L'outsourcing ou sous-traitance en français, n'est pas
quelque chose de fondamentalement nouveau dans l'industrie du jeu vidéo. Il y a
15 ans il existait déjà des sociétés spécialisées sur certaines tâches :
localisation, QA, ou service de presse par exemple. Mais cela concernait essentiellement
les métiers de l'édition du jeu. Ces dernières années le développement a
également suivi cette tendance, à tel point que lorsqu'on vous annonce que tel
jeu est développé par tel développeur, il est difficile de savoir qui est réellement
derrière telle texture ou tels effet de lumière.

 

De quoi parle-on exactement ? Un petit tour sur
gamasutra dans la rubrique « Contractors »
permet de se faire une bonne idée sur l'état de l'outsourcing dans l'industrie
du développement. On y trouve pêle-mêle des studios qui vous promettent :

-         Un travail spécifique sur l'IA

-         Des middlewares

-         Des textures

-         Des modèles 3D

-         Des outils de programmation

-         De l'ingénierie de son

-         Du level design

-         Des pitchs de game design

-         Etc...

 

Bref tout ce qu'il faut pour produire un jeu entièrement. Il
y en a même qui, à la manière de Hassan Cehef vous assurent qu'avec eux tout
est possible.

 

 

 

 

 

On peut identifier plusieurs raisons à ce développement de l'outsourcing,
mais pour faire simple notre industrie ne fait que suivre les tendances et
opportunités qu'offrent nos économies libérales : spécialisation des tâches,
complexification et autonomisation des process, externalisation des productions
et des services, et délocalisation vers des pays où la main d'œuvre est moins
chère.

 

J'entends déjà certain dire « Ah c'est dégueulasse, les
chinois vont nous bouffer tout cru ». Je ne vais pas rentrer dans ce
débat, mais c'est grâce à ce mouvement de fond que certains pays sont en train
d'émerger sur la scène du développement. Le Vietnam par exemple, pays avec
lequel j'ai travaillé pendant plusieurs années est un pays où le jeu vidéo est
apparu il y a moins de 10 ans avec des petites entités spécialisées. Alors
certes, on ne trouve pas aujourd'hui d'AAA entièrement développés dans ces nouveaux
pays, mais il est possible que sur votre dernier achat quelques textures aient
été développées à Hô Chi Minh ville ou à Hyderabad.

 

L'outsourcing est une pratique que les développeurs mettent rarement
en avant. Un peu comme ces équipementiers sportifs qui n'aiment pas trop qu'on
vienne filmer dans les sweatshops d'Asie du Sud-Est. On peut comprendre la
logique de ces développeurs qui vous vendent un produit mais aussi une marque et
qui ne veulent pas être accusés de tromperie sur la marchandise. Et puis
retrouver une même texture dans plusieurs jeux différents, développés par des
développeurs différents, ça fait un peu tâche. Le fait est que l'outsourcing,
surtout lorsqu'il est combiné à de la délocalisation n'a pas bonne presse, donc
on reste souvent discret là-dessus, y compris à l'intérieur même de l'industrie.
Il y a quelques années j'avais « commandé » un action -RPG auprès d'un
studio situé dans la banlieue de Tokyo. J'avais choisi ce studio sur la base de
leurs précédentes productions. Lorsque les premières versions Alpha étaient
arrivées sur mon bureau, il était évident que le jeu n'avait pas été développé
par le développeur en question qui avait sans doute sous-traité à son tour le
développement à un autre studio.

 

L'outsourcing s'est tellement développé ces dernières
années, qu'il est devenu accessible aux petits studios et aux indépendants. Quand
vous outsourcez, vous pouver commander du sur mesure mais aussi aller dans le
rayon prêt à porter. Prenez l'exemple de Turbosquid.comet jetez un œil à la liste de leurs clients sur la home. Maintenant essayer de
voir si vous ne pouvez pas retrouver certains modèles 3D dans certains de vos
jeux J. Je
parle de cette pratique avec d'autant plus de facilité que nous  y avons recours chez I-Friqiya. Si nous
devions tout développer en interne nous serions au moins 3 fois plus nombreux. Or tout le monde n'a pas les moyens d'avoir en interne une  équipe de QA interne, une équipe de
playtesters ou un sound designer. D'ailleurs au moment même où je suis en train
de d'écrire ce billet en ce samedi matin, je suis en train d'écouter des
musiques sur un site spécialisé des musiques à la recherche de morceaux.  On a souvent tendance à dire que la
mondialisation a tendance à tuer les petits artisans, voici la preuve que ce n'est
pas toujours le cas.

 

 

 

Skander Djerbi

Skander Djerbi est un producteur de jeux vidéo. Après quelques années en France et eu Japon au sein de gros éditeurs à travailler sur des AAA,  il co-fonde I-FRIQIYA une nouvelle société basée à Tokyo et Dubaï et spécialisée sur le développement et l'édition de jeux vidéo destinés aux canaux de distribution dématérialisés. Depuis quelques mois il est également enseignant à l'université de La Manouba à Tunis où il intervient sur divers thèmes ayant attrait au jeu vidéo.