...ce serait celui là, et plutôt deux fois qu'une.
Dans le petit monde des rpg sur consoles, les japonais ont créé deux genres très proches et pourtant disctincts: le rpg et ce qu'on appelle généralement le t-rpg, un abrégé pour tactical-rpg, rpg-tactique pourrait-on dire en français. Les bases reposent un peu sur les mêmes principes puisqu'on contrôle un groupe de personnage en suivant une aventure dans un monde parallèle, en faisant progresser ce groupe en niveaux, avec gain de points d'expérience, de compétences, d'équipements, etc. (je reviendrai plus en détail sur les différentes facettes de jeux de rôle dans un petit article qui leur sera consacré). La grosse différence réside donc dans l'aspect "tactical". Les t-rpg proposent généralement une vue de dessus, les troupes que l'on gère sont bien plus nombreuses que dans un rpg normal, et le déroulement des combats évoque une forme moderne de l'échiquier, avec un déplacement par case, des tours de jeu, etc. On remarque d'ailleurs que la plupart des t-rpg adoptent une présentation de la scène de combat qui rappelle un plateau de jeu, voire un damier, à la manière des jeux de stratégie classiques.
A mes yeux, Final Fantasy Tactics est encore aujourd'hui le plus grand t-rpg jamais conçu, je ne pouvais donc pas résister à l'envie d'en parler.


Voilà la pochette du maître d'oeuvre du genre tactical-rpg, ni plus ni moins. Je le considère comme un monument.

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Au commencement : reprendre les concepts d'une autre série
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Final Fantasy Tactics n'a rien inventé. La représentation graphique utilisée, le déroulement des combats, les différents menus, découlent directement d'une licence d'Atlus : Tactics Ogre (qui a connu une mouture sur Nintendo 64 appelée Ogre Battle 64 Person of Lordly Caliber, disponible sur le wiware, à acheter les yeux fermés). Ce titre déjà ancien sorti sur super nintendo fait d'ailleurs actuellement l'objet d'une refonte sur PSP, autant dire que je me jette dessus dès qu'il pointe le bout de son nez, celui là.
FFT, donc, a presque tout repris à son aîné, regardez un peu les screenshots qui suivent :

  
Ces deux images, Tactics Ogre (à gauche) et FFT (à droite) montre bien la similitude conceptuelle entre les deux jeux.  Vue, représentation graphique des personnages, on a vraiment l'impression de voir un vulgaire copier-coller.

Pourtant, même si les ressemblances sont flagrantes, FFT va en quelque sorte sublimer la formule proposée par Atlus et l'emmener haut, très haut, tellement haut qu'à mon humble avis, et je ne suis pas le seul, personne n'a pu faire mieux depuis. Je m'en vais vous expliquer pourquoi.

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Du kawaï et des larmes : une tragédie colorée
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Parmi les nombreux points forts du jeu, le scénario est sans contexte le plus fort. Je le dis sans hésitation : si le scénario de FFT était adapté en roman, il s'agirait là d'un chef d'oeuvre de l'heroic fantasy, tout simplement. IL y a là, par un miracle qui ne se produit que dans les grandes tragédies classiques, quelque chose de viscéral, de tourmenté, quelque chose qui vous scotche littéralement à votre écran.
Il est impossible de résumer ce scénario (ce n'est de toutes façons pas souhaitables), mais pour faire simple, on pourrait dire cela : le royaume d'Ivalice s'apprête à vivre un tournant de son histoire avec la mort du roi. Deux familles préparent déjà la suite, et s'apprêtent à s'entretuer suite à ce décès, ce qui donnera lieu à ce qu'on appelle "la guerre des lions" (lions war). Ramza, jeune noble, cadet de l'académie militaire, va se retrouver mêlé à un complot machiavélique dont l'ampleur le dépasse complètement, et qui va l'amener à se retrouver isolé, quasiment obligé de se dresser contre sa propre famille dont il n'approuve pas les agissements.


Ramza, héros discret et malmené par le destin, devra faire face à la trahison, à l'horreur, aux décisions insupportables. A tout cela, il opposera un sens de l'honneur et une loyauté inoxydables.

FFT est complexe. Les sentiments humains évoqués sont d'une crédibilité qui se fait rare dans les jeux vidéos. Les comportements hautains des nobles, les liens du sang entre membres d'une même famille, les amitiés persistantes malgré les souffrances et les doutes. Nous sommes ici dans une écriture clairement shakespearienne, avec toute la profondeur que cela implique, mais aussi la complexité. Autant être clair à ce sujet : FFT n'a malheureusement jamais été traduit, et le jeu a été écrit dans un anglais traditionnel pas évident, avec des textes très nombreux dont la compréhension fine est indispensable si on veut goûter réellement ce scénario dantesque. Là est pour moi le seul défaut du jeu. D'habitude, je ne m'en plains jamais car mon niveau en anglais est généralement largement suffisant, mais là, il faut avouer que le texte anglais reste difficile d'accès. Ce n'est pas réellement un défaut du jeu, puisque la gêne vient plus de notre propre incompétence linguisitique que d'autre chose, mais cela reste quelque chose qui peut rebuter plus d'un joueur.


La cinématique d'intro originelle. Rien qu'en la voyant, j'en ai des frissons. En la voyant, en s'en imprégnant, on ressent tout de suite la dimension épique du jeu. Et on peut dire que ce qui se déroule après ne fait qu'abonder dans ce sens.

Je sais qu'une traduction était en cours sur je ne sais plus quel site pour y jouer en émulation, je ne sais pas si ce projet a été mené à bien, pas plus que je ne sais si le travail effectué était de qualité. Plusieurs scènes m'ont marquées profondément dans ce jeu, je ne peux évidemment rien dire, mais je pense particulièrement à une scène où un personnage est tué froidement sous les yeux de son frère impuissant. Et dans ce jeu, ce genre d'événement a des conséquences définitives. Jamais ce personnage ne retrouvera le sourire, il se détournera de ceux qui ce sont occupés de lui depuis toujours, il dressera même l'épée contre son meilleur ami, sans l'attaquer toutefois, ivre de douleur. Ouais, des sentiments, des vrais, purs et intenses.
Ce qui est particulièrement saisissant, c'est que cette histoire torturée et dense s'incarne dans des graphismes complètement kawaï, du moins sur le champ de bataille, avec des personnages au chara-design tout mignon et coloré. Paradoxalement, ce contraste étrange ne fait que renforcer l'impact du jeu sur l'esprit du joueur, d'une façon qu'il m'est difficile à expliquer. Je tiens à préciser que de ce point de vue, les suites de ce jeu, sur GBA puis sur DS, Final Fantasy Tactics Advanced, constituent une déception sans nom pour tout fan de FFT, leur scénario enfantin tenant sur un timbre poste et se révélant dénué de tout intérêt et de toute profondeur.

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Un gameplay d'une profondeur insondable
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Sur le plan du gameplay, le jeu a tapé fort, très fort. Le système adopté est celui des Jobs. Au terme de chaque action, les personnages agissant gagnent de l'xp, mais aussi des jp (job points). Ces JP permettent d'acheter les compétences d'une classe de personnage. Et là, on touche au génie à l'état pur. Le jeu comporte en effet un grand nombre de classes et autorise une double spécialisation du personnage dans son champ de compétences. Vous rêvez d'un chevalier-mage noir ? Pas de souci. Un ninja-mage du temps vous tente ? Qu'à cela ne tienne. Ce système autorise des combinaisons presque infinies et la gestion de l'évolution de son équipe est passionante.


Voici la ronde des Jobs, impressionnante. Les possibilités qui vous sont offertes sont énormes. Moi qui suis si souvent retourné dans ce jeu, je n'ai jamais joué deux fois la même chose. A noter que la version PSP a ajouté deux jobs, dont le fabuleux Dark Knight, dur à obtenir mais redoutable.

Je vais utiliser un autre screen pour montrer la richesse de la customisation des personnages :


Sur cet écran de statut de Ramza, on voit plusieurs symboles rangés sous "Ability". IL y a 5 symboles. Les deux éclairs représentent les compétences des deux classes choisies, ici Punch Art et Guts, qui me permettent de déduire que le joueur a opté pour un mélange de Monk (moine) et Soldier (soldat). La flèche pointée ver le haut est la compétence de Contre choisie. LA flèche ronde pointée vers le bas est la compétence de Soutien. Et le petit symbole de pied est la compétence de Mouvemement choisie. Eh bien il faut savoir que si on s'en donne la peine, on peut débloquer les compétences qui nous intéressent dans toutes les professions et les placer dans ces différentes catégories, ce qui permet une customisation INTEGRALE de ses personnages.

 

A ce système de job, vous pouvez ajouter de l'équipement à foison, des objets et personnages cachés (Cloud, tu n'es pas loin^^), des monstres que l'on peut choper sur le terrain grâce à un job spécial et intégrer dans son équipe comme personnage jouable, etc. Enorme, tout simplement énorme. Les combats quant à eux sont très stratégiques car la plupart des actions spéciales et magiques demandent un certain temps avant de s'activer. On peut consulter en permanence l'ordre des actions pour les alliés et les ennemis, et il faut en tenir compte pour agir au bon moment, avec les bons personnages.


Une vidéo de combat pour se rendre compte visuellement du déroulement du jeu, précédé d'un petit passage par les écrans de menu pour voir à quoi ça ressemble^^.

 

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Une OST lumineuse
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C'est beaucoup, mais ce n'est pas encore assez : Final Fantasy Tactics dispose d'une OST à tomber à genoux. Il s'agit là d'une de mes OST préférées, et de loin. Les compositions de Masaharu Iwata et de Hitoshi Sakimoto touchent simplement au génie. Je vous donne un exemple avec cette composition, Ennemy Attack, qui intervient très vite dans le jeu, et que j'adore :


Le souffle épique de ce morceau est simplement bluffant. Même dans sa bande son, ce jeu vise et atteint l'excellence. Une merveille.

Ca commence à faire beaucoup pour un seul jeu. En effet.

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Quid de la version PSP ?
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La version PSP sortie miraculeusement il y a quelques temps est une bénédiction pour les joueurs qui n'ont pas pu mettre leurs mains tremblantes sur ce chef d'oeuvre. Ce portage est plutôt réussi, et jouer à un tel jeu sur une portable est un bonheur. Square s'est bougé en proposant notamment : de nombreuses cinématiques supplémentaires dans un design tout à fait particulier, qui rappelle le fusain ; deux jobs supplémentaires ; des personnages connus ajoutés à la team (comme Balthier de FFXII) ; une sorte de mode multijoueur tout à fait intéressant et bien implémenté, qui se révèle gratifiant car permettant de mettre la main sur des pièces d'équipement introuvables autrement ; et surtout, une refonte complète de la traduction japonais-anglais, bien plus aboutie, MAIS, toujours pas en français malheureusement.


De très nombreuses cinématiques ont été ajoutées au jeu, dans un style respectant la charte graphique du jeu et animée de façon originale, avec un effet fusain des plus sympathiques.

 

Au chapitre des doléances, hormis l'absence cruelle de traduction en français, on peut déplorer quelques lenteurs de chargement et une interface qui aurait gagné à être quelque peu remaniée (menus parfois un peu compliqué pour pas grand chose, accès à la liste des actions en combat toujours un peu exotique, etc.). A part cela, c'est un sans faute.


Jaquette PSP du jeu. Une aubaine à nulle autre pareille pour ceux qui n'ont pu s'essayer à la version PSOne.

Pour conclure, je dirais, mais vous l'avez compris, qu'il s'agit là pour moi d'un des plus grands jeux jamais produits. FFT reste à mon sens le t-rpg ultime, tous ceux qui s'y sont frottés ont souffert de la comparaison, c'est évident. Le développeur qui a réussi à se distinguer dans l'excellence est sans conteste Nippon Ichi, avec son formidable Disgaea, que j'ai retourné dans tous les sens aussi. Mais je sais bien que FFT résonne en moi profondément, bien plus que Disgaea ne le fera jamais, malgré toutes ses qualités. Final Fantasy Tactics fait partie de mes 10 jeux préférés, toutes catégories et toutes plateformes confondues.