La musique de Bioshock Infinite est marquante à plusieurs égards. Tout d'abord en raison de ses qualités mélodiques et de sa pertinence en fonction des moments et ambiances du jeu. Puis, en creusant un peu, on réalise rapidement que le choix est aussi fonction des paroles, du contexte et de la signification des paroles des morceaux chantés. Voici un premier billet sur une des chansons de Bioshock Inifinite.

Le premier morceau auquel nous allons nous intéresser est « Will the circle be unbroken ». Cette chanson traditionnelle américaine a été rendue célèbre grâce à la version du groupe Nitty Gritty Band en 1972. C'est une chanson typique à mi chemin entre la country et le gospel. Elle est d'ailleurs souvent reprise dans ce contexte. Si le Nitty Gritty Band l'a rendue célèbre, il n'en est pas l'auteur original.

Dans Bioshock Infinite, on retrouve cette chanson dans un petit moment de grâce ou Elisabeth apaise un enfant effrayé qui se cache sous un escalier. Booker se saisit d'une guitare et commence à jouer quelques notes. La jeune fille enchaine sur le refrain d'une voie très pure et la photographie de cette scène achève de mettre le joueur en suspens. C'est pour moi, un des moments forts du jeu. Et puis on la retrouve également à d'autres moments que je ne souhaite pas vous révéler, dans des versions chorales ou instrumentales. En fait, vous allez voir que cette chanson résume parfaitement l'histoire de Bioshock Infinite. D'ailleurs, elle est rapidement mise à contribution.

Un refrain immuable

Même si le thème abordé (la mort) reste plutôt triste, le morceau est souvent joué d'une façon entraînante et ouvrant sur un avenir plein d'espoir et un passage au paradis pour le défunt. Mais c'est le refrain qui fait particulièrement écho à Bioshock Infinite.

Will the circle be unbroken
By and by Lord, by an by
There's a better Home awaiting
In the sky Lord, in the sky

Ce que l'on peut traduire par

Le cercle sera-t-il ininterrompu
Bientôt, Seigneur, bientôt
Une meilleure maison attend
Au ciel Seigneur, au ciel

La parallèle avec Columbia, la cité utopique perchée dans les airs est tout à fait évident. D'une part on espère s'élever au dessus de la « Sodome inférieure » (l'enfer est sur terre), d'autre part le statut de Comstock n'est-il pas celui d'un Dieu dans son royaume (même s'il ne se revendique « que » prophète) ? Le royaume des cieux ?

Si le lien avec le royaume des cieux est évident, celui avec la notion de cycle, de cercle, ne l'est pas moins. Encore faut-il avoir terminé le jeu, ce qui m'empêche de vous en dire beaucoup plus à ce sujet. Sachez toutefois qu'il y a de la cuisine quantique derrière tout cela et que si les possibilités sont infinies, il n'y a qu'une seule façon de les réduire.

Je commence par le refrain, parce que la mélodie a été reprise pour être adaptée en différentes versions. Celle de Bioshock a été écrite en 1907 par Ada R Habershon. Une prédicatrice qui écrivit de nombreux autres cantiques. Une autre version très triste a été écrite par AP Carter dans la années trente. Mais le refrain est toujours resté inchangé.


Ada R Habershon

Des paroles faites pour Bioshock

Intéressons nous maintenant aux couplets. Malheureusement, je ne suis pas assez doué en anglais pour vous traduire cela correctement afin que cela sonne bien en français. Je préfère éviter de dénaturer le texte original.

There are loved ones in the glory,
Whose dear forms you often miss;
When you close your earthly story,
Will you join them in their bliss?

Ici, il est question de rejoindre les êtres chers qui peuvent nous manquer en fermant le chapitre terrestre de notre histoire. Est-il question pour Booker de rejoindre Columbia dans les cieux et cette fille mystérieuse qu'est Elisabeth ? Est-ce une façon de casser le quatrième mur pour s'adresser directement au joueur ? On peut en effet se dire qu'il est bien plaisant de se plonger dans l'histoire de Bioshock afin de sortir du train train quotidien et de rejoindre tous ces personnages.

In the joyous days of childhood,
Oft they told of wondrous love,
Pointed to the dying Savior
Now they dwell with Him above.

Ici, il s'agit de rejoindre le sauveur défunt qui n'est autre que Comstock dans son utopie.

You remember songs of heaven
Which you sang with childish voice,
Do you love the hymns they taught you,
Or are songs of earth your choice?

Lorsqu'on joue à « Infinite », on peut le faire de plusieurs façons. Les phases d'action permettent de résoudre les problèmes de diverses façons en étant classique (armes de base), imaginatif (en combinant les pouvoirs) ou encore plus stratégique (avec les failles ouvertes par Elisabeth). Enfin, chacun peut vivre et interpréter l'histoire à sa façon. C'est peut être là le sens de ce couplet si on le superpose au jeu. Choisissons nous de nous laisser porter par l'histoire ou de la vivre d'une autre façon ?

You can picture happy gatherings
Round the fireside long ago,
And you think of tearful partings,
When they left you here below:

Ici, nous sommes sur la fin de la chanson et de l'histoire. Avoir arpenté les rues de Columbia risque de vous marquer pour longtemps. La fin allant crescendo, on est presque déçu lorsque cela se termine. C'est généralement le signe d'une bonne histoire. Je suis sûr que vous avez déjà eu ce sentiment de perte à la fin d'une grande épopée. Cet espèce de vide... Vous aurez envie de revenir à Columbia ! Comment ça un DLC ?;)

One by one their seats were emptied,
One by one they went away;
Here the circle has been broken
Will it be complete one day?

Ici encore, je ne peux pas aller très loin dans mon interprétation (fumeuse?) du dernier couplet. Le fait que des sièges se vident ramène pour moi à la réduction des possibilités. Le cercle se brise, mais est-ce la fin pour autant ?

Pour finir, je vous propose évidement la version complète du chant interprétée par Courtnee Draper, l'actrice qui double Elisabeth dans la version originale. La jeune fille de 27 ans sait aussi très bien chanter ! Tout cela ne va pas sans travail et lorsque vous regardez les crédits du jeu (accessibles depuis le menu de démarrage) vous avez la bonne surprise de pouvoir assister à une séance de travail avec Troy Baker. Un autre petit moment de grâce.

 

La séance de travail avec Troy Baker

 

La version vocale compète d'Elisabeth

 

La version vocale en cœur (un autre moment important du jeu)

 

Une version classique de la chanson (les autres paroles)

 Oui, ça pique les yeux... ça semble tellement vieux...