Je n'ai pas sauté dessus tout de suite. J'ai attendu la sortie de la biographie de Gunpei Yokoi pour grouper plusieurs bouquins chez Pix'N Love. Des Pixels à Hollywood en faisait partie. Paru en avril de cette année, ce livre est écrit par Alexis Blanchet. Comme l'évoque assez bien le titre il traite des rapports entre le septième art et les jeux vidéos.

L'abord de l'objet est convivial. La couverture d'excellente facture et glacée par endroits. Haute en couleur, sa mise en scène est parfaitement en accord avec le contenu du livre. Je pouvais donc assez légitimement m'attendre à trouver un contenu correspondant aux autres ouvrages que j'avais lu chez Pix. Mais il n'en est rien !

Bienvenue à l'université

Les illustrations sont rares et lorsqu'elles sont présentes, elles sont en noir et blanc. Le papier est de bonne qualité, mais il est de facture littéraire (stricto sensu) et non dans la lignée "mook" (fort grammage et glacé). Question plumage, le format et l'intérieur sont identiques à la nouvelle édition de La saga des jeux vidéo.

Le style de l'écriture est complexe, lourd et parfois difficile à cerner. Il peut même s'avérer nécessaire d'y revenir pour en saisir tout le sens. Des pixels à Hollywood ne se lit pas facilement et ce n'est pas dans le métro, le bus ou en dilettante qu'il faut s'y mettre. Mieux vaut s'installer confortablement, au calme, avec un verre à la main. En outre il ne s'agit pas ici de raconter une histoire, mais d'effectuer une analyse de médias et des choses qui les intriquent. Le fond de la question est donc aride. L'auteur est un universitaire et cela se sent. Alexis Blanchet est en effet docteur en études cinématographiques à l'université de Paris ouest. Des pixels à Hollywood fleure bon la thèse.

Si la forme de l'étude peut donc être perçue comme fastidieuse, le fond du sujet a bénéficié d'un travail remarquable. Le travail statistique est énorme, l'analyse est pertinente et les références bibliographiques sont encyclopédiques.

On découvre ainsi au fil des pages comment le jeu vidéo s'empare tout d'abord des grands succès cinématographiques en s'en inspirant, puis comment ce dernier finit par s'y intéresser. Tout d'abord en tant que produit dérivé qui peut profiter de la synergie initiée par les campagnes promotionnelles des blockbusters, puis en tant que média à part entière qui, peu à peu va s'affranchir du cinéma et même le transcender. L'analyse porte un éclairage majoritairement économique (conglomérats, partenariats, stratégies commerciales...), mais n'oublie pas de parler des évolutions techniques (arrivée du CD-ROM) et de l'impact qu'elles ont eu sur les principaux acteurs du secteur. Un impact aussi bien organisationnel que culturel.

Des pixels à Hollywood ne me semble pas aussi indispensable que l'histoire de Nintendo ou certaines biographies des personnages forts de la courte histoire des jeux vidéo, pour les geeks que nous sommes. Mais c'est une véritable étude scientifique sur le sujet et c'est assez rare pour que l'on ait envie de s'y intéresser.

Edit avant publication : En faisant quelques recherches, il s'avère effectivement que Des pixels à Hollywood est en fait le pendant publié grand publique d'une thèse d'Alexis Blanchet. Promis, je savais pas en débutant le billet :-).