, que j'imaginais être du côté de B.B, étant donné qu'elle l'assistait durant la seule vidéo de gameplay que j'avais osée regarder, vient pour le zigouiller. Et elle ne fait pas dans la dentelle. Ou pas encore.

Heureusement, son camarade de chambrée vient lui sauver la mise, et se présente ainsi : « Qui suis-je ? Tu parles à toi même. Appelle moi Ismaël » Ismaël étant la narrateur dans Moby Dick.

Cette présentation soulève déjà un bon petit lot de questions sur l'énonciation du jeu qui, je le sens, va être complexe, comme à l'époque de MGS 2 et du cassage du quatrième mur, même si je n'apprécie pas du tout cette expression. 

Il est temps de s'enfuir, aidé par notre partenaire. Une unité inconnue assaille l’hôpital, et on assiste à un ensemble de meurtres « malalaisants ». Kojima n'y va pas mollo sur le sang et les impacts de balles.

Dès lors, ce premier chapitre vire à une sorte de psychose magnifiquement mise en scène. Attaqué par un mec en flamme inconnu, aidé par une gamine volante aux allures de Psycho Mantis, les deux compagnons s'enfuient difficilement. Les patients et autres docteurs se font tous massacrer, terme que je pense devoir employer régulièrement tant le jeu m'apparaît violent.

Un détail me frappe, ce jeu de caméra qui donne dans le plan séquence croisé avec une première personne, comme si je suivais B.B des yeux, que je me tenais derrière lui.

Le feu partout dénote d'une certaine folie, d'une psychose violente qui s'empare de tout le monde dans l'horreur qui frappe l’hôpital. B.B reste muet, mais autour de lui, c'est un véritable chaos. Il échappe à l'homme de feu, auquel je trouve des similitudes avec B.B par rapport aux balles et autres trucs plantés dans le corps, qu'il renvoie à l'envoyeur après les avoir encaisser mieux que Mohamed Ali encaissait les directs, comme si chaque attaque de ses ennemis le rendait plus fort.

La fuite se termine par un accident de voiture où notre dévoué Ismaël passe l'arme à gauche. Sur le point de se faire dégommer par un Hind-D, la gamine rouquine maîtresse du feu sauve B.B en effectuant sa Super Combo : une baleine de flamme surgissant de nule part pour engloutir l'hélicoptère. Encore une fois, la référence à Moby Dick est claire. Mais pourquoi la rouquine, comme on l'appellera désormais, sauve-t-elle B.B ?

C'est au tour de ce bon vieux Ocelot de rentrer en scène, en aidant B.B à fuir l'homme de feu à dos de cheval, lui même possédant un cheval volant enflammé, digne croisement entre pégase et dracofeu. Quelques coups de fusil à pompe et une pluie bien synchronisée plus tard, les deux compères se retrouvent sains et saufs à bord d'un baleinier (Moby Dick encore), pour rejoindre l’Afghanistan et sauver Miller. Les bases sont posées.

Qui est l'homme en flamme ? La rouquine ? Pourquoi tout le monde veut la peau du Snake ? Quel parallèle faire entre son histoire et Moby Dick ? Qui était Ismaël ? Pourquoi avoir créé un avatar ?

Je me dis qu'après 9 ans passés dans le coma, Snake n'a pas vraiment le temps de se reposer. Il repart en guerre comme si rien n'avait changé, comme si il ne savait faire que ça.

"Vas-y, redeviens une légende" lui balance Ocelot avant de le lâcher dans la nature hostile. Là où le serpent se sent le plus à l'aise.

Allons-y, puisqu'on a pas le choix.

2° Jouer à la guerre.

Au moment où j'écris ces lignes, j'ai environ cinq ou six heures de jeu derrière moi, et quelques missions secondaires terminées.

Tout d'abord, petit rectificatif : j'avais précisé que le docteur qui a retapé Big Boss avait un accent russe, le bon bougre était en réalité Chypriote, et avait un accent grecque. Chypre étant une île de méditerranée qui a été, et qui est techniquement toujours divisée en plusieurs souverainetés. Si l'île revient sur le tapis, je développerai son histoire dans un prochain numéro.

Mais revenons en à nos moutons. Et il y en aura, des moutons, de toutes les couleurs!

Après cette introduction du feu de dieu, nous voilà propulsés, B.B (Big Boss) et moi, dans un Afghanistan hostile, rempli à craquer de soldats soviétiques avec aucun autre divertissement que de regarder les montagnes arides qui les enlacent de cailloux, en attendant qu'un soldat inconnu vienne se friter avec eux.

Ce soldat, c'est Big Boss. Son pote Miller, de retour avec des morceaux de corps en moins, est gonflé à bloc pour reconstruire ce qu'on lui a arraché il y a 9 ans, sa petite base militaire adorée. Grâce à l'aide de B.B, la Mother Base va renaître de ses cendres et retrouver son éclat d’antan. Pourquoi pas ; après tout, B.B n'a pas particulièrement l'air d'avoir tiré des leçons du passé. Il veut poursuivre son rêve de construire une nation au delà des nations, où la langue deviendrait aussi inutile que les idéologies nationales. Fonder une armée de mercenaires en acceptant des contrats d'assassinats, en tuant d'autres soldats et en extrayant des pauvres petits moutons perdus.

Je dois être le plus honnête possible avec vous, B.B, je l'ai admiré autant qu'on peut admirer un personnage de jeu vidéo, jusqu'à la fin de MGS3, jusqu'à ce combat avec The Boss qui reste dans ma mémoire comme un des combats de boss les plus poignants de l'histoire du jeu vidéo. Mais je savais que, par la suite, l'homme allait partir à la dérive, se perdre dans une idéologie irréalisable.

En lançant MGSV, je savais que je n'allais pas jouer un héros au sens commun. B.B ne fait rien d'héroïque, bien que le compteur d'acte héroïque qui s'affiche à chaque fin de mission me pousse à croire le contraire. Il zigouille pour de l'argent, argent qui servira à agrandir sa base pour pouvoir faire plus de mission pour zigouiller d'autres gens.

A ce stade du jeu, je n'ai donc pas d'affinité particulière avec mon personnage, surtout que le monsieur se fait plutôt discret. D'un point de vue énonciatif, je pense avoir affaire à un jeu à énonciation cinématique (toute autre forme m'aurait fortement prise par surprise), avec une influence sur le scénario assez réduite. Certes, le joueur choisi l'ordre de ses missions, mais au final, chacun arrive toujours au même endroit, en prenant des chemins identiques à des moments différents.

Dans sa forme, MGSV est finalement assez classique, et ses mécaniques de jeu parfaitement formatées pour un open world. Et c'est dans ce gameplay sans fioriture que je commence à discerner quelque chose de mon expérience de jeu.

En effet, lorsque je dis gameplay sans fioriture, c'est en le comparant, entre autres, à GTAV, jeu qui permet de tout faire : conduire, piloter, voler, plonger, et qui s'étale, pour notre plus grand plaisir, dans une mixité de mini jeux tous plus grisants les uns que les autres. Dans l'univers de GTAV, le joueur est libre. Dans l'univers de MGSV, le joueur se sent libre, mais l'est-il vraiment ?

J'avais lu quelque part que, pour un open world, MGSV était désespérément vide. C'est vrai. Mais B.B n'est pas là pour faire des courses de voitures, du parapente ou du golf. Non, il est là pour faire son boulot, et deviner quoi ? Il fait la seule chose qu'il sait faire : la guerre.

A ce stade du jeu, je trouve que le point le plus positif de ce MGSV est qu'il met dans le joueur dans la peau d'un légende au travail, dans sa routine, et ce à travers le gameplay. Il y a un décalage entre ce que B.B fait dans ses missions et l'image que les autres ont de lui, de sa légende ; un décalage entre la devanture et l'arrière boutique. Dans MGS3, on jouait la devanture: tout était héroïque, bien présenté, il y avait quelque chose d'épique dans chaque séquence de jeu, un enjeu qui nous touchait. Dans MGSV, on joue l'arrière boutique: on vit le sale boulot, la répétition désagréable du travail qui doit être fait.

On se retrouve dans la routine du meilleur des guerriers, le Big Boss, homme qui se proclame libre et embrigade des soldats paumés, déçus, perdus, au nom d'un idéale qui me paraît aussi impossible qu'absurde, un peu comme le Capitaine Achab, dont la folie contagieuse a fini par faire couler son navire.

Mais je n'ai que cinq malheureuses heures de jeu au compteur, donc, en attendant de voir ce que me réserve la suite, je retourne dans le Péquod ; et à défaut d'adhérer aux idéaux de B.B, pour le moment, j'adhère à Hideo.

Jeu de mot. Ohoho.

3° Le scénario décolle, puis plane. Effet secondaire de la fumée de cigare?

Au moment où j'écris ces lignes, notre dévoué B.B vient de poser les pieds sur le continent africain pour réaliser quelques missions plutôt hardcore. Jusqu'à présent, je dois bien avouer que le scénario m'avait moins tenu en haleine que le gameplay, fait étrange pour la saga MGS qui procède habituellement dans le sens contraire : en nous accrochant par l'histoire pour ensuite nous faire revenir pour les subtilités de gameplay.

Bien sûr, certains diront que le prologue envoie du pâté cosmique, mais le soufflé retombe vite pour nous plonger dans une routine de gameplay qui, en soi, se suffit à elle même.

Ce n'est donc qu'après une bonne vingtaine d'heures de jeu, au moment où une certaine redondance pointait le bout de sa truffe, qu'un personnage fort est entré dans le scénario : la bien nommée Quiet.

Outre sa plastique bonne à se faire crisper un adolescent en pleine poussée hormonale, le mystère qui tourne autour de sa personne a pour moi généré un véritable regain d'intérêt pour le scénario du jeu. Après un combat plein de tension, B.B se retrouve dans une situation ou ses deux compères, Ocelot et Miller, lui donnent des instructions contradictoires. Le premier veut sauver la tireuse d'élite et le second l'achever sur le champ. Le joueur se retrouve alors devant un choix, et je me désole de ne pas savoir ce qui se serait réellement passé si j'avais choisi de presser la détente sur une Quiet désarmée. Me refusant de chercher l'information pour le moment, je reviendrai certainement sur ce passage dans un autre chapitre.

Quiet est donc accueillie dans ma Mother Base qui ne fait que s'accroître comme une petite entreprise bien subventionnée par les fonds de guerre. Sous bien des aspects, la belle ressemble à B.B, pour lequel j'ai toujours bien du mal à ressentir de l'empathie, ce qui, à en juger par le scène que je vais décrire, est peut-être bien voulu par Kojima.

Un effet, un peu plus loin en Afrique, Snake se retrouve dans une situation délicate. Payé rubis sur ongle pour abattre des prisonniers, il se retrouve devant un groupe d'enfants emprisonnés. La mise en scène de la cinématique laisse alors planer le doute. B.B va-t-il les tuer ? La caméra se tourne et Snake tire à travers les barreaux de la prison...sur un sceau. L'enregistrement des tirs fera office de preuve pour le commanditaire du meurtre, et le petit groupe pourra rejoindre la Mother Base. Non pas pour devenir des futurs soldats, mais des enfants normaux, paraît-il, formés à un métier simple. Un métier de la vraie vie, dit Big Boss, qui quelques secondes plus tôt affirmait que le gamin était un « natural » avec une arme. On verra bien, donc, ce qu'il en sera.

C'est ici que j'en suis resté, et ce passage participe grandement à l'ambivalence que je peux ressentir envers Snake, dont le fond est certainement bon, mais dont les actes irrite mon pacifisme, comme s'il faisait la guerre parce qu'il devait la faire, mais qu'il ne pouvait trouver d'autre mode de vie.

Certes, son but est de protéger ceux dans le besoin, libérer les militaires de l'oppression des nations ; mais les conflits se règlent-ils obligatoirement dans la violence ? Big Boss rêve de créer Outer Heaven, mais chaque paradis à son enfer...

4° 35 heures, sans heures sup'

Avec un temps de jeu pareil, j'aurais presque déjà torché un ancien MGS. Mais là, le petit pourcentage de complétion en bas à gauche de l'écran peine à atteindre les 20%.

Tant mieux! Car l'expérience MGSV se déroule plutôt bien pour le moment, alors autant la faire durer.

Plutôt bien, dis-je ; mais loin d'être parfaite. A vrai dire, je comprends pourquoi les fans inconditionnels de la saga ont été déçus par cet opus. Là où les anciens MGS nous avaient habitués à un couloir scénarisé et à un level design soigné, The Phantom TRPain lâche le joueur dans la nature, au sens propre du terme, et le pousse à se raconter une partie de son histoire lui même. Il le pousse à faire un effort intellectuel et un effort de jeu. Je m'explique.

Les anciens MGS se vivaient un peu comme un bon roman (je pourrais dire film, mais la comparaison serait trop simple). Un scénario bien ficelé nous forçait à faire un certain effort intellectuel pour saisir l'histoire et ses imbrications parfois tortueuses et longuettes. Cela faisait partie du charme. La technique était bien rodée : de longues cinématiques couplées à des phases de gameplay courtes mais intenses.

Mais dans The Phantom Pain, la narration évolue vers quelque chose de plus fractionné. Du film interactif, on passe à la série divisée en épisodes. Du roman, on passe au feuilleton publié dans un journal. Et comme pour la série ou le feuilleton, le spectateur doit faire l'effort de revenir pour connaître la suite, avoir sa dose quotidienne. Dans MGS, cet effort se traduit par une volonté du joueur à accepter des missions de mercenaire, et se plonger dans la peau de B.B, consciemment, car contrairement aux anciens opus, le personnage s'ouvre très peu au joueur. Sa personnalité est difficile à cerner. Pour le joueur comme pour les PNJ qu'il croise et recrute, B.B possède une aura mystérieuse. Il parle peu, mais lorsque sa voix se fait entendre, elle compte.

Bref, il y a dans MGS des espaces latents qui ne correspondent pas aux attentes de ceux qui ne veulent pas attendreCe Metal Gear Solid V, il faut aller le chercher ; il ne se subit pas, il se créé, se façonne. Et c'est bien là tout son intérêt.

Je disais dans le journal n°2 que l'on vivait l'arrière boutique de l'histoire de Big Boss, son sale boulot. B.B est quelqu'un qui rend possible, son drôle de rêve naîtra de son travail. A cette image, l'expérience de jeu de MGSV naîtra de l'implication du joueur à faire vivre cette histoire.

Alors, on pourra critiquer le manque de rythme du scénario, certes, mais chaque micro mission, chaque cassette, chaque conversation épiée entre deux soldats ennemis, chaque incursion nocturne dans une base en alerte: tout cela participe, en briques indépendantes, à la construction d'une expérience de jeu propre, d'une histoire plus ou moins solide en fonction de notre implication de joueur.

Dit autrement, et en m'appuyant sur les théories développées sur writeandplay.fr, le second récit de MGS est libre et donnera des versions très variées, là où les anciens MGS donnaient des seconds récits très balisés.

C'est cette liberté dans le second récit, je pense, qui a rebuté les vieux de la vieille dont je fais, j'imagine, partie.

Phantom Pain propose une expérience de jeu tout à fait différente de ses prédécesseurs, et en un sens, pour le moment, je lui en suis fort reconnaissant. Vivement la suite.

5°Fin du Premier Chapitre...

Générique. Moi:

« Nan... c'est quand même pas la fin, quand même ? ...

Je sais même pas qui est Quiet, même si je me doute bien de pourquoi elle est muette, et que je pense que la belle a voulu prendre son indépendance de Cypher, pas comme les trois garces que B.B a dû sniper dans la forêt. Et cette canaille blondinette aux allure de Liquid Snake adolescent, pourquoi est-il aussi méchant ? Il veut se venger, mais de qui ? De quoi ? Mais on sait rien !!!

...

Ha, ouf, c'était qu'un trip Kojimaesque. Le chapitre deux m'attend. »

Après un combat de Boss digne d'un grand MGS où, presque au terme d'un combat épique, je propulse malencontreusement B.B du haut d'une falaise (heureusement qu'il n'est qu'un personnage de jeu vidéo) je dois dire que je me suis enfin sentis emballé par l'histoire. Le coup du parasite qui se déclenche par les mots a quelque chose de métaphorique je n'arrive pas encore bien à saisir, mais qui germe doucement.

« On habite pas un pays, on habite une langue, rien d'autre »

Voilà qui fait bien réfléchir lorsque parler peut finir par vous tuer.

Cependant, le langage ciblé par le parasite et celui des mots, de la langue parlée, de ce qui nous différencie le plus, nous, êtres humains, de nos amis les animaux. La complexité du langage...Ouais.

Mais Big Boss, lui, les mots, je ne suis pas sûr qu'il leur accorde autant de crédit que Victor Hugo. Non. Comme je le disais auparavant, B.B est un homme d'action. Son langage, c'est celui des armes, des poings, des bombes :la violence. Pour lui, le langage parlé est un moyen d'expression parmi d'autres. Et pour exprimer la vengeance qui l'anime, la douleur fantôme qui le ronge, B.B use de son langage corporel comme personne. La preuve dans ce passage qui clôture le chapitre premier d'une histoire qui s'annonce décidément longue.

Au moment de porter le coup de grâce à Skull Face, le jeu me force à appuyer sur la gâchette (à appuyer sur R1) ce qui génère un effet d'emphase dans le metagameplay, ce qui me rappelle bien sûr quelque chose: ce passage de Metal Gear Solid 3 Snake Eater durant lequel Snake achève The Boss au terme d'un combat mythique, au sens propre du terme.

A l'époque, l'effet d'emphase était présent, je pense, pour mettre en avant l'impuissance de Snake face au destin de The Boss. Mais dans MGSV, lorsque, en tant que joueur, j'appuie sur la gâchette, Snake ne se contente pas d'achever Skull Face d'une balle bien placée comme il l'avait fait pour son mentor. Il tire dans le ventre de Skull Face. Une fois. Deux fois. Trois fois. Il ne l'achève pas, il le fait souffrir. A chaque détonation, une image d'un Snake blessé, tranché, flash sur mon petit écran. Snake a souffert, et il souffre encore, à n'en pas douter. Tout comme Miller, à côté de lui, qui regarde la torture sans ciller; qui savoure sa vengeance.

En tant que joueur, je me serais contenté d'achever directement ce satané Skull Face et de me fumer un cigare pénard dans les relents de fumée, mais c'est Big Boss qui agit, pas moi. En forçant le joueur à appuyer sur la touche de tir, alors que cette scène aurait pu n'être qu'une cinématique, je pense que Kojima désire mettre l'emphase sur l'emprise que le sentiment de vengeance exerce sur Snake, en la faisant ressentir au joueur par le gameplay.

Snake ne s'arrête pas. Il tire dans le jambe du suppliant. Puis dans son bras, qui se tranche sèchement dans la détonation.

Il va plus loin que la simple vengeance. Il veut gagner. Il a gagné, du moins le pense-t-il. Les deux compères s'en vont en laissant le gisant derrière eux, et c'est Huey qui vient l'achever, sautillant comme un enfant sous un sapin de noël. Youpi ! Je me suis vengé. Youpi !

Alors là, devant mon écran, je ne peux m'empêcher de penser qu'ils sont tous un peu cinglés.

Que penser de la réutilisation de ce procédé d'emphase ? Serait-ce pour subtilement nous dire que B.B n'a jamais été réellement maître de ses actions, lui qui pense toujours contrôler son destin ?

La première fois, dans MGS3, il n'avait pas le choix: il devait tuer The Boss. Pour la paix.

La seconde fois, il n'avait pas le choix, il devait faire souffrir Skull Face comme lui l'avait fait souffrir auparavant. Il était dominé par la flamme de la vengeance (une des thématique forte du jeu), exactement comme le désirait Skullface.

En un sens, en traitant son ennemi de la sorte, c'est Big Boss qui a perdu. Il a relancé le cycle, préservé la flamme destructrice. Et comme le dit Miller à leur retour : je sens que tout ceci n'est pas encore terminé.

Big Boss s'est-il relancé sur le chemin de la grandeur, ou sur une pente désespérément glissante? La réponse dépend du point de vue, mais les affiches posées un peu partout dans la Mother Base ne présage rien de bon.

« Big Boss is watching you »

But who's watching Big Boss ?

La suite au chapitre deux.

6° Réponse graduée et dissonance énonciative.

Le dernier numéro de ce journal se terminait sur une touche paranoïaque, dans laquelle je plaçais mes doutes les plus profonds dans l'avenir de Snake. J'étais loin de me tromper.

Plus dure que jamais, la réponse de ses ennemis sur le terrain s'est accentuée à mesure que la Mother Base s'est agrandie. Les soldats sont de mieux en mieux équipés, et les missions de plus en plus difficiles.

A ma grande surprise, B.B et moi devons même nous farcir à nouveau d'anciennes corvées en nous amusant à rajouter artificiellement de la difficulté, par exemple en arrivant sur le terrain sans équipement,ou bien en terminant la mission sans se faire repérer ne serait-ce qu'une fois...Pour le coup, je ne comprends pas pourquoi cette option n'est disponible que pour quelques missions.

Mais bon, la Base Maman a toujours besoin de PIM pour s'agrandir, alors j'accepte, même si au fond de moi je trouve que cela me sort de l'immersion, déjà difficile à maintenir tant la trame scénaristique est décousue. Alors, comme pour me donner l'illusion que refaire une mission peut avoir du sens, cette redondance me pousse à essayer une option que je n'avais pas encore eu la curiosité de tenter : jouer avec un autre personnage que B.B.

Je me rappelle qu'au début du jeu, il m'avait été demandé de créer un avatar, et je me demande où celui-ci a bien pu passer; mais très vite je jette mon dévolu sur mon meilleur soldat, une femme de rang S+, dans la force de l'âge et au souffle court.

Une fois dans la brousse, grosse surprise ! Miller s'adresse toujours à mon personnage comme s'il était Big Boss, alors que bon, il est clair que la jeune femme n'a pas les mêmes attributs.

Pire encore, lorsque je reviens à la base, les soldats m'accueillent et me servent leur petit compliment habituel. Fichtre ! Ils biglent complètement ou alors c'est moi qui ne tourne pas rond ?

Les gars, ce n'est pas Big Boss qui est devant vous ! Je crie à la dissonance énonciative !!!

Depuis le début de l'histoire, B.B, bien que peu bavard, était quand même pour moi un « personnage cinématique » avec une personnalité propre que je ne pouvais influencer en tant que joueur. Mais le paradoxe de ces scènes, vécues avec un autre personnage jouable, fait que les PNJ semblent s'adresser non pas à B.B mais...directement à moi, comme si le personnage que je jouais depuis le début avait en fait les caractéristiques d'un avatar (pas de personnalité propre et représentation directe du joueur au sein du jeu).

Cette erreur est trop grosse pour être commise par un mec comme Kojima qui, par le passé, aimait déjà nous embrouiller le cortex avec des Dogs Tag gravés au nom du joueur, et en s'adressant directement à lui en «cassant le quatrième mur » comme le disent certains, bien que je trouve cette expression inappropriée.

Bref, ce MGS soulève bien des questions sur la structure de sa narration (et sa qualité?), et je ne peux m'empêcher de vouloir connaître le fin mot de l'histoire, quitte à devoir m'enfiler encore des dizaines de missions copier-coller, en espérant obtenir quelques explications bienvenues.

Mais quand même...cette narration me dérange quelque peu. Si je devais tenter une comparaison douteuse, je dirais qu'elle est comme un manteau troué que je m'efforce à rafistoler à grand coups de patchwork plus ou moins jolis, glanés de ci de là.

La narration de MGSV me donne l'impression d'être un couturier...ouais.

Bon aller, on continue.

7° La vérité, en vérité : je t’explose l'écran !

Il y avait plusieurs indices, bien sûr. D'abord le fait de créer son avatar au début du jeu, manière de signifier au joueur qu'il avait lui même un rôle à jouer dans toute cette histoire sordide de guéguerre. Et aussi cette caméra qui, lors des cinématique, me plaçait comme un spectateur directe de la scène, regardant à droite à gauche avant de plonger dans la vue subjective de Venom Snake.

La dissonance énonciative relevée lors du journal précédent prend donc tout son sens :

Venom Snake n'est pas Solid Snake. Après tout, ils n'ont même pas le même nom.

Mais Venom Snake n'est pas qu'un simple soldat pris au hasard dans la foule de soldat qui grouille aux basques de Snake, non. C'est un soldat qui a dépensé ses petits sous pour acheter un jeu et y incarner Big Boss au sens propre du terme. Depuis le début, en quelque sorte, je joue Big Boss par le biais d'un avatar que je m'étais moi même créé. Bien sûr, cet avatar avait un léger background, comme un avatar peut l'avoir. Il était médecin, un des « meilleurs » d'entre les membres de la clique à Snake, prêt à mourir pour lui. Lorsque l'explosion de l'infortunée(?) Paz a eu lieu, il (je) me suis jeté entre mon idole et les flammes, un méchant morceau d'obus s'enfonçant dans le cortex préfrontale. A mon réveil, j'étais devenue le fantôme de Snake, avec pour mission de berner ses ennemis, d'encaisser les coups à sa place, faire le sale boulot à sa place.

Voilà pour le twist. Je ne jouais pas Big Boss mais quelqu'un qui croyait l'être, qui faisant semblant de l'être. Ce quelqu'un, c'était moi, derrière ma manette, derrière mon écran. Écran que mon avatar brise, symboliquement, en explosant le miroir du poing avant de retourner à ses occupation guerrières pendant que le vrai Big Boss se la coule douce sur sa moto...

Fichtre ! Il est vraiment fort ce Big Boss, tellement furtif qu'il n'apparaît qu'à peine dans son propre jeu !

Quelques autres nœuds dramatiques se sont aussi dénoués. D'abord l'identité du mec en feu, qui n'était autre que le cadavre de Volgin, et la fuite du petit liquide Snake aidé par, comme je crois le comprendre, un petit Psycho Mantis. Fuite dont on devra malheureusement apprendre les tenants et aboutissant à travers une vidéo bonus, donnant au jeu une saveur d'inachevé qui me traînait déjà dans l'arrière fond de la bouche depuis quelques heures. Il y aussi ce rapprochement entre Snake et Quiet, seul personnage vraiment attachant du jeu, qui s'axe autour d'une communication corporelle, d'une danse de charmeuse de serpent implicite. 

Je repense aussi au passage cité das le journal numéro 4, lorsque Venom Snake achève Skull Face. Je me risquais à dire que l'effet d'emphase soulignait peut-être l'emprise que la vengeance exerçait sur sur Snake. Au regard de la dernière révélation, je me dis que si je n'avais pas totalement tord, cet effet d'emphase signifiait surtout que Venom Snake, sous cette nouvelle identité, n'était bel et bien plus en mesure d'assurer son propre destin, mais celui d'un autre. Celui du sacro-sain Big Boss pour qui il a donné sa vie. Pour qui il continue de poursuivre son rêve fou, ou plutôt son illusion de créer un monde en paix. Venom Snake est bel et bien le Capitaine Achab d'Herman Melville, un homme à la volonté de fer, amputé d'un membre et animé d'une vengeance venimeuse. Sa baleine blanche, c'est Skull Face, le nom sur tous ses maux, toutes ses pertes. Et pourtant, même une fois la vengeance aboutie, la douleur persiste. Snake ne s'en débarrassera jamais, comme le dit Miller, mais il apprendront à vivre avec elle, malgré elle. Ouais.

Le jeu est "terminé", mais il reste des axes narratifs inexplorés, comme celui de Quiet et celui de Paz miraculeusement parvenue dans l'infirmerie de la Mother Base, sans que personne n'ai eu la bonne idée de prévenir le patron. Il apparaît que le retour de la gamine n'était en fait un qu'un mauvais rêve, reste d'un souvenir de culpabilité de ne pas avoir pu la sauver. 

Aller, continuons un peu, il reste peut-être encore quelques bonnes choses à tirer de ce Metal Gear Solid décidément à part.

 

8° Peace and Love

Je le disais plus tôt dans ce journal. Quiet est le seul personnage du jeu qui sort du lot. Avec une aura mystérieuse autour d'elle et son langage corporel exacerbé, elle est même la seule à faire écho à la thématique principal du jeu, le langage.

Si la belle prenait soin de ne pas prononcer un mot d'anglais et se contentait de chantonner tranquillement en veillant sur Snake, le pointeur laser toujours dans son champ de vision, c'était bien entendu pour éviter que le parasite ne se développe et infecte la Mother Base (et accessoirement le monde entier), comme le voulait originellement Skull Face. Mais voilà, le charisme de Big Boss a une fois de plus fait mouche, et la jeune femme a retourné sa veste (ou l'a carrément enlevée, en fait) une fois tombée amoureuse.

Il faut dire que les deux partenaires de terrain ont pas mal de points en commun. J'avais fait la remarque que Big Boss n'était pas grand bavard, et que son mode de langage principal était celui du combat, de la violence. La dernière mission en compagnie de Quiet montre bien qu'elle vient de ce même univers. Condamnée à ne plus s'exprimer avec des mots, sa rencontre avec Snake va peu à peu la conduire à utiliser un autre langage : celui de l'amour.

Oui, dit comme ça, ça résonne un peu mielleux. Mais ne dit-on pas que l'amour peut se passer de mots ? Elle le confirme elle-même dans son enregistrement final « les mots que nous avons partagés, ce n'était pas du langage ». Des mots sans voix, sous une forme implicite, devinée, corporelle, simple, directe. Grâce à cela, elle est passé du langage de la vengeance, qu'elle croyait être le dernier langage qu'il lui restait, pour se tourner vers celui de la gratitude.

Quiet reste silencieuse parce qu'elle en fait le choix. Elle est l'absence de mot, car elle n'a pas besoin des mots pour s'exprimer.

Du moins, c'est comme cela que je vois la chose.

Lorsqu'elle doit briser son pacte de silence pour sauver Venom Snake d'une morsure de serpent, elle n'a plus le choix, elle doit partir. Elle dit alors qu'elle aurait aimé partager une langue commune avec Snake, mais la langue n'est qu'une facette du langage qui existe aussi sous des formes plus brutes, parfois brutales, toujours émotionnelles, directes : comme la violence, la vengeance et...l'amour.

...ouais

Mais ce n'est pas tout. Rappelez-vous, lorsque vous battez Quiet, il est donné au joueur le choix de la sauver ou de l'achever. A ce moment là, je ne pensais pas que mon choix comptait dans la balance, et pourtant, si. Sauver Quiet à ce moment donné est un choix que l'on fait en tant que joueur, en jouant le rôle de Big Boss qu'on s'est donné. Il est cependant possible de la recruter en refaisant la mission plus tard, mais le mal est fait. Il serait certainement intéressant de demander à ceux qui ne l'ont pas sauvé pourquoi ils l'ont fait. Pour ma part, je l'ai sauvée pour la même raison que je sauvais les blessés sur le terrain, et pour mon coté pacifiste qui a bien souvent été pris à partie durant ces sessions de jeu.

Et le pacifisme, parlons-en, dans cette fin spéciale qui ne se déclenche que lorsque toutes les bombes nucléaires sont enfin démantelées, comme si la tâche était proche de l'impossible.

Une idée géniale pour signer le message pacifiste porté tout au long du jeu.

Car oui, si je devais retenir deux choses de MGS 5, c'est la réflexion élaborée autour du langage parlé, articulée à la problématique d'identité (déjà abordée dans les anciens MGS) et des émotions fortes comme la vengeance ; mais aussi le message pacifiste véhiculé par l'effort commun à réaliser pour atteindre cette fin incroyable et la non concession faite sur la violence et la répugnance de la guerre, montrée telle qu'elle est. Qu'elle soit morale ou physique, elle retourne les boyaux et met mal à l'aise alors que la plupart des jeux l'utilisent aujourd'hui comme exutoire.

MGSV est un jeu de guerre qui donne envie que la guerre ne reste qu'un jeu...ouais.

C'est sur cette poussée de sagesse que ce journal se termine. En disant merci aux quatre personnes cachées là bas dans le fond qui ont prit le temps de le lire. Je retenterai certainement l'expérience pour un autre jeu et rendant la chose moins austère, peut-être avec des vidéos ou des images. Dans tous les cas, en attendant un article pour une analyse plus poussée sur ce MGSV, je vous remercie d'avoir pris du temps de vie pour me lire.

Petit bonus pour oreilles 

See you space cowboy.

YEAH (Ben)