C'était au début des années 2000, avant l'ère Joystick et je cherchais du taf (comme maintenant :/). A l'époque, je n'avais pas froid aux yeux et je répondais aux recherches de Game Designer. Il faut dire qu'à l'époque, une simple lettre de motivation vous offrait un entretien chez Cyanide, Ubisoft ou, dans le cas ci-dessous, chez Quantic Dream.

Enfin, pas tout à fait : pour le cas de Quantic, ils demandaient de leur envoyer un petit test pour voir de quoi on était capable. C'était au commencement du développement de Fahrenheit (dont on ne savait encore rien), et le test allait droit au but pour ce sujet :

Un meurtre particulièrement horrible a eu lieu dans un lieu public contemporain de votre choix. Il s'agit manifestement de l'oeuvre d'un sérial killer ayant des aptitudes... très spéciales.

- Développez le background du meurtrier (façon de procéder,profil psychologique),
- Mettez en scène le meurtre puis le début du jeu en lui même à partir de ces éléments.
-Précisez enfin l'interface et les interactions possibles et développez au moins 1 dialogue interactif.
-L'originalité sera un "+" apprécié !

Alors j'ai envoyé ce qui suit (je vous épargne le doc complet et mes idées de game design, que je garde pour moi !) Ça m'a permis ensuite de rencontrer David Cage en personne pour lui dire tout le mal que je pensais de la fin de Nomad Soul. Beh oué, j'étais déjà comme ça à l'époque... Bon, je n'ai pas été pris au final. Mais avouez que je n'étais pas loin du compte pour Fahrenheit ! Bah, p'têt que je bosserai sur un jeu pour de vrai, un jour...

Voilà pour ma belle tranche de geek.

Pour plus de lecture made in Fumble (et des trucs finis, direction Magicalypse).

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L'Assassin

Présentation

"Non, ce n'est pas un assassin, c'est l'Assassin. Le tueur ultime. Il commet tous les meurtres, il vit de nos désirs. Haïssez-vous quelqu'un ? Avez-vous déjà souhaité éliminer votre femme, votre voisin ? Un ennemi ? Alors, Il était là, prêt à l'action. Jack l'Éventreur n'a jamais tué personne, M. Tout-le-Monde ne mérite pas la une des journaux pour son crime de la nuit passé, etc. Il est la voix qui parlent aux fous, aux Serial Killers, aux paumés, et qui leur dit : 'Passez à l'acte... Tuez'. Et si enfin ils se décident, quand vraiment ils ont dans leurs âmes la folie du meurtre, alors... Alors, Il apparaît, comme invoqué de l'enfer même, comme votre double diabolique, et Il tue. Puis disparaît, vous laissant avec la certitude d'avoir accompli l'acte, avec votre arme et vos vêtements tachés de sang, avec vos empreintes sur la gâchette. Avec la police à vos trousses. C'est pas eux qui iraient coffrer une entité invisible et fantastique, ça non. On ne peut rien contre Lui. Ou presque. On peut Lui échapper. Moi seul peut-être sais ce qu'Il est : je l'ai rencontré. Et bientôt je l'aurais vaincu. Enfin... façon de parler. Mais c'est l'heure... Je dois maintenant me plier à mon destin. Adieu."
Journal de Patrick Ferson, le 25 novembre 2002.

Intro

Sur le Ponts des Arts, Paris le 3/10/2002 vers 1H du mat.
"C'est complètement idiot !" Ça, c'est la voie de la raison. Patrick Ferson ne l'écoute pas, il est assis sur un banc, dans l'obscurité, la tête baissée. Il regarde l'automatique qu'il tient dans sa main droite gantée en se demandant s'il saurait s'en servir. Pas s'il pourrait, non. Ça, il en était certain : dans - regardant sa montre - quelques minutes il le pointerait sur Henri Melnak pour en finir avec ce... cet... avec lui. A savoir s'il arriverait à viser la tête ou le lampadaire à côté, ça... Heureusement, il ne tremble pas. Il est confiant. C'est à peine s'il se souvient pourquoi il veut le tuer.
Patrick est un garçon sans histoire, presque ennuyeux, toujours à rêvasser. Il n'avait jamais eu d'ennemi avant. Avec Henri, il a été gâté. Ce salaud lui a piqué à peu près tout ce quoi il tenait dans la vie. Sa femme, son avenir, son fric, son amour propre. Il n'a plus rien que le désir de vengeance et l'impression diffuse d'être ridicule, ce qui l'énerve encore plus. Il est inquiet aussi. Il sent une présence le pousser à l'acte, et il entend parfois comme une voix :"Tue cet enfoiré, c'est tout c'qu'il mérite... Descends-le...". Il croit devenir fou, cela semble si réel, si proche. Il faut qu'il agisse, il faut qu'il se débarrasse de ce poids. La haine revient sur son visage tourmenté.
D'un geste presque professionnel, il arme son automatique.
Il y a du monde sur le Pont des Arts, même à cette heure. En fait, il y a toujours du monde. Henri arrive, comme d'habitude en sortant du travail. Il adore le pont des Arts. Même de loin il a l'air suffisant, arrogant...
Patrick se lève, calme, respirant profondément. Il porte un grand manteau noir et une casquette qui ne lui va pas. Il a visiblement cherché un style qui ne lui est pas habituel, pour se masquer... La manche trop longue cache le flingue dans sa main. Il avance tranquillement vers sa cible. Il approche.

Le monde paraît plus sombre tout d'un coup. Les gens autour de lui ressemblent à des morts, pâles, éteints. Devant lui Henri marche lentement avec un sourire figé sur son visage. Un homme vient d'apparaître à ses côtés. Il porte un grand manteau noir et une casquette qui ne lui va pas. Il lève le bras gauche et pointe un automatique sur le visage d'Henri. L'expression de celui-ci se décompose comme au ralenti, les émotions se battent : la surprise, l'étonnement, la peur, la haine, l'horreur, et d'autre qui vous reste gravées dans la mémoire tellement on aurait jamais voulu les voir...
Puis l'homme tire. Une balle dans la tête.
Puis une autre.
Et une autre.
Il vide son chargeur. Puis en charge un autre, et le vide dans le corps d'Henri. Et encore un autre.
Patrick est pétrifié d'horreur. La foule autour de lui réagit comme dans un rêve, il entend vaguement des cris. Il sent l'odeur du pistolet dans sa propre main et le regarde en avançant, il fume comme s'il venait lui même de tirer. Il s'avance encore alors que le tueur se retourne...

soudain, Patrick contemple son propre visage. Comme dans un miroir un double de lui même rayonnant d'une joie malsaine le regarde avec curiosité, et méchanceté. La haine est presque palpable autour de lui. L'Être fait un mouvement de la main et son arme disparaît. Sans un regard en arrière, il s'éloigne doucement de la scène.
Patrick est maintenant devant le corps en charpie d'Henri Melnak. Il a envie de vomir et de pleurer. Le monde redevient subitement plus réel, les gens se sont enfuis du pont. Les bruits de la ville sont recouverts par le hurlement des sirènes de police.

L'Être s'éloigne...

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(Et en plus il y a une explication et tout... Une autre fois peut être :) )