Ça c'est le pitch. Original certes, mais au vu des critiques que j'ai lues, il faudra que je me contente de ça.
Un petit fondu me révèle un bois en ombre chinoise. Quelques rais de lumière filtrent à travers les branches pour me dévoiler un lieu où il ne semble pas bon vivre. L'ambiance est posée.
Allez avance maintenant.
Le garçon avance un peu, une première pente, les premiers pics : "bon je veux bien que c'est le début, mais ils me prennent pour un bleu ou quoi ? Je jouais déjà avec Lara avant qu'elle ait son opération mammaire, moi Monsieur !".
Après avoir brillamment passé ce premier saut ridicule, je m'enfonce un peu plus dans la forêt, jusqu'à être subitement arrêté par la décapitation de mon avatar. Je me disais bien que cette herbe n'était pas naturelle, mais avec tout le décor en ombre chinoise, je ne m'attendais pas à ce qu'un chasseur imprudent oublie un piège à loup au milieu du chemin. Je suppose que le petit garçon n'a pas été baptisé puisqu'il revient directement dans les limbes, une dizaine de pas avant l'accident bête. Je commence doucement à réaliser qu'il va falloir faire attention car malgré cette ambiance poétique, les designers se sont amusés à disséminer des pièges un peu partout, de façon intelligente et un tant soit peu sadique.
J'ai pris ce jeu comme les autres, avec légèreté. Je me disais : "je vais tester toutes les morts possibles", "je vais explorer le plus possible", "je trouverai le plus de façon possible de tuer du monstre". 5 minutes de jeu, 2 caisses, 3 cordes, 4 pièges à loup et une araignée gigantesque m'ont fait comprendre comme j'étais dans l'erreur. Un gamin jeté dans un monde si violent et si cru, ça semble être une bonne recette pour m'envouter totalement.
Au fur et à mesure que j'avance dans l'aventure, passant de piège en piège, je me rends compte à quel point il est difficile pour un gamer de ne pas mourir au moins une fois pour certains d'entre eux :
- "Je marche sur une plateforme, elle tremble, je saute..."
- "Je grimpe à une gouttière, elle se décroche du mur, je saute..."
- "Il y a un bouton sous une énorme presse, je m'avance le plus possible avant de sauter par dessus, ..."
- "J'ai l'occasion de monter à une échelle, mais à droite, dans le noir, on dirait qu'on peut encore s'enfoncer, ..."
Mario, Link, Lara, Sonic, tous ces héros qui ont accompagnés mon enfance. Toutes ces quêtes réalisées, ces coffrets trouvés, ces mécanismes débloqués. Toutes ces années à jouer, et ce petit jeu de 5 heures me fait réaliser à quel point, j'ai été conditionné, manipulé, formaté. C'est en regardant un non-gamer jouer que je m'aperçois à quel point c'est grave :
- "Ouf, heureusement que je n'ai pas eu le réflexe de sauter de la plateforme"
- "La gouttière tiendra le coup, il faut qu'elle tienne le coup"
- "C'est louche quand même ce bouton, non ?"
- "Pourquoi j'irai m'enfoncer dans le noir alors qu'il y a de la lumière en haut de l'échelle"
Ce n'est qu'un avatar, mais d'un coup, je prend sa survie à coeur. C'est un petit garçon innocent, dans un monde dur, et je l'entraîne vers de nombreuses morts à cause de ma naïveté. Pourquoi ce jeu devrait emprunter les mêmes mécanismes que tous ses prédécesseurs ?
Quatre heures plus tard, je pose la manette soulagé. Je commençais à vraiment être oppressé par le nombre de mort grandissant. L'aventure du garçon se termine. Sans un mot, du début à la fin. Son histoire est terminée sans qu'on la comprenne vraiment.
Je la reprends en main, décidé : "peut-être cette fois te serai-je d'une plus grande aide".