Michel Ancel fait partie de ces rares français à avoir su se
faire un nom dans le monde du jeu vidéo. Malheureusement plus
discret depuis quelques temps, le bonhomme a été à l'origine de la
franchise Rayman, véritable bijou qui a carrément transcendé le
cadre de l'hexagone pour s'imposer dans le monde entier.
En 2004, c'est un univers et un personnage complètement différents
qu'il nous propose, et le moindre qu'on puisse dire, c'est que ce
Miyamoto (le mythique créateur japonais de Zelda) français a plus
d'une corde à son arc.

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Aux fondements du jeu : un énorme travail d'écriture
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C'est ce qui frappe tout de suite quand on joue à Beyond Good and
Evil (que l'on abrègera BGE) : la cohérence de son univers. On voit
qu'Ancel et ses équipes se sont mis en quatre pour imaginer un
univers complet, avec son propre fonctionnement, ses propres
références, et le résultat est d'autant plus impressionnant que
nous parlons bien d'univers complètement original, qui ne copie pas
des univers déjà connus ou exploités dans des films/livres.
Bienvenus donc dans le monde d'Hillys, un monde fortement
aquatique, qui se découpe en trois factions essentielles : les
DomZ, extraterrestres menaçants qui cherchent à envahir le monde
d'Hillys; les sections Alpha, groupe militaire très organisé aux
agissements très envahissants qui prétend protéger la population
des DomZ mais qui fait immanquablement penser à des organisations
fascistes par sa propagande incessante et la brutalité de ses
méthodes; et enfin le groupe de résistance IRIS, qui trouve les
sections Alpha très louches et va jusqu'à penser que ce sont eux
qui constituent la véritable menace pour le monde.
Au milieu de tout cela va se retrouver une belle jeune femme du nom
de Jade. Jade, jeune femme moderne, douée, magnifique, pertinente
et courageuse, est armée constamment de son appareil photo, dont
elle se sert pour prendre des clichés d'animaux rares ou de DomZ,
qu'elle revend ensuite à différents organismes. C'est le seul moyen
pour elle de récupérer de l'argent, et cela correspond très bien à
la nature profondément écologiste du personnage (rappelons qu'on
parlait nettement moins de l'écologie en 2004 et que Ancel a su
anticiper avec une belle avance, sans aucun racolage politique, sur
cette préoccupation grandissante).
Seulement, évidemment, Jade va être contactée par IRIS pour
utiliser ses dons d'investigation contre les sections Alpha, afin
d'aller vérifier de petites choses bien louches...

Dès lors, le joueur assiste à une plongée en eaux troubles, et le
jeu gagne progressivement en maturité, livrant un discours
clairement adulte sur un monde en demi-teintes où faire la part du
Bien et du Mal est assez délicate pendant toute une partie du jeu
(d'où le titre).
Le monde, les personnages, sont extrêmement attachants et comptent
parmi les plus réussis dans toute l'histoire du jeu vidéo.

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Ce n'est pas beau que sur le papier !
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Une des nombreuses forces de ce jeu, c'est qu'il ne se limite en
aucun cas à un concept alléchant. L'idée de base de Michel Ancel a
été portée, sublimée, par un aspect technique, un gameplay et un
level design plus qu'inspirés, pour aboutir à un des jeux vidéos
les plus riches et les plus beaux jamais conçus.
Sur le plan visuel, c'est une pure merveille. Les décors sont
magnifiques, le rendu de l'eau est bluffant pour l'époque, et,
chose rare dans le monde du jeu vidéo, le jeu est encore beau
aujourd'hui, on peut encore tomber sous son charme 6 ans plus tard.
Quand on sait à quelle vitesse les jeux évoluent, quand on sait que
nous sommes passés à la génération des consoles dites HD, cela
constitue un véritable exploit.
Tout est réussi dans le jeu : la modélisation et le design des
personnages, la beauté des décors, la richesse de l'univers, la
grâce de certains animaux rares que l'on arrive à photographier. De
plus, il y a une touche bien particulière, spécifique à ce jeu, un
design tout à fait unique en son genre, à mi chemin entre le dessin
animé et la réalisme d'un film. C'est assurément du grand art, et
je vous invite à regarder les quelques images que j'ai jointes à
cet article pour vous en rendre compte par vos yeux.

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Un jeu à multiples facettes
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Faire entrer ce jeu dans une catégorie n'est pas chose facile tant
son gameplay présente des visages différents.
Ce jeu est simultanément un jeu de combat, un jeu de plateforme, un
jeu d'infiltration, ah et puis il y a des phases à bord de
véhicules vraiment sympas, surtout sur l'eau, ah et puis il y a un
côté "aventure" indéniable, ah et puis il y a aussi un aspect
contemplatif, dans la recherche de toutes les espèces rares
d'animaux à photographier...
Le plus fort, c'est qu'en général, les jeux qui mélangent plusieurs
types de gameplay sont presque toujours ratés, ou du moins ratés
dans certains domaines abordés. Eh bien ce n'est pas le cas dans
BGE. Tout est réussi, aussi incroyable que cela puisse
paraitre.
Les phases d'infiltration sont tendues à mort et parfois très
difficiles. Vous progressez alors millimètre par millimètre,
concentré à fond, et tous les sens en alerte. Le level design est
maîtrisé de main de maître, si bien que la traversée des secteurs
Alpha est à la fois difficile et gratifiante, car le joueur est
vraiment obligé de faire preuve d'astuce et de réflexes pour
réussir à passer.
Les phases de combat sont très très bien faites. Jade est souple,
très souple même, les commandes réagissent avec une précision et
une fiabilité remarquable, le système de lock est impeccable, et le
déroulement des combats, assez inspiré des combats des Zelda, est
impeccable.
Les phases de plateforme et de véhicules sont vraiment réussies.
Difficiles aussi, ces phases demanderont de la dextérité et n'ont
rien à envier à la plupart des jeux de plateforme
spécialisés.

Riche de tous ses aspects, BGE propose une expérience de jeu variée
en frappant fort et juste dans tous les domaines.
Impressionnant.

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Parce qu'il n'y a pas de génies méconnus que dans les Arts
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Et pourtant...et pourtant malgré les qualités évidentes de ce
titre, malgré les éloges unanimes de la presse spécialisée et des
joueurs qui s'y sont essayés, le jeu n'atteindra pas le nombre de
ventes escompté par l'éditeur. Du coup, le jeu qui avait été pensé
comme une trilogie restera longtemps fermé à toute possibilité de
suite, ce qui constitue là un véritable crime.
Dire que c'est énervant est un doux euphémisme, c'est carrément
rageant. Quand on voit que tous les ans on a le droit à une
nouvelle mouture de jeux de foot comme Fifa ou PES, et qu'à chaque
fois les ventes suivent, c'est simplement écœurant. La
proportion de gros bills assoiffés de jeux de foot/course/baston
est encore bien trop forte dans le milieu du jeu vidéo,
malheureusement. Surtout en France.
BGE sollicite la sensibilité du joueur, son intelligence, sa
capacité d'émerveillement, et cela a autant contribué à faire de
lui un jeu mythique et adoré de certains fans qu'un jeu maudit dont
les ventes sont restées insuffisantes.
Malgré tout, le temps faisant son oeuvre, les fans grognant, il
semblerait qu'une suite soit en train d'être développée, et que
Michel Ancel serait aux commandes avec "carte blanche".
On ne peut qu'espérer que ce soit vrai, car Beyond Good and Evil
est un des jeux les plus profonds et les plus beaux jamais
créés.

** Mise à jour : il semblerait que le projet Beyond Good and Evil 2
ne soit finalement pas abandonné par l'éditeur. Ce seraient les
studios de Montpellier qui seraient à pied d'oeuvre, avec le
brillant Michel Ancel aux commandes. Les infos restent cependant
bien confidentielles et nous n'avons pas eu grand chose à nous
mettre sous la dent depuis le fameux teaser, que ce soit en terme
d'annonces, de screenshots ou de videos. Je nuance donc quelque peu
mon propos au sujet d'Ubi Soft, partiellement, dirons-nous.

Verdict : 10 / 10

Jaquette PS2
du jeu...
Jade dans
toute sa splendeur. Intelligente, moderne, sexy, un vrai personnage
intéressant, qui porte bien son nom tant le vert lui va bien
!
Py'j, le
cochon les plus attachant de toute l'histoire du jeu vidéo
!
L'appareil
photo...l'arme ultime de Jade...
Ils sont
organisés, armés jusqu'aux dents, on ne voit pas leurs visages...
Les sections Alpha ne semblent pas si sécurisantes qu'elles le
prétendent
.

Les phases
d'infiltration sont parfois très difficiles, et c'est tant
mieux
!
Les
déplacements en bateau, en plus d'être très agréables, offrent
souvent des paysages grandioses...
Jade peut
aussi se fâcher quand c'est nécessaire...les phases de combat sont
intenses et parfaitement jouables
.