A l'heure où l'idée d'une crise d'identité dans les productions japonaises alimentent certaines discussions, Capcom nous prouve qu'elles n'ont en rien perdu de leur superbe. Avec l'arrivée de Monster Hunter Tri sous les lattitudes occidentales, l'éditeur confirme ses intentions d'introduire des titres dont la perception est bien différente d'un bout à l'autre du monde. Succès retentissant dans l'archipel, rien n'est réellement acquis sur le sol européen. Et si les goûts et les couleurs varient en fonction des genres entre ces deux mentalités, la chasse aux monstres est une aventure appréciée de chacune. Reste à savoir si le style prévu pour les Japonais enchantera les Occidentaux.

 

 

 

Il faut avouer que les jeux de chasse ont un succès tout relatif en Europe à l'image de la série des Deer Hunter. Alors en quoi celui-ci changerait-il la donne ? Trois mots résument parfaitement l'intérêt : monstres, richesse et multijoueur. Tout le monde l'aura d'ailleurs retenu. Et si le jeu n'est pas exempt de défauts, il s'en tire avec les honneurs. Agitant un bestiaire impressionnant, avec une approche de la discipline réaliste qui sert une immersion renforcée à coup de contenu varié et gigantesque, Monster Hunter Tri ne cache pas que toute sa quintescence se trouve dans son mode en ligne, entre joueurs. Le mode solo présent n'en est pas pour autant anecdotique puisqu'il inculque les bases nécessaires pour prendre du plaisir à jouer. Mais l'expérience est véritablement décuplée "en ville", lieu de rendez-vous de tous les chasseurs. En équipe, le gameplay prend alors tout son sens. Les multiples menus, les différentes catégories d'armes, le nombre de quêtes, la documentation disponible sur chaque espèce de monstres ou végétaux rencontrés lui confèrent d'autant plus de profondeur. Toutes ces possibilités ne sont d'ailleurs pas fortuites, puisqu'elles vous aideront à préparer vos expéditions à mesure qu'elle gagnent en dangerosité. L'ensemble participe à une immersion progressive, mais efficace, jusque dans le travail technique qui s'avère être un des rares aussi aboutit sur la Wii. Tirant extrêmement bien profit des capacités de la console d'un côté, la composition sonore est également un facteur qui vous berce dans cet univers impitoyable, où le pétrole n'est pourtant pas le roi. Capcom rend une copie propre, fidèle à l'essence de la série. Mais l'éditeur ne semble pas avoir voulu prendre de risques pour séduire l'Europe.

 

Monster Hunter Tri aurait pu être tellement plus intense s'il avait voulu se mettre un peu à la page. Sévissant sur le marché japonais depuis quelques années, bénéficiant d'un succès immédiat à chaque nouvelle version, il n'a peut-être pas été jugé adéquate de changer une recette qui fait ses preuves, même si un tout autre public était visé. Et pourtant, le monstre commercial qu'il est a très vite été rattrappé par ses bourreaux. Le premier d'entre eux est ce gameplay ultra-rigide souvent de paire avec certaines productions Capcom. Les déplacements, les coups, les esquives manquent sincèrement de dynamisme et de légèreté. Leur lourdeur est d'autant plus accentuée par un angle de caméra fixe qui nécessite une réorienation manuelle permanente (très nuisible pendant les combats). L'absence de système de verrouillage de cible est aussi un inconvénient qui s'ajoute au reste. L'intelligence artificielle ne concerne que les gros gibiers. Les petits, eux, adoptent des comportements incohérents (impassibles face au danger, faible tendance à la fuite, technique de chasse en groupe inexistante), ce qui rend une majorité de la progression trop accessible. Ce qui nécessitait l'attention du joueur a été automatisé dans cet opus. La culture de plantation et l'assistance des pêcheurs limitent l'implication du joueur dans ces phases, ce qui n'était pas le cas. Cela dit, le jeu reste suffisamment prenant et riche d'un autre côté pour ne pas trop en tenir rigueur. Avec quelques soucis de bugs, des textures parfois trop basiques et des chargements de zones en nombre sur une même carte, le jeu ne fait pas preuve d'une véritable catastrophe, mais trahit un petit déficit qui aurait pu être comblé, à l'image d'une traduction qui est jugée un peu trop terre à terre. Mais là, où le bas blesse réellement, c'est le sabotage de cet élément qui aurait du être la consécration du titre. Le multijoueur n'a pas non plus été mis à jour. Datant d'un autre âge, il est impossible de trier les serveurs par langue. Aussi, bien souvent, vous vous retrouvez au coeur d'une équipe où la communication n'est pas évidente. Un drame pour un système censé l'encourager. Surtout que ce partage est carrément impossible si vous ne possèdez pas l'accessoire Wii Speak, le système de phrases prédifinies ou de chat se révélant complètement innappropriés. Ce manque d'actualisation est un comble qui forment certaines mentalités à préférer jouer en solo en ligne, plutôt que de s'encombrer d'équipiers étrangers qui ne comprennent rien et sans possibilités intrinsèques efficaces de palier à la barrière des nationalités.

 

En fin de compte, pour un titre qui veut s'ouvrir au grand public, Monster Hunter Tri n'est pas un jeu qui s'adresse à tout le monde. Tiraillé pour de tros grandes lacunes pour certains, encourageant la rigueur et la patience pour d'autres, tout est une question d'affinité avec un genre particulier aux parfums asiatiques. Et si son système est très souvent jugé archaïque, cela n'enlève en rien son mérite reconnu de proposer une ambiance et un concept tellement bien implantés et mis en valeur qu'ils sauvent les meubles. Il serait difficile de ne pas être d'accord avec les avis de la presse en général. Monster Hunter Tri peut véhiculer une certaine déception eu égard aux défauts récurrents qui nuisent radicalement au plaisir de jouer à plusieurs et surtout entre amis. Car parmi tous les aspects qui peuvent déranger, cette gestion catastrophique du mode en ligne, principal argument, est inexcusable. Pourtant, cette licence s'appuie sur une richesse suffisamment profonde et forte pour supporter ce genre de désaveux. Le support est peut-être d'ailleurs une des raisons de ce manque d'investissement. Le volet Frontier Online devrait apporter la réponse à cette question. En tous les cas, l'opus qui nous concerne montre qu'une mise à jour est désormais nécessaire si cette série veut prospèrer en Europe.