Attention chef d’oeuvre! Mais pas n’importe lequel… Un de ceux qui utilisent la WiiMote et le Nunchuk intelligemment! Si, ça existe, faites pas ces gros yeux!

Pour ceux l’ayant loupé à l’époque, Nintendo a eu la bonne idée de le proposer sur la Virtual Console Wii pour une vingtaine d’euros (10 lors de la première semaine, l’un comme l’autre, il les vaut).

Le point de départ est simple : deux jeunes amants de deux pays au lourd passé commun. Aeron, le héros vient admirer sa chère et tendre, Elena, lors de la fête de la récolte . Détail qui a son importance puisque le pays de cette dernière est végétarien. Tout ne se passe pas comme prévu, la frêle et mignonne Elena se transforme en une bête difforme et cause pas mal de dommages avant de s’écrouler dans l’une des ruelles de la ville avec à ses trousses des hordes de soldats. Ni une ni deux, Aeron part à sa recherche et retrouve sa douce (vous n’avez pas fini avec ces synonymes…)  inconsciente, à moitié humaine et accompagnée de Mavda, une vieille marchande d’une race qui semblerait éteinte (et qui a un sac à dos “vieux monsieur”, et ça, c’est cool). Devant le visage déformé d’Elena, Mavda propose à Aeron de s’exiler dans un lieu reculé pour tenter de lever la terrible malédiction qui vient de la frapper.

Ce trio improbable va trouver refuge dans une vieille maison à coté d’un gouffre gigantesque. Au milieu de ce gouffre, une énorme forteresse rattachée par d’énormes chaînes au bord du précipice, afin de l’empêcher de s’étendre davantage. Et dans cette forteresse, 13 tours (comprenez là 13 donjons) avec à leur sommet un maître à abattre. “A dépecer” serait plus juste, car Mavda va vous proposer de soigner la jeune fille avec la chair provenant des créatures de ces tours. Celle des simples monstres lui permettront de garder forme humaine, tandis que celle des 13 maîtres lui permettront d’éradiquer le mal. Je vous rappelle que cette jeune fille est végétarienne, et que donc manger de la viande crue, pour elle c’est moyen moyen. L’ambiance du titre (considérée à tort comme gore) doit beaucoup à cet élément : les scènes où le beau blond ramène le butin à sa belle bleue sont particulièrement dérangeantes. Au début, si le dégoût est réel, petit à petit elle va s’y faire voire apprécier et en parallèle sa personnalité va changer pour devenir de plus en plus étrange. Et l’ensemble de l’aventure sera centrée là-dessus : sur la relation Aeron-Elena.

Plus vous lui donnez de viande, plus elle va se comporter comme un animal quand vous lui ramènerez de la barbaque, mais elle gardera sa forme humaine. Moins vous lui en donnez, plus elle se transformera en une chose franchement dégueulasse. En plus de ça, Mavda vous offre une chaîne, relique de son peuple qui permettent deux choses. Premièrement d’extirper la viande des créatures. Et c’est à ce moment précis qu’interviennent la Wiimote et le Nunchuk. Et deuxièmement de lier les deux tourtereaux grâce à une ancienne magie.

Le jeu est séparé en deux phases bien distinctes, mais toutes les deux découlent de cette relation.

Le hub d’abord. Votre future femme vous y attendra, faisant le ménage, la cuisine ou bien encore la déco (misogynie simulator). Le temps ne s’écoule pas dans cet endroit, vous pouvez donc à loisir visiter chaque endroit vous permettant de découvrir diverses objets cachés. Mais cela vous permet surtout d’entretenir votre relation avec Elena: vous pouvez taper la causette, lui demander des traductions de textes trouvés dans les tours, lui offrir des cadeaux, lui donner de la viande, lui demander d'agrandir votre sac, de décorer un peu plus l’endroit pour qu’il soit moins lugubre… Chaque action, chaque choix de dialogue aura une influence sur votre relation (symbolisée par une barre lumineuse qui se remplit, se vide ou change de couleur). L’état de cette barre va déterminer les cutscene auxquelles vous aurez droit, aux dialogues disponibles et à la fin que vous débloquerez. Il y en a 6 en tout.

Dans cette bicoque se trouve également Mavda, la marchande qui a décidé de “veiller” sur vous. Vous pouvez lui acheter des objets, en vendre, en créer, en réparer (car oui, votre équipement pourra se briser selon les chocs reçus), améliorer vos armes (il y en a 4 en tout, chacune a 4 niveaux qui vous permettront de débloquer des combos supplémentaires)…

Un hub certes, mais pas l’un de ces hubs inutiles, vous aurez fort à faire pour optimiser votre équipement et votre relation entre chaque tour.

La deuxième phase du jeu se passe dans ces fameuses tours. Si un bon Castlevania 3D avait vu le jour, il ressemblerait probablement à ça. Vous frappez avec votre arme de manière classique. Un jeu de timing vous permettra de sortir tout un tas de combos dévastateur. La Wiimote permettra d'agripper vos ennemis, de les ligoter avec votre chaîne (perdant ainsi le contrôle de cette dernière), d’attacher deux objets ensemble. Elle pourra également vous permettre de récupérer des objets hors d’atteinte ou de zoomer pour révéler divers secrets. Le tout se fait en pointant l’écran et fonctionne bien. On se serait néanmoins passé des gesticulations demandées pour arracher la chaire de vos ennemis.

Vous imaginez probablement déjà toutes les possibilités de puzzle qu’offre cette chaîne. Il faudra alors venir à bout des casse-tête et du bestiaire pour connaître les secrets de ces tours (ils sont nombreux, ça va des expériences sur les humains aux horreurs de la guerre les plus noires) et pour espérer arracher la chair du maître. Ces derniers sont d’ailleurs très réussis puisqu’ils marient casse-tête et combat épique. A la manière d’un Zelda, il faudra trouver le moyen d’atteindre le point faible de l’ennemi pour lui vider sa barre de vie. Globalement, ils représentent un bon challenge, certains étant vraiment corsés.  

Mais si cela ne se limitait qu’à gravir des tours et à filer des bourre-pif, le jeu serait plutôt simple. Le temps s’écoule dans ces tours et je vous rappelle que votre dulcinée porte en elle une malédiction qui la transforme au fil du temps en monstre gluant et suintant. Vous aurez alors une jauge de transformation. Pendant la bonne première moitié vous serez tranquille, vous pourrez retrouver votre moitié sous sa forme humaine. Par contre, si vous tardez trop, vous risquez de ne plus la reconnaître et d'assister à une cutscene bien dégueu en plus de mettre à mal votre barre de relation. Tout le challenge va se porter sur votre capacité à fractionner vos avancées. La viande qu’elle mangera remplira la barre de transformation, vous laissant un sursis supplémentaire.  Des aller-retours seront obligatoires, sans pour autant peser sur le rythme du jeu (vous débloquerez régulièrement des raccourcis). A vous de les gérer au mieux, d’attendre le bon morceau de viande (il en existe de plusieurs sortes, plus ou moins curatifs) ou d’atteindre un point précis de la tour. Le plus dur sera de gérer le temps pendant les maîtres. Une fois dans leur arène, vous ne pourrez plus faire marche arrière. Donc prévoyez, pour les plus téméraires quelques reset de console.

Si le fond est très réussi, la forme l’est tout autant. Alors oui, c’est un jeu Wii, donc ça vaut ce que ça vaut techniquement mais artistiquement c’est du miel pour les oreilles et pour les yeux. Tantôt angoissant, tantôt grandiloquent, chaque tableau fait mouche.

Pandora’s Tower est l’une de ces pépites souvent sous-estimées. Sorti sur une Wii mourante, Nintendo offre une nouvelle IP forte et originale (ils en proposent peu, mais quand ils en font une…). Elle est de celles qui ont la capacité de marquer une vie de gamer, que ce soit par son gameplay profond et maîtrisé ou par son ambiance angoissante finissant en apothéose grâce à la relation Aeron-Elena  (et ce, peu importe la fin obtenue). Cerise sur le gâteau, le jeu vous offre un new game + débloquant des nouvelles salles dans chaque tour mais qui aura plus vocation à vous permettre d’obtenir la “vraie” fin facilement qu’une relecture de l’aventure.

 Les points positifs :

  • Une relation amoureuse réussie

  • Un gameplay riche et profond

  • Des phases d’exploration 3D comme on aimerait en voir plus souvent

  • La Wiimote à son meilleur

  • Direction artistique de haute volée

  • Un scénario et une ambiance captivants, tout en filigrane

 Les points négatifs :

  • Une technique vieillissante

  • Certains environnements se répétant (bien que justifiés par le scénario)