Certaines images de ce billet (bien qu'en noir et blanc) sont susceptibles d'heurter la sensibilité des plus fragiles. Continuez donc votre lecture en connaissance de cause.

Le 18 octobre 2010 :

J'ai eu un mal de chien à me lever ce matin. La pensée de rester sous ma couette m'a même effleurée. Mais, dans un sursaut de culpabilité, j'ai réussi à trouver les ressources nécessaires pour déplacer mon séant et aller à l'hôpital.

Arrivé dans la salle de staff, demandez le programme : deux PCR. Parfait pour se ménager.
Voyant le pauvre Enrico (l'Erasmus italien, souvenez-vous...) se demander quoi faire, je lui propose d'aller au bloc d'un camarade absent. Je l'y accompagne. A peine entrés, on nous annonce que l'intervention est annulée. En effet, le patient a une angine, traitée depuis seulement la veille. Insuffisant pour réduire les risques d'infection de la zone opérée.
Finalement, je l'emmène à ma PCR, qui n'est pas l'opération la plus palpitante qui soit. Notre rôle ? Rincer les seringues et secouer la poche de sang pour éviter sa coagulation, pendant que le CCA et l'interne prélèvent. La patiente étant très peu saignante au niveau de ses os iliaques, nous y passons donc un temps assez long.

Une fois le prélèvement terminé, nous pouvons recoudre les incisions. C'était la première suture d'Enrico, mais moi, comme vous le savez déjà, je suis un vieux briscard. D., l'interne, réclamait qu'on utilise à la lettre sa technique minutieuse, alors que je suis certain d'arriver à un résultat similaire en un temps plus court. Mais bon, c'est lui l'interne, c'est moi l'externe...

Après cela, je patiente avec l'Italien dans la réserve, le temps que le sang revienne. J'en profite pour faire plus ample connaissance.
Il vit près d'Udine, dans le Nord-Est de l'Italie, à quelques encablures de Venise. Son père et son oncle sont tous deux généralistes ; l'un à la campagne, l'autre en ville. Il m'a décrit une situation qui existe aussi en France : la dichotomie entre les "patients des villes" et les "patients des champs". Les premiers traitent leur médecin comme un distributeur de médicaments, vu qu'ils croient déjà savoir ce dont ils ont besoin [NDL : J'appelle cela le syndrome Doctissimo.]. Les seconds voient encore leur soignant comme un notable, qui suit des familles sur des dizaines d'années et prend parfois en charge ses patients sur des domaines qui ne sont a priori pas les siens.
Enrico hésite donc entre la médecine générale et la chirurgie orthopédique. Pour l'instant, il s'y plaît.
Il a aussi tenté de m'expliquer le système des études médical transalpin, où les étudiants doivent s'inscrire sur des listes de spécialité pour passer un concours distinct à chaque branche. Malheur au vaincu...

Bref, on a été extrêmement bavard. Jusqu'à ce qu'un infirmier, nous ayant vu papoter façon brunch du dimanche dans le Marais, nous interrompe pour me faire venir dans l'autre salle d'opération. A travers la baie vitrée, je voyais Francesca qui portait avec difficulté un jambon une lourde jambe.
N'écoutant que mon courage, je suis allé enfiler ma casaque de chevalier blanc pour la soulager de l'affliction qui la pesait. [NDL : j'en fais des tonnes, là, non ?]
C'était une reprise de PTH. Il faut en effet savoir qu'une prothèse de hanche a une durée de vie limitée. Après une dizaine d'année environ, il faut les remplacer. Ce ne fut pas une partie de plaisir. Mais cela n'a pas empêché R.zi de couvrir Fran de blagues plus graveleuses les unes que les autres. Et la décence m'interdit de les retranscrire ici !
Enfin, le changement de pièce finit. Je rejoins Enrico, qui a assisté à la réinjection de la patiente précédente. Et là, deuxième patient à prélever. Et c'est la même chose que précédemment, mais en pire. Grmbl.

Une fois la poche de sang mis en navette, nous allons voir le Dr Laval, assisté de Fran, qui sort des machins bizarres [NDL : c'est précis, hein ?] de la cheville d'un pauvre bougre. Une fois terminé, disparition !
Une bonne demi-journée, ma foi...

Le 21 octobre 2010 :

Normalement, c'est au tour du Dr Laval de nous faire cours, mais vu que le chanceux a une opération de prévu, il passe entre les mailles du filet.
C'est donc le docteur π qui nous fait cours sur les fractures proximales du fémur. On commence à connaître ce chapitre, entre le cours qui a eu lieu à la fac et la majorité des interventions du service qui concernent cet item.
Je ne vous expliquerai pas ce cours ; ça reste de la chirurgie chirurgicale, donc pas très intéressant pour les novices. Retenez juste que les fractures du coldu fémur s'opèrent toujours, avec une prothèse pour les vieux, et un clou pour synthéser les morceaux pour les autres.Pour tout arranger le bon docteur s'enfonce dans des considérations inutiles pour des étudiants tels que nous (« alors, vous voyez ce clou a été créé par un surfeur, il était très en vogue quand j'étais interne... »). Que faire dans ces cas-là ? On ferme ses oreilles et on acquiesce à chaque fin de phrase d'un air pénétré. Bon...
Au bloc, ils ne nous ont pas attendus. P., le CCA, fait signe qu'on n'a pas besoin de moi dans ma salle. Chouette ! Je vais voir ce que font Fran et Jérémy puis je m'en vais comme un fourbe.

Le 22 octobre 2010 :

La nuit a apparemment été agitée dans le service ! Au staff, présentation d'un polytraumatisé, accidenté de scooter. Attention, ce ne sont que des radios, mais ça reste assez violent à imaginer.



La fracture ouverte de la jambe gauche...




...Traitée par la pose d'un fixateur externe (et des agrafes pour refermer la peau en mauvais état).




Le bras, quasi-arraché, qui ne tenait que d'un lambeau de peau...




L'os a été synthésé par une plaque ; les chirurgiens plastiques ont de leur côté essayé de rétablir la vascularisation du bras en tentant de lier à nouveau les artères sectionnées.


Le bras a été remis en place, mais il y a 80% de chances que la greffe ne prenne pas...

Après ça, je suis parti avec Enrico pour une valgisation du genou menée par C-H. Attendez, ne partez pas, je m'explique !
La patiente avait un varus du genou droit trop important, ce qui a provoqué une arthrose, de par l'usure exagérée due au déséquilibre. Que fait-on ? On pratique une ostéotomie du tibia juste en dessous du plateau, on met une cale puis on pose une plaque dessus pour stabiliser. Et magie ! L'équilibre est rétabli ! Comme quoi, le bricolage la chirurgie...

Ensuite opération similaire, mais à une autre échelle : valgisation d'un hallux. Je crois n'avoir rien compris à ce que je voyais. C-H a eu du mal aussi, vu qu'il a appelé le Dr Laval à la rescousse, car plus spécialiste du pied que lui.

Après ça, fin de semaine !