Le 2 juin 2011 :

Après une matinée passée à se faire briefer et à effectuer diverses démarches administratives (et un jour férié qui passait par là), mon stage de gynéco peut enfin commencer !
Ce vendredi, ainsi que toute la semaine prochaine, je suis avec Fanny affecté aux urgences gynécologiques.
Les couloirs, servants de salle d'attente, sont bondés. Le poste de soin, en plus d'être assez exigu, est cloisonné par de grandes vitres. Devant ce paysage inédit, un sourire niais me saisit : signe évident de mon intimidation.

Les internes n'étant pas encore présentes, les infirmières nous suggèrent d'interroger les patientes en avance.

Premier cas : une femme (NDL : en même temps, je ne verrai que ça pendant 4 mois...), accompagnée de son mari et de sa fille, qui vient pour d'importants saignements vaginaux. Elle est enceinte d'une dizaine de semaines ; elle me décrit avoir « évacué » une espèce de petit sac.
Même pour un novice comme moi ne mets pas longtemps à poser le diagnostic de Fausse Couche Spontanée (FCS).
Je finis l'interrogatoire et je passe aux suivantes : un deuxième trimestre de grossesse avec une infection urinaire et une autre avec une plaie sur une ancienne cicatrice de salpingectomie.

Après ça, les internes arrivent enfin. Nous rappelons la suspicion de FCS en salle d'échographie. J'assiste à mon premier examen clinique gynéco : spéculum pour examiner le col, toucher vaginal et échographie endovaginale pour finir.
Nous constatons que l'utérus est effectivement vide, animé d'aucun battement cardiaque en son sein : FCS confirmée. La patiente soupire de soulagement, vu que cette grossesse était, à ses yeux, non désirée. Le mari, lui, peine à cacher sa déception.

Voir tout cela m'a assez impressionné. A vrai dire, jamais je ne me vois faire des gestes aussi « invasifs » sur quelqu'un...
Une habitude à prendre, sans doute.

L'infection urinaire, fréquente en cas de grossesse, n'est pas grave ; la plaie, elle, pas plus grande qu'une tête d'épingle, ne nécessite rien à part une désinfection quotidienne.

Sortie à 13h. Riche première journée...

Le 6 juin 2011 :

Après un staff bien long, cap vers les urgences. La salle d'attente est moins pleine que vendredi, arf...
Pour ma première patiente, je suis avec Aurélie, interne en médecine générale, en salle d'échographie.
Patiente de 37 ans pléthorique, venue pour une suspicion de FCS. Elle a un ventre tellement épais que les échographies sus-abdominale et endovaginale ne révèlent strictement rien. Pour tout arranger, le taux de β-hCG est stable par rapport à il y a deux jours, ce qui empêche de conclure.
Dossier mis sur la pile à destination de l'interne de gynécologie lorsqu'elle passera...

Ensuite, j'interroge une femme d'à peine 30 ans qui consulte pour des métrorragies, alors qu'elle est en deuxième trimestre de grossesse. Elle a mal à l'hypogastre et en fosse iliaque gauche. Je présente ce cas à Jeanne, l'autre IMG, qui me dit d'enchaîner avec l'examen gynéco. Qui, moi ? Fanny a la bonne initiative de m'accompagner.
Autant être honnête : au départ, je n'en menais pas bien large. Toujours à réfréner mon tic de sourire de stress, les mains hésitantes, l'empressement en tentative désespérée de camoufler ma panique.
Ça commence mal : j'ai un mal de chien à insérer le spéculum et je dois m'y reprendre à plusieurs fois. Grand moment de solitude. Et une fois mon chemin trouvé, je ne vois pas l'ombre d'un col. Ensuite, pour le TV, j'oublie de mettre du gel sur le bout des doigts. Une chance qu'elle n'était pas sèche...
Heureusement, tout s'arrange quand j'amorce l'échographie sus-abdominale : à peine posé sur le ventre, je tombe sur le fœtus qui bouge bien, avec un cœur qui bat. Bref moment de béatitude avec des étoiles dans les yeux en prime.

Photo de ma première écho réussie... Quel photographe je fais !

L'interne, qui s'est glissée derrière moi pour voir ce fameux col, réfrène un peu mon enthousiasme. Celui-ci est un peu inflammé, ce qui explique les quelques saignements. Rien de grave, cependant.

A part, l'interne me dit qu'il ne faut jamais prétendre avoir vu le col si ce n'est pas le cas. J'ai toujours eu un peu de mal à admettre mes erreurs, mais j'arriverai sans peine à surmonter cela.

La troisième et dernière patiente était une patiente de 20 ans avec une grossesse non désirée mais dont elle ne voulait pas avorter. Un embryon de trois semaines, sans rien de particulier.

Après ça, fin de journée !

Le 7 juin 2011 :

Cette matinée a failli être cauchemardesque.
Station Vélib' vide, bus en retard puis une fois arrivé à Créteil, contrôleurs RATP évités in extrémis. Au poste sécurité de l'hôpital, je vais retirer mon badge commandé la veille ; en guise de prénom, me voilà affublé d'un « Jean-Philippe » au lieu d'un « Louis-Philippe ». Visiblement d'humeur flemmarde, l'agent me demande si ça me dérange vraiment. J'ai failli mal lui répondre (ce n'est pas comme si je passais la moitié de mon temps à corriger les gens à ce propos), mais je me suis contenté de demander poliment (en serrant les dents) une réimpression.
Ensuite, je vais voir la secrétaire du chef de service pour lui transmettre la liste des gardes (dont je suis le responsable). Ne la voyant pas, je demande aux sages-femmes qui trainaient là si le staff était terminé. Elles me répondent : « Ah oui, mon ami, bien sûr qu'il est terminé, ça commence à 8h, hein ! ». Je les remets gentillement en place, non sans avoir la brève envie de leur mettre la tête au carré.

Les petites contrariétés classiques d'un petit externe...

Pour tout arranger, aux urgences, nous sommes limités à une salle d'échographie : le protocole prénatal en squatte une ce matin. Grosse file d'attente en perspective.
Pour ma première patiente du jour, une grossesse de localisation inconnue. Jeanne me chapeaute pour l'examen gynéco. Tant mieux, parce que je ne pense pas être connu pour mon extrême délicatesse.
Elle m'apprend à écarter les lèvres avant d'insérer le spéculum, à le manipuler de façon un peu plus douce... bingo, je vois les lèvres. Elle m'indique également comment faire un TV correct : bien garder une main sur le ventre, palper à gauche, à droite, au fond et bien sentir la consistance du col : ferme et refermé. Très bien.
Par contre, pour l'échographie, je laisse faire mon interne : l'utérus étant antérograde (presque à la surface du ventre), la visibilité était difficile. Elle parvient à le retrouver, vide. Et les β-hCG qui continuent à augmenter : ça pue la grossesse extra-utérine. Il faudra la revoir dans deux jours, pour re-contrôler le taux.

Pour ma deuxième patiente, une ressortissante roumaine d'une trentaine d'année qui ne parlait pas un mot de français et qui n'était jamais allé voir un gynéco (!), je ne fais qu'assister Jeanne. Elle se plaignait de saignements importants, accompagnés d'une asthénie et de nausées.
L'échographie montrera que ces métrorragies étaient dues à un léger décollement du sac embryonnaire. L'activité cardiaque est présente. On l'a donc laissé partir, avec des instructions strictes pour qu'elle revienne en cas de signe de gravité.

Heureusement, ils ont tout prévu...

La troisième et dernière patiente est vue avec l'interne de gynéco.
Hôtesse de l'air d'une vingtaine d'année avec des douleurs abdominales, des épisodes de fièvre et la présence d'un hydrosalpynx au-dessus de l'ovaire gauche.
Un coup de fil à sa chef pour confirmation : c'est bien une Chlamydiose.
Elle sera hospitalisée cette semaine, le temps de terminer les analyses et de commencer l'antibiothérapie.
La patiente l'a très mauvaise : soudain, elle se souvient de son petit copain revenant de Thaïlande, avec des blessures sur le gland, qu'il disait être dues à la pression de l'avion en vol.
Hmmm... On connait au moins la première personne à prévenir...

Après cela, fin de journée !