Blog Game Over

Voici la retranscription d'une interview publiée récement sur le Blog que j'anime sur Rue89. Vous pouvez la lire dans son contexte original ici. Bonne lecture !
Vous pouvez également retrouver le test écrit de Puddle ainsi que son vidéotest.

Après la sortie du jeu Puddle sur XBLA et SEN, Pierre Lemasson et Thierry Perreau ont bien voulu revenir sur l'histoire de ce titre original. Puddle est en effet au départ un jeu étudiant qui n'était pas forcément destiné à être mis sur le marché. Thierry Perreau est directeur de la création chez Neko et Pierre Lemasson a travaillé sur Puddle en qualité de graphiste ainsi que sur le level design.

Game Over : Avant de commencer, peut être pouvez vous nous présenter brièvement Neko ?

Thierry Perreau : Neko produit essentiellement des jeux destinés à un large public. Avec plus particulièrement, comme cœur de cible les jeunes enfants (série des Cocoto, Franklin, Oui Oui, Build the Bear, etc.) et une partie du public féminin (Baby Life, Bratz Ponyz, Horse Life, Cover Girl...).

Comment avez vous découvert Puddle ?

Thierry Perreau : J'ai découvert Puddle à l'occasion des présentations des projets de fin d'années à l'ENJMIN. En plus d'être un intervenant régulier, je participe chaque année, en temps que membre du jury pour les premières et seconde années. C'est donc une fois la présentation terminé, que j'ai attrapé le chef de projet, et que je lui ai dit que je voulais produire son jeu !


Qu'est ce qui vous a particulièrement séduit dans ce jeu ?

Thierry Perreau : L'ensemble ! Ce qui m'a immédiatement séduit, c'est l'impression d'avoir devant moi un jeu homogène, formant un tout cohérent. Ou tous les éléments sont en parfaite adéquation les uns avec les autres. Le dernier en date sur lequel j'ai complètement flashé est « Journey » sur PSN... Un joyau !

C'est un projet que vous aviez à l'œil avant qu'il soit primé ?

Thierry Perreau : En fait, en tant qu'intervenant régulier à l'ENJMIN (sur le game concept, le game design et l'histoire du jeu), je suivais le déroulement de l'ensemble des projets. Je ne m'étais pas encore arrêté sur un en particulier... même si je voyais bien que celui-ci avait tous les voyants au vert, et qu'il s'annonçait diablement réussi !

L'équipe de développement a-t-elle été renforcée par les moyens de Neko ou les étudiants ont-ils terminé eux même leur jeu ?

Thierry Perreau : D'abord deux personnes de Neko son intervenus auprès de l'équipe pour les suivre tout au long du développement. Moi et le lead producer, Barthélémy Solas. De mon côté je les conseillais sur la partie game/level design et mon collègue sur la production et surtout l'aspect planification des taches. Une troisième personne est intervenue ensuite pour toute la partie test : le QA manager, Sébastien Chipot. Et pour finir, un ingénieur interne Nicolas Choiset, est intervenu vers la fin du développement PS3 pour la conversion Xbox 360.

Y a-t-il eu des modifications induites par la sortie prévue sur XBLA et PS Store par rapport au projet initial ?

Thierry Perreau : Oui. A la base le jeu proposait une suite de niveaux sans aucun lien particulier entre eux. Il manquait un « fil rouge ». Nos premières réunions on donc eu comme sujet principal l'élaboration d'une « trame » générale afin de proposer aux joueurs un univers et un semblant d'histoire pour solidifier les fondations du gameplay.

Pourquoi avoir choisi le PS Store ainsi que le XBLA alors qu'il semble que ce type de jeu rencontre un succès important sur PC ? Je pense par exemple à Blocks That Matter dont les ventes sont décevantes sur consoles et plus conséquentes sur PC...

Thierry Perreau : Sur XBLA et PSN aussi ! Et en particulier sur XBLA. Je pourrais vous donner des titres qui sont exactement l'inverse. Des succès Consoles et des bides PC. D'ailleurs il me semble que « Blocks That Matter », n'est pas un jeu Xbox Live Arcade, mais un jeu « Indie Game ». Il a donc eu forcément moins de visibilité au près du grand public. Mais... nous n'avons pas oublié les joueurs PC !

Vous êtes développeurs et le jeu est édité par Konami. La procédure de validation sur les plateformes dématérialisées est elle si compliquée pour qu'il faille passer par un poids lourd de l'édition ?

Thierry Perreau : La procédure n'est pas forcément compliquée. En revanche pour avoir une chance de gagner son billet d'entrée sur le PSN ou le XBLA, il est préférable d'être accompagné par un grand « frère » qui à déjà fait ses preuves sur support physique. Car pour Neko, c'était la première fois que nous abordions le dématérialisé sur ces supports. D'habitude, nous travaillons essentiellement avec Nintendo (Wii/DS/3DS).

Vous travaillez également avec Ubisoft et d'autres grands éditeurs. Pourquoi Konami en particulier pour Puddle ?

Thierry Perreau : Pour Puddle c'est un peu particulier... c'est eux qui sont venus nous voir suite aux différentes présentations qu'il y a eu dans les salons spécialisés. Et puis... quand une légende du jeu vidéo viens vous voir, on peut difficilement refuser !



Est ce que Puddle corresponds aux attentes de l'équipe de six personnes qui l'a développé ? En d'autres termes avez vous des regrets sur certains aspects que vous auriez voulu changer ou améliorer ?

Pierre Lemasson : Je pense que nous sommes tous plutôt satisfait du résultat. C'était notre premier jeu et nous avons du directement nous lancer sur de grosses plateformes, ce qui n'était pas une mince affaire. Avec le recul, nous voyons évidement ce que nous aurions pu améliorer et corriger : les temps de chargement par exemple, des scripts moins coûteux, une meilleure gestion du rendu... Mais bon, je suppose qu'il est normal d'avoir ce sentiment une fois l'expérience acquise. Pour ce qui est du contenu, nous avons eu toute la latitude pour créer l'univers du jeu, sans aucune limitation de la part de Neko, donc personnellement je ne suis pas senti spécialement frustré.

Comment définiriez vous le genre de Puddle ? On le qualifie souvent « d'action puzzle ».

Pierre Lemasson : A l'origine, on voulait vraiment créer des passages « puzzle », mais d'un point de vue gameplay, ça rendait les choses lentes et ennuyeuses, on les a donc supprimés. Je pense que si il fallait trouver un « genre » à Puddle, ça serait peu être plus celui de « course ».

Puddle est un jeu globalement assez difficile. A quel type de joueur penses tu qu'il soit destiné ?

Pierre Lemasson : Nous avons pensé caler la difficulté de Puddle sur des jeux tels que Trials HD ou Super Meat Boy, en somme pour des joueurs assez expérimentés mais avec de la persévérance tout le monde peut au moins essayer, il n'y a que deux boutons après tout.

On gagne un certain nombre d'objets et d'éléments qui servent à personnaliser l'écran d'accueil en fonction des performances. N'avez vous pas envisagé de proposer un éditeur de niveaux ?

Pierre Lemasson : Oui évidemment - pour créer Puddle, nous avons utilisé plusieurs outils fait maison afin de fabriquer les niveaux, et il était effectivement très tentant de proposer ces mêmes outils aux joueurs. Cependant, il s'agit d'outils assez techniques, un peu âpres à prendre en mains, auxquels il faut ajouter une grosse partie de programmation. Regrouper tout ces moyens techniques en un éditeur accessible aurait représenté une charge de travail trop conséquente pour notre petite équipe. De même, fournir un éditeur qui aurait permis de faire autant de choses que ce qui est disponible dans le jeu nous semblait difficile sur consoles (à la manette disons).

Le comportement des fluides est superbement rendu. Est-ce une chose difficile à élaborer d'un point de vue technique ?

Pierre Lemasson : La simulation de fluide est basée sur un papier de recherche. Il a fallu évidemment programmer tout ce comportement de fluide et l'intégrer au moteur physique (Box2D, logiciel open source, le même que dans beaucoup de jeux par exemple Angry Birds) mais la recherche sert à ça, à proposer des solutions à ce genre de problèmes. Les différentes propriétés de la simulation de fluide sont ensuite accessibles par le script dans les niveaux, ce qui nous à permis assez simplement de passer de l'eau à des liquides plus visqueux, explosifs etc.

Tu étais graphiste sur Puddle. Où es-tu allé puiser ton inspiration pour créer les différents styles des niveaux et leur donner une ambiance distincte ?

Pierre Lemasson : Nous nous sommes mis d'accord pour aller vers un système de représentation assez simple permettant de mettre en avant le liquide et son mouvement. Aussi, l'idée d'utiliser des silhouettes est venue assez naturellement - le parti pris graphique était assez simple à mettre en œuvre et au début du projet, en 2009, peu d'autres jeux utilisaient ce visuel. J'avais également particulièrement à cœur d'utiliser ce que les sciences et l'industrie ont à offrir en terme d'images, qu'il s'agisse de schémas, de diagrammes, de prise de vue en fausses couleurs etc. Cela s'illustre à travers les environnements que nous avons choisi de décliner dans le jeu (laboratoire, fonderie, fusée) mais aussi sur la manière dont certains sont traités (vision thermique, rayon X, dessins techniques).

Lors de l'essai sur Xbox, j'ai constaté que les temps de chargement duraient entre quinze et vingt secondes... Nous ne sommes plus habitués à des temps aussi longs surtout sur des productions indépendantes.

Pierre Lemasson : Oui c'est l'un (voir le) principal soucis du jeu. Chaque niveau comporte des musiques et un grand nombre de textures, ce qui rend les chargements laborieux. Avec l'expérience acquise, je pense que nous aurions pu les diminuer en gérant la mémoire différemment. C'était notre premier jeu et avec la tête dans le guidon nous ne nous sommes jamais dit que c'était vraiment un problème aussi handicapant. Je crois d'ailleurs que Neko va sortir un patch à cet effet sous peu.

Certains d'entre vous sont sur un autre projet aux origines étudiantes (PaperPlane). De quoi s'agit-il ?

Pierre Lemasson : Effectivement, avec deux autres personnes de l'équipe j'ai participé à l'élaboration du prototype de « PaperPlane » durant ma dernière année d'étude. Il s'agit d'un projet assez différent. Dans PaperPlane, le joueur évolue dans un espace figurant une maison de campagne au cœur d'un environnement rural à l'aide d'un avion en papier. C'est un peu l'inverse de Puddle : ce jeu n'a pas été inspiré par les sciences mais plutôt par nos souvenirs de colonie de vacances et les randonnées VTT. C'est la campagne qui est mise en avant. Le prototype est téléchargeable gratuitement.

Est-ce un projet qui risque de prendre le même chemin que Puddle (une édition commercialisée) ?

Pierre Lemasson : Personnellement j'aimerais bien. Les retours à l'IGF 2011 ainsi que les mails de personnes ayant aimé le prototype nous font penser qu'il pourrait trouver son public. Cependant pour le développer, il faudrait soit que nous montions notre propre studio, et je pense que nous n'avons pas encore l'expérience et les contacts nécessaires, soit que nous trouvions un partenaire comme pour Puddle avec Neko Entertainment.

Tu n'es pas sans savoir qu'une nouvelle console est sortie récemment ; la PS Vita. Quel est le point de vue du créateur sur cette machine, qu'est ce qui t'intéresse le plus par rapport à ses possibilités ?

Pierre Lemasson : D'après ce que j'ai pu en voir, elle a l'air d'avoir pas mal de puissance sous le capot et un affichage assez fin. La surface tactile à l'arrière de la machine semble également intéressante. En tous cas dans les démos présentées ça à l'air assez efficace. Si je devais faire un jeu sur cette machine, j'essayerais surement d'exploiter cette particularité (note : la sortie de Puddle est également prévue sur PS Vita).

Où travailles tu en ce moment et quelles sont tes ambitions ?

Pierre Lemasson : Je travaille en ce moment à Asobo Studio, le studio bordelais qui vient de terminer « Kinect Héros : une aventure Disney Pixar ». Cela m'a permis de travailler sur une grosse production et de m'insérer au sein d'une équipe plus conséquente et expérimentée. Quand à l'avenir, et bien on verra. Je ne suis pas spécialement fixé sur un but précis, mais comme mentionné précédemment, monter un studio afin de continuer des projets serait un challenge intéressant.