Pour connaître le destin de sa sœur, un jeune garçon pénètre dans le monde de LIMBO.

Ça c'est le pitch. Original certes, mais au vu des critiques que j'ai lues, il faudra que je me contente de ça.

Un petit fondu me révèle un bois en ombre chinoise. Quelques rais de lumière filtrent à travers les branches pour me dévoiler un lieu où il ne semble pas bon vivre. L'ambiance est posée.
 

Ok c'est un joli sous-bois, mais il faut faire quoi 
Si je bouge, le petit garçon allongé ouvre les yeux et se met debout. Le stick analogique pour bouger, un bouton pour sauter et un bouton pour les actions. Simpliste comme gameplay, mais il n'y a pas forcément besoin de plus.
 
Allez avance maintenant.
 
Le petit garçon avance à petit pas dans la forêt déserte et silencieuse. Voilà à peine le jeu lancé depuis 30 secondes que j'arrête mon personnage, comme je le ferai moi-même dans une telle ambiance. J'écoute. Pas un bruit, pas de petite musique d'ambiance, pas de bruitage, rien. Il est vraiment seul. Assis tranquillement dans mon fauteuil, lumières éteintes, je le suis aussi.
Le garçon avance un peu, une première pente, les premiers pics : "bon je veux bien que c'est le début, mais ils me prennent pour un bleu ou quoi ? Je jouais déjà avec Lara avant qu'elle ait son opération mammaire, moi Monsieur !".
Après avoir brillamment passé ce premier saut ridicule, je m'enfonce un peu plus dans la forêt, jusqu'à être subitement arrêté par la décapitation de mon avatar. Je me disais bien que cette herbe n'était pas naturelle, mais avec tout le décor en ombre chinoise, je ne m'attendais pas à ce qu'un chasseur imprudent oublie un piège à loup au milieu du chemin. Je suppose que le petit garçon n'a pas été baptisé puisqu'il revient directement dans les limbes, une dizaine de pas avant l'accident bête. Je commence doucement à réaliser qu'il va falloir faire attention car malgré cette ambiance poétique, les designers se sont amusés à disséminer des pièges un peu partout, de façon intelligente et un tant soit peu sadique.

Le petit garçon déboussolé, ... c'est moi
Quelques foulées plus tard, les pattes immenses d'une araignée descendent d'un arbre pour me barrer le chemin. "Chouette, le premier boss" me dis-je. Je fais quelques pas en arrière à la recherche d'une lame, d'un laser désintégrateur ou d'une gigantesque pantoufle, mais rien. Je vois bien qu'il y a des pièges à loup dans les arbres, mais bon, avec les chasseurs distraits des limbes, je ne m'inquiète plus de rien. J'avance donc vers le monstre, plein de résolution. Une cinématique devrait se déclencher où un deuxième personnage viendra lui transpercer le ventre à grand renfort de roquette. Et là surprise! L'araignée m'empale d'un coup sec, et, décidant que je ne valais même pas la peine de gaspiller sa salive, me jette au sol violemment. Le petit garçon ferme les yeux et je commence à ressentir un peu de peine pour lui.
J'ai pris ce jeu comme les autres, avec légèreté. Je me disais : "je vais tester toutes les morts possibles", "je vais explorer le plus possible", "je trouverai le plus de façon possible de tuer du monstre". 5 minutes de jeu, 2 caisses, 3 cordes, 4 pièges à loup et une araignée gigantesque m'ont fait comprendre comme j'étais dans l'erreur. Un gamin jeté dans un monde si violent et si cru, ça semble être une bonne recette pour m'envouter totalement.
Au fur et à mesure que j'avance dans l'aventure, passant de piège en piège, je me rends compte à quel point il est difficile pour un gamer de ne pas mourir au moins une fois pour certains d'entre eux :
  • "Je marche sur une plateforme, elle tremble, je saute..."
  • "Je grimpe à une gouttière, elle se décroche du mur, je saute..."
  • "Il y a un bouton sous une énorme presse, je m'avance le plus possible avant de sauter par dessus, ..."
  • "J'ai l'occasion de monter à une échelle, mais à droite, dans le noir, on dirait qu'on peut encore s'enfoncer, ..."

Mario, Link, Lara, Sonic, tous ces héros qui ont accompagnés mon enfance. Toutes ces quêtes réalisées, ces coffrets trouvés, ces mécanismes débloqués. Toutes ces années à jouer, et ce petit jeu de 5 heures me fait réaliser à quel point, j'ai été conditionné, manipulé, formaté. C'est en regardant un non-gamer jouer que je m'aperçois à quel point c'est grave :

  • "Ouf, heureusement que je n'ai pas eu le réflexe de sauter de la plateforme"
  • "La gouttière tiendra le coup, il faut qu'elle tienne le coup"
  • "C'est louche quand même ce bouton, non ?"
  • "Pourquoi j'irai m'enfoncer dans le noir alors qu'il y a de la lumière en haut de l'échelle"

Ce n'est qu'un avatar, mais d'un coup, je prend sa survie à coeur. C'est un petit garçon innocent, dans un monde dur, et je l'entraîne vers de nombreuses morts à cause de ma naïveté. Pourquoi ce jeu devrait emprunter les mêmes mécanismes que tous ses prédécesseurs ?

Quatre heures plus tard, je pose la manette soulagé. Je commençais à vraiment être oppressé par le nombre de mort grandissant. L'aventure du garçon se termine. Sans un mot, du début à la fin. Son histoire est terminée sans qu'on la comprenne vraiment.

Fondu au noir. Le jeu revient à l'écran d'accueil. Je regarde la manette...
Je la reprends en main, décidé : "peut-être cette fois te serai-je d'une plus grande aide".

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