Bonjour à vous,

Aujourd’hui on va parler de Chariot, et je dois avant tout vous prévenir : cette critique sera un peu spéciale, car ce jeu est assez particulier sur un point : le solo et le multi sont vraiment différents, et il faut en parler séparément. Ne partez donc pas en plein milieu en croyant vous être fait une bonne opinion de ce que Chariot a à vous offrir, et restez bien jusqu’au bout : les deux expériences n’ont rien à voir.

Chariot est un jeu en 2D où vous incarnez un ou deux personnages (selon le nombre de joueurs) qui amènent le cercueil du roi fraîchement décédé jusqu’à une tombe. Les crédits commencent à défiler, l’heure est au recueillement, mais voilà que le fantôme du roi apparaît et décide qu’une tombe simple c’est bon pour les pauvres. Lui il veut un mausolée digne de sa grandeur, des richesses, des adorateurs qui viennent en pèlerinage ! Donc vous êtes priés de reprendre le chariot qui contient son royal cadavre, et d’aller en profondeur dans la nécropole de ses ancêtres pour trouver une tombe digne de ce nom, et pour récupérer des richesses au passage, afin de la garnir comme il se doit. Et comme vous êtes des larbins obéissants vous obéissez. Si on m’avait demandé mon avis j’aurais signalé que :

1)      Si une tombe a été construite plus bas il y a de fortes chances que ça ait été pour quelqu’un d’autre, et que donc elle soit déjà occupée

2)      Récupérer des richesses en chemin, ça revient à piller sa famille, et que l’accueil risque d’être assez frais quand il la reverra dans l’au-delà

3)      Construire une tombe en surface c’est quand même vachement plus pratique pour les fidèles, les profondeurs c’est plus fait pour les pillards, sa famille en sait quelque chose (cf point 2)

Cela semble idiot dit comme ça mais de toute façon Chariot fait partie de ces jeux où l’histoire n’est qu’un prétexte. Il s’agit d’un jeu basé sur la physique. Celle du fameux chariot pour être plus précis, car vous allez le transporter sur chaque niveau d’un point de départ à un point d’arrivée. C’est lui qui récupère les fameuses richesses, présentes ici sous forme de diamants, et qui de façon plus pragmatique représentent votre score à la fin de chaque niveau. C’est également sur lui que se focalise la caméra en mode deux joueurs, et si vous vous en éloignez trop, c’est l’échec assuré.

On va commencer par des points neutres, où je peux me montrer objectif et analyser calmement ce que j’ai vu. Donc on va commencer par la technique. De ce côté rien à redire, le jeu est coloré et assez joli. On a cinq mondes, qui contiennent chacun 5 niveaux (donc un total de 25, bravo à vous). Chaque monde a sa thématique : le premier monde est une caverne luxuriante avec beaucoup de végétation, le second est une caverne sombre, le troisième est une caverne de glace, etc. C’est agréable à l’œil sans pour autant atteindre la beauté d’un trine ou d’un Child of Light. Par contre dans un même monde les niveaux se ressemblent vraiment, rien ne les distinguent les uns des autres. Pour la musique, ben il y en a, mais on n’y fait jamais attention. Elle ne massacre pas les oreilles et…. Je suppose que c’est bien. Elle est juste là pour l’ambiance et pour meubler le silence, pas désagréable, et pas mémorable, oubliée sitôt le jeu éteint.

Concernant le gameplay vous incarnez un personnage qui va soit pousser le chariot, soit le tirer avec une corde. Il est en effet possible, en appuyant sur une gâchette, de vous relier instantanément à l’une des deux roues du chariot (par défaut la plus proche), ce qui va vous permettre de le tirer. Il est également possible de tirer la corde (et donc le chariot) à soi, et d’appuyer sur la touche du bas pour ancrer votre personnage dans le sol (comprendre que rien ne pourra le faire bouger, pratique pour attirer à soit le chariot quand on est sur un espace de taille très réduite). Tout le jeu se résume à traverser les niveaux à la recherche de la sortie, en poussant ou en tirant le chariot, et en le manipulant pour traverser les vides et monter (ou descendre) les fosses que toute grotte digne de ce nom doit posséder. Il sera parfois possible de chercher des sorties cachées, dont la découverte ne vous apportera pas grand-chose vu qu’il n’y a pas de niveau caché (ou s’il y en a ils sont très bien cachés, vu que j’ai un peu fouillé sur le net pour voir si ça ne m’avait pas échappé et que personne n’en parle).  Vous devrez aussi explorer les embranchements pour chercher des bonus sous forme de crânes (aucun respect ; ça va leur retomber dessus, c’est moi qui vous le dit), ou pour ramasser des plans qui débloquent des reliques. Ces reliques peuvent être achetées pour vous simplifier la vie dans les niveaux. Vous pourrez par exemple utiliser un crochet pour accrocher un bout de corde au sol ou sur un mur, ou un poussin lumineux pour feinter les « pilleurs ». Car oui vous n’avez pas que le level-design à franchir, vous avez aussi des ennemis, appelés pilleurs, qui vous agresseront pour vous voler vos richesses, et que vous devrez repousser avec vos armes (épée pour la femme, lance pierre pour l’homme), sachant qu’ils ne vous attaquent pas directement.

Le jeu se résume à ça, vous repoussez les quelques pilleurs que vous rencontrez, vous cherchez  à ramener le maximum de richesse pour le score et pour acheter les objets débloqués, vous passez lors d’un niveau devant une zone où vous ne pouvez pas encore aller car vous n’êtes pas bien équipé (ex. pour aller dans une zone sombre il faut attendre d’avoir obtenu la lampe), vous cherchez les plans de l’objet qui débloquera la voie ; plans en plusieurs parties dont la dernière se situe toujours à la fin du dernier niveau. Si je mets la main sur ceux qui ont aménagé ces lieux ils vont m’entendre ! Puis le roi n’est pas satisfait et vous prie d’aller chercher plus profondément. On a déjà vu ce type de schéma des dizaines de fois : c’est clairement le genre de jeu qui mise tout sur son gameplay et sur son level-design.

Sauf que le jeu est clairement pensé pour être joué à deux (ça ou les développeurs ont fumé la moquette en concevant leurs niveaux, au choix). C’est à la fois son principal point fort et son principal point faible. Alors si comme moi vous commencez par inviter un membre de votre famille pour un peu de coop tranquille, au début ça se passe bien, les niveaux ne sont pas trop longs, assez simples à traverser. Il y a quelques idées vraiment bonnes, comme ces surfaces sur lesquelles seul le chariot peut rouler (les voies spectrales) tandis que vous vous passez au travers, et ces autres surfaces qui font l’inverse (les voies vivantes). Vous avancez sans trop galérer, vous suivez les panneaux qui vous présentent les chemins annexes, plus difficiles mais aussi davantage remplis en bonus, vous essayez les zones réservées aux joueurs qui jouent en coop, indiquées par un panneau assez clair (même si avec le bon objet j’en ai fait plusieurs seul, comme quoi avec de la débrouille…). Bref vous avancez ensembles sans trop vous prendre la tête et vous vous sentez forts à deux, puis vous arrivez au dernier niveau du premier monde et c’est tant mieux car ça commence à se ressembler tout ça, il est temps de changer de thématique. Vous trouvez donc les plans de la lampe et vous retournez dans la zone sombre du deuxième niveau pour découvrir la tombe, et passer au niveau suivant. Puis vous le faites, et en deux niveaux vous comprenez que ça va être « la même chose qu’avant, mais sans rien y voir ». Et là on touche au second problème du jeu (le premier viendra après, f… les conventions, de toute façon ici on paie d’avance avec son clic), le jeu est tout le temps identique. Toutes les principales idées de level-design sont envoyées dans les deux-trois premiers niveaux du premier monde et ensuite le jeu tente d’étirer sa durée de vie en les ressortant ad nauseam (même s’il y a quelques ajouts dans chaque monde, mais là encore on voit tout dés le premier niveau). Ce ne sont pas les mêmes plates formes mais c’est toujours le même principe, la même idée, les mêmes situations. On se plaint que la rédaction nous ressort 28 news sur un même jeu, mais au moins eux ils varient les plaisirs. Si ça avait été écrit selon la logique de Chariot, on aurait eu 28 fois la même news mais toutes sur un seul et unique sujet :

« Ivre, il finit The Order en 15 heures »

« On a fait jouer des actrices pornos retraitées à The Order, voici leur temps de jeu »

« Il se scarifie avec une fourchette pour protester contre la durée de vie de The Order »

« Scoop : Mario 3D Land en ligne droite dure aussi longtemps que The Order »

« Il speedrun The Order en 6 heures et se suicide dans poubelle du 7ème sous-sol de la villa de Mark Hamil pour protester contre les cinématiques responsables de la durée de vie : les réactions des clients du kebab en face de la rédaction »

« The Order un jeu court ? La moyenne de temps de jeu de la communauté »

« Le top 10 des jeux les plus courts de l’histoire »

Vous voyez, ça fait relativiser mine de rien (Concours : Trouvez la thématique des titres cités et mettez votre propre titre de news dans les commentaires de cette critique).

Retour au jeu : l’obscurité dans laquelle on patauge dans le second monde ne serait pas gênante si elle introduisait une nouvelle idée de jeu, au lieu de nous rendre gratuitement la vie difficile. Car vu que la lampe débloquée n’éclaire qu’une toute petite zone on avance à tâtons et on ne voit la plate forme suivante à atteindre qu’une fois au bord de celle où l’on est présentement. Mais bon au final on s’en sort, et ce n’est pas si horrible. Les niveaux sont plus difficiles et demandent un certain skill, mais j’ai joué avec ma sœur qui est loin d’être une joueuse hors pair, et on est passé sans trop galéré. C’est juste que la répétitivité commençait à se faire sentir. Puis on est arrivé au monde 3. Sauf que le monde 3 c’est encore les mêmes niveaux, mais avec de la glace partout cette fois. Et pas de la glace à la Rayman Origins ou à la mario qui te sert à faire de plus grands sauts, ou te force à courir dans des niveaux prévus pour ça. Là c’est pareil qu’avant, sauf que quand vous essayez de pousser ou de tirer le chariot sur terrain plat, ce dernier file comme le vent, et si vous ne jouez pas avec la gâchette de la corde enfoncée, il peut finir n’importe où (et la moitié du temps en bas du gros trou que vous venez tout juste de gravir, c’est dire si ça fait plaisir). Et quand vous essayez de gravir une pente, tirer ou pousser le chariot vous fera faire du surplace. Alors oui on avance malgré tout, le jeu n’a pas de système de vie, et possède pas mal de checkpoints auxquels vous pouvez revenir à tout moment si vous êtes mal engagés (ou si vous avez raté un embranchement auquel vous ne pouvez plus revenir, ce qui vous évite de refaire tout le niveau pour y revenir, j’avoue ça, ça fait plaisir). Oui nos personnages ne meurent pas réellement, vu que tomber dans le vide ou dans la lave nous ramène au dernier checkpoint. Et oui à deux il suffit habituellement d’avancer doucement pour finir par passer chaque obstacle (si un des joueurs sécurise le chariot lors des phases de plate forme pure), vu que si un des deux joueurs meure, il suffit d’attendre un peu pour qu’il réapparaisse sur le chariot. Mais bon! Déjà on a l’impression de refaire le même niveau encore et encore, et surtout ce qui aurait pu être un jeu de réflexion et de skill n’est au final qu’un jeu de skill qui se répète en boucle.

A deux l’expérience n’est pas fondamentalement mauvaise, elle peut même être bonne, mais pour cela il faut aimer un minimum les jeux corsés, et privilégier les petites sessions. Si vous respectez ces deux conditions ce jeu peut vous plaire.

Car oui si vous aimez la difficulté vous allez aimer, et beaucoup même. A deux. Avec un partenaire. Car seul ce jeu devient assez vite une horreur à jouer. J’ai fait plusieurs niveaux seul, et autant dans le premier monde ça devenait déjà assez compliqué, mais à partir du second c’est carrément devenu une purge. La difficulté n’est pas trop élevée, mais elle est vraiment frustrante. Comme je l’ai dit précédemment le jeu est basé sur la physique du chariot. Or ce dernier a un poids variable. Quand on saute sur une plate forme en hauteur et qu’on le tire à soi, si on est trop brusque (c’est à dire si on laisse le bouton pour tirer la corde enfoncé) le passage brutal à l’horizontale le fait voler par-dessus notre tête, et parfois sur une distance finalement assez logique si considère qu’en fait il est composé à 50% d’hélium. Par contre si le chariot pend dans le vide, que vous sautez mais n’avez pas assez de mou, la corde va se tendre et le chariot va vous propulser vers le bas, ce qui est logique si on considère que quand il pend l’hélium est magiquement remplacé par du béton.

Encore un exemple ? Dans le monde 2 on est introduit à la pire idée du jeu : des ressorts sur lesquels vous devez rebondir avec le chariot pour aller plus haut. Sauf que le chariot rebondit beaucoup plus haut que vous (l’hélium je vous dis) et pars dans tous les sens. Et à chaque fois la suite du niveau se situe à la hauteur à laquelle le chariot rebondit. Ce qui fait qu’au lieu de sauter sur un rebord à votre hauteur tout en agrippant le chariot pour ensuite le tirer à vous, vous devez trouver un moyen de vous lier au chariot avec la corde pour profiter de sa propulsion, sachant que le faire stoppe sa propulsion car vous avez l’avantage du poids, sachant qu’être sur le chariot au moment du rebond vous emmène très haut, mais fait tourner le chariot sur lui-même, ce qui vous force soit à sauter, et donc à bloquer votre saut prématurément, soit à tomber, ce qui propulse le chariot vers le bas avec vous. Ajoutez à cela le fait que laisser le chariot rebondir seul le fait partir dans tous les sens sans grande logique, et vous avez une idée de la solidité des nerfs nécessaire pour ces passages. Et au final vous réussirez à atteindre la bonne hauteur, sans jamais avoir compris pourquoi ce coup-ci  c’est le chariot qui vous a entraînés, et pas l’inverse, et vous verrez des richesses bonus, et vous comprendrez que c’était la bonne hauteur, mais pas la bonne direction (je rappelle qu’on joue dans le noir, avec une lampe qui n’éclaire pas grand chose), et vous inventerez de nouvelles expressions fleuries pour exprimer le fait que si « frustrant » c’est « fun » auquel on a rajouté des lettres, c’est sans doute qu’à trop en faire on finit par se planter royalement. Et pour le défi de Chariot, quand on joue seul c’est clairement ça. Remarque à deux les ressorts ne sont pas beaucoup plus gérables, mais au moins les chances de finir accidentellement au bon endroit sont doublées, c’est déjà ça.

Pour résumer : Chariot en solo, c’est vraiment le jeu qui fait de vous sa pute. Il n’est pas impossible mais on râle plus qu’on ne s’amuse. J’ai fini le monde 2 en coop car je ne voulais plus y toucher seul, j’ai vu le monde 3 avec ses glissades permanentes, le chariot qui vole et glisse et vous échappe encore plus qu’avant (hein ? Les pilleurs ? Non non eux ça va, ils ont des crampons), je l’ai testé en solo, et j’ai perdu tout plaisir de jeu. En plus si la convention de Genève avait été écrite aujourd’hui, il y aurait forcément eu un passage sur les mondes de glace dans les jeux vidéo.

Par contre à deux on s’aide, on peut s’assurer, et rendre les erreurs moins graves. On peut s’accrocher au chariot et se hisser jusqu’à lui (chose quasi impossible en solo et pourtant tellement pratique). On peut tenir le chariot pendant que son binôme fait un saut un peu délicat, puis utiliser la physique du chariot pour le lui envoyer tout en restant accroché (au cas où) ; l’autre le récupère au vol et le tire vers lui, et vous avec. Bon il reste la question du même niveau qui se répète en boucle, et c’est à vous de trouver un moyen d’égayer la situation, mais à deux ça n’est pas trop compliqué. Attention par contre si l’un des deux se la joue perso ce sera comme le jeu solo, mais vous serez deux à le subir. Je le répète mais ce jeu est pensé pour du coopératif. Et il reste les ressorts, et ça personne ne pourra jamais rendre ça agréable. Quelque soit votre choix vous devriez passer facilement entre 12 et 15 heures sans chercher les bonus (sachant qu’un niveau vous prend 20 minutes au début de l’aventure, mais qu’à partie de la fin du monde 2 il en prend 45 facile), et bien davantage si vous cherchez le 100%, avec pas mal de trophés à débloquer qui vont de “trouver tous les crânes” à “finir tel niveau avec telle restriction”. Mais bon retourner dans des niveaux déjà fait pour prolonger encore plus le sentiment de recyclage permanent, faut être motivé.

Ah et le jeu coûte plus cher chez nous que chez la concurrence. Sans ajout qui justifie la chose.

Vous aimerez si :

-          Vous jouez à deux et vous vous entendez bien (là je le recommande)

-          Vous aimez les défis

-          Votre surnom est « Mr Esclave »

Vous n’aimerez pas si :

-          Vous jouez seul (là je le déconseille)

-          Les jeux exigeants vous rebutent

-          En fait votre couple n’est qu’un plan cul qui ne s’assume pas

(Les images sont tirées de la galerie de jeuxvideo.com)

Luciole