Nous allons aujourd'hui nous atteler à un exercice délicat, traiter une thématique maintes fois débattue mais pourtant cruciale pour l'industrie du jeu vidéo :

Qu'est-ce qu'un « casual » gamer ? Qu'est ce qu'un « core »  gamer ? Quelle différence entre un hardcore et un core ?

En effet, que l'on s'appelle Activision ou Heliceum, que l'on soit un géant de l'édition ou un petit studio indé, il faut bien à un moment donné se poser cette question fatidique pour établir sa stratégie et adapter son offre au public visé. Malheureusement, aucune définition du « core » ou du « casu » ne semble pour le moment faire l'unanimité et les études sur le sujet sont rares et trop souvent incomplètes.

La question fait également débat au sein de Heliceum, chacun y allant de sa petite définition personnelle plus ou moins complète et objective. Nous avons ainsi demandé à nos leads (les chefs d'équipe), gamers chevronnés et professionnels expérimentés de l'industrie du jeu de nous donner LEUR définition du casual et du core. Même si l'idée reste globalement la même, les visions sur le sujet divergent légèrement : 

Selon David, notre producer, le casual est peu regardant sur la qualité du jeu (graphismes, profondeur de jeu,...) et cherche avant tout un combo « amusant et pas cher ». Il se focalise sur les valeurs sûres et les jeux bien mis en avant dans la presse, les médias, ou l'AppStore. A contrario, le core gamer possède une bonne connaissance du marché du jeu vidéo, il se renseigne sur les notes dans la presse spécialisée et se montre exigeant et pointilleux lors de l'achat.

En un mot : Le casual est un mouton, le core est un casse-pied

                                                                      

Armand, notre lead Game Designer est un peu moins dur avec le casual, qu'il définit comme un « joueur occasionnel qui joue à des jeux au gameplay simple, mais qui recherche tout de même une certaine profondeur de jeu et un challenge à surpasser. »

Le core est quant à lui un joueur expérimenté qui joue à tout type de jeu, et qui connaît et comprend les codes propres à chaque genre de jeu. 

Quant à Seb notre CTO, il considère le casual comme un joueur occasionnel qui joue avant tout  pour se faire plaisir et qui « ne veut pas se prendre la tête », contrairement au core gamer qui cherche un intérêt dans le jeu auquel il joue et n'a pas peur de la difficulté.

Suite à ces différentes réactions et à la lumière d'articles publiés sur des blogs ou sites spécialisés dans l'industrie du jeu (comme cet article publié sur Gameblog par exemple, ou le blog de Nicholas Lovell), nous avons tenté de faire un petit tour d'horizon de cette (vaste) question et de nous forger notre propre vision en tant que studio indé.

 

Casual VS Core : la guerre est déclarée

Une vision simpliste et manichéenne du débat pousserait à opposer les « casual » d'un côté et les « hardcore » de l'autre. Si les premiers regardent les seconds avec une certaine incompréhension, les classant allègrement dans la catégorie « nerds », c'est plutôt avec un mépris non dissimulé que les core considèrent les casual, ne les voyant pas comme de « vrais » joueurs, mais plutôt comme des envahisseurs opportunistes.

        

Les casual gamer dans l'esprit d'un core gamer                                Les core gamers dans l'esprit d'un casual

Certains gamers expriment aussi  leur inquiétude face à la « décadence » du marché du jeu vidéo, corrompu par « le marketing » et l'arrivée en masse de ces consommateurs-moutons amateurs de puzzle games moches et sans saveur (C'est à peine exagéré...)

 

Le but de cet article n'est pas de débattre qui des « core » ou des « casu » sont les « vrais » joueurs, mais plutôt de prendre en compte l'existence de ces deux profils de joueurs sur le marché actuel et de voir quelles sont leurs attentes et leur comportement respectifs.

 

Dépasser l'opposition binaire casual/core

Le premier constat qui est ressorti à la lecture de plusieurs articles et le sentiment au sein de Heliceum est que la segmentation binaire casual/core est trop simpliste et ne suffit pas à décrire fidèlement ce qu'est la réalité et la complexité du marché du jeu vidéo actuel, et particulièrement le marché des jeux mobiles 

Pour y voir un peu plus clair, il faut déjà bien comprendre (pour parodier Erasme), « qu'on ne nait pas gamer, on le devient ». Difficile donc de mettre un joueur dans un clan ad vitam aeternam : les core gamers actuels ne sont souvent que d'anciens casual qui sont passés du côté « obscur » de la Force.  A l'inverse, il arrive que d'anciens hardcore gamers rebroussent chemin en jouant avec davantage de modération au fil du temps, parfois en raison des contraintes de temps que leur vie leur impose. Rien n'est donc figé et totalement définitif quand il s'agit des profils de joueurs : il existe bien des nuances et des passerelles entre casual et hardcore.

En y pensant bien, les premiers jeux vidéos (Tetris en premier lieu) étaient pour la plupart des jeux on ne peut plus « casual », au gameplay simple et facilement compréhensible.

Cependant, le site Gamasutra apporte un éclairage intéressant sur la question en se basant sur les travaux d'Ernest Adams et Scott Kim, dans un article (en anglais) qui définit la notion de « Game Dedication Score », un indicateur permettant de mesurer le degré d'implication d'un joueur.

Ce Game Dedication Score se calcule à l'aide de 15 critères listés ci-dessous auxquels a été attribué un coefficient d'importance :

Nous vous ferons grâce des détails du calcul, mais selon la note (comprise entre 1 et 5) et la pondération attribuées à chacun des 15 critères, on obtient à l'issue du test un score compris entre 0 et 100 qui permet d'établir le profil du joueur, allant du « non-gamer » au « ultra-hardcore ».

Cet indice permet d'avoir une vision plus large et plus nuancée du marché du jeu vidéo actuel, avec l'évolution du profil de certains joueurs et une prise en compte de nombreux critères qui ne seraient pas percutants considérés isolément.

 

Cependant, comme tout bon modèle, le GDS présente des limites, car il reste très descriptif, qualitatif, et ne donne que quelques pistes pour pouvoir l'appliquer à un panel de joueurs. En effet, Gamasutra ne donne en effet pas suffisamment d'éléments chiffrés pour calculer le GDS et mesurer ainsi chaque critère : par exemple, comment mesurer de manière objective le goût pour la compétition des joueurs avec une échelle de 1 à 5 ?

 

Nous avons donc tenté de reprendre les critères qui nous paraissaient les plus pertinents pour établir une description de chaque profil de joueur. Loin de nous l'idée de vouloir édicter une vérité absolue, le but étant vraiment de tenter d'apporter notre pierre à l'édifice et d'essayer de synthétiser les éléments recensés lors de nos lectures, sans pour autant tomber dans une vision caricaturale du marché.

 

 

Ainsi, ce tableau présente bien évidemment certaines limites, des cas particuliers ou des cas extrême qui peuvent le rendre incohérent. Si au marketing nous avons besoin de regrouper les joueurs suivant leur profil, la réalité est donc parfois plus trouble : certains joueurs peuvent par exemple être prêts à jouer des heures et investir 90€ dans un « builder » comme Hay Day, le jeu « casual » par excellence, sans pour autant avoir le comportement et les goûts d'un gamer. A l'inverse, certains joueurs sont des hardcore dans l'âme mais n'ont pas forcément le temps de se consacrer pleinement à leur passion... Nous ne prétendons pas détenir la vérité absolue et le modèle idéal, notre intention est de dresser le portrait le plus fidèle possible des joueurs auxquels nous nous adressons.

 

S'il fallait résumer la différence entre casual et hardcore en une seule phrase, la définition de Tony Goodman, fondateur de PeopleFun est particulièrement intéressante :

(1) Hardcore arranges their schedules around their gaming.

(2) Mid-core arranges their gaming around their daily schedule.

(3) Casual entertains self with games when time presents itself. »

 

Le cœur de cible Heliceum est donc pour le moment plutôt composé de casual ou de midcore gamers, principaux adeptes des supports mobiles, mais nous pensons nous adresser à l'avenir à un public hardcore à travers plusieurs projets notamment des jeux au gameplay exigeant, où la partie se joue aussi bien sur tablettes que dans la pièce... A suivre très vite !

 

 

Charline, chargée d'études carrément complexes chez Heliceum