Bonjour à toutes et à tous !

Vous avez besoin de graphismes HD pour apprécier un jeu ? Votre imagination n’arrive plus à passer outre les erreurs techniques pour vous immerger dans une histoire ? Le sexe, la violence gratuite et les nuances de gris sont pour vous la définition même du jeu pour adulte (auquel cas vous avez de fortes chances d’aimer Rockstar, Ubisoft et EA) ? Vous pensez qu’une histoire n’est bonne que si elle s’assoit sur les codes du jeu vidéo pour copier sans réfléchir ceux du cinéma ? Vous détestez l’idée de perdre à un jeu ? Vous ne jouez que pour débrancher votre cerveau et la moindre vue d’un pixel provoque chez vous des poussées de boutons ? Félicitations ! Vous êtes un jeu AAA.

Si la vue de pixels entraîne cris hystériques, spasmes incontrôlés et bave à la place des boutons, vous êtes un hipster… Ou vous avez la rage, je sais pas, la différence au niveau du cerveau n’est pas bien nette.

Je pourrais bien entendu vous inviter à partir d’ici pour nous laisser entre rétrogrades passéistes amoureux du skill, du défi, et de la satisfaction qui en découle, mais ce genre de discours est plus la preuve d’un élitisme puant et d’un intellect étriqué et limité qu’autre chose. Car après tout si les jeux exigeants et difficiles ne vous tentent pas, qu’ils soient modernes ou rétros,  c’est peut-être aussi car ils sont assez souvent mal fichus dans leur difficulté. Aujourd’hui encore il est assez rare de trouver un jeu qui ait une courbe de difficulté qui fasse progresser le joueur débutant doucement mais sûrement, tout en proposant au joueur exigeant un challenge à la hauteur de son expérience. Le jeu que je vous présente aujourd’hui appartient à la caste très fermée des jeux qui ont parfaitement réussi à concilier exigence et accessibilité. Et pour couronner le tout il réalise un sans-faute dans quasiment tous les domaines, réduisant toute critique à son encontre au rang de pinaillage. Aujourd’hui DansTonU vous propose de jouer à un chef-d’½uvre.

Jeunes, vieux, speedrunners, casuals, hardcores, hommes, femmes, pingouins, consoleux, pécéistes, abandonnez vos querelles puériles, et prosternez vous tous, DEVANT LA SAINTE PELLE !

Shovel Knight est un jeu qui fait un hommage visible et appuyé à l’époque 8-bits, mais ça vous  le savez déjà. Il suffit de voir une seule image du jeu pour être aussitôt assailli de souvenirs de cette époque où chaque pixel se voyait encore, et où notre imagination était obligée de compenser les graphismes simplistes. Si vous êtes trop jeunes pour avoir connu cela forcément il n’y a pas de nostalgie possible, et une belle part de l’intérêt de ce choix disparaît. C’est triste mais on n’y peut rien. Par contre au niveau technique, je ne sais pas pour vous mais moi, si je suis nostalgique de ces pixels énormes, je le suis beaucoup moins de ces ralentissements de l’horreur dès qu’il y avait un peu trop d’action à l’écran (souvenez vous de zelda 1 et 2, ça aide à relativiser les chutes de framerate d’aujourd’hui). A l’époque je croyais que c’était un style à la matrix (10 ans avant le film, fortiche !), et vous êtes priés d’arrêter de sourire, 1) j’avais 6 ans, 2) on a TOUS cru que c’était fait exprès, ne mentez pas ! En tout cas ici vos propres enfants (à ceux qui en ont : condoléances pour votre temps libre) n’auront pas ce problème, car Shovel Knight est d’une fluidité exemplaire. Pas un seul ralentissement, pas un seul pixel qui clignote. En plus de cela les décors sont assez beaux pour le genre, sans être surchargés. Le jeu tient ses 60 fps en toute circonstance, même sur 3DS avec la 3D activée. Vous me direz que vu la puissance requise par les graphismes c’est normal, mais quand même ça fait plaisir de voir un travail bien fignolé.

Maintenant on pourrait me répondre que le style graphique ne fait pas un bon jeu. Il est vrai que si un développeur veut s’acheter une DA pour pas cher, il lui suffit de mettre de gros pixels et d’en appeler à la nostalgie ou à l’hommage. Un peu comme ces artistes du dimanche qui, pour faire de la photographie professionnelle, prennent des photos en noir et blanc pour se donner un style vintage sans avoir à se préoccuper de concepts bassement accessoires comme l’intérêt du sujet pris en photo, le cadrage ou la lumière (qui eux nécessitent du talent et/ou du travail, et pas juste de savoir lire un manuel). Sauf que je vous répondrais que même si l’appréciation du style visuel de Shovel Knight est purement personnelle (et objectivement sans faute), quiconque se souvient de l’époque des Famicom et Master System avec des étoiles dans les yeux ne peut pas regarder ce jeu sans avoir un millier de souvenirs qui lui reviennent en pleine face.

De plus les développeurs ont compris les références qu’ils utilisaient, et les codes qu’ils récupéraient. Shovel Knight fait référence aux meilleurs aspects de cette époque, mais sans oublier de les moderniser quand c’est nécessaire.

Tout d’abord la bande son. Chaque morceau nous renvoie aux musiques les plus marquantes de la période 8-bits, de Megaman à Castlevania, en passant par Zelda ou Duck Tales. La qualité est au rendez-vous, et plutôt que de vous détailler sur 20 lignes à quel point c’est un régal pour les oreilles, voici une petite sélection de morceaux présents au début du jeu.

Et si vous aussi vous vous inclinez, sachez que je suis très frustré de ne pas pouvoir vous sortir la musique du boss final ou de certains stages. Mais ce serait criminel, car elles accompagnent tellement bien les combats, leur donnant un côté épique encore plus renforcé. On remarquera de petits détails, comme le fait que les musiques de boss reprennent le motif de la musique du niveau correspondant, donnant une certaine continuité musicale à l’ensemble, ou le fait que les musiques servent parfaitement l’ambiance et ne sont jamais hors-sujet ou décalées par rapport à ce que nous voyons. Couper le son en jouant, ici, c’est vraiment un truc de masochiste.

Shovel Knight est un chevalier sans peur. Lui et sa partenaire, Shield Knight, chassaient les trésors et le frisson de l’aventure. Jusqu’à ce jour maudit où une tour leur résista. Shovel Knight parvint à sortir, mais la tour se scella derrière lui, emprisonnant Shield Knight. Incapable d’y retourner, Shovel Knight fut forcé d’abandonner. Désemparé, il se retira du monde, se plongeant dans l’alcool, la drogue, et les photos de chatons, puis il ouvrit un blog sur un célèbre site de jeu vidéo, où il devint une figure marquante de la communauté. Son moment de gloire fut quand son article « 50 comparaison de pelles schön garten creuser avec » parvint en tête de liste des articles les plus vus, forçant son passage en home et provoquant une vague de suicides au sein de la rédaction. Mais dans l’ombre le mal grandissait. Le monde fut envahi par un terrible ennemi, l’enchanteresse et ses huits chevaliers, provenant dans la même tour où sa bien-aimée avait disparu. Sentant la coïncidence un peu trop grosse à son goût, Shovel Knight repris sa pelle et son armure, et partit seul à l’aventure, afin de prendre sa revanche et de protéger le monde. Mais rassurez- vous, il n’a pas oublié de fermer son blog proprement avec un ban en postant des gifs de pelles coréennes comme dernier cadeau d’adieu.

Le jeu se décompose en niveaux, visibles sur une carte du monde : 1 niveau tutoriel, 8 niveaux pour affronter les 8 chevaliers protecteurs de l’enchanteresse, puis 2 niveaux pour la tour. Chaque niveau se termine bien entendu par un boss.

Dès le début on est lâché dans le premier niveau tutoriel qui va donc tout nous apprendre. Et c’est là qu’on sent que le jeu va être agréable à jouer. Ici pas de texte, on vous laisse découvrir les contrôles, et c’est parti. Tout d’abord on se sert du saut et du coup de pelle, puis le jeu nous présente l’obligation de creuser de la terre meuble, ce qui est impossible avec ces deux actions. On découvre ainsi le saut en piqué, avec pelle vers le bas à la « duck tales », qui permet ainsi de détruire la terre meuble et d’avancer. Et tout le niveau, sans rien nous dire, va nous mettre en face de situations simples, où le moyen de passer est évident, et qui nous apprennent ainsi toutes les subtilités à connaître pour faire face aux niveaux suivants. Pour l’exemple une falaise trop haute ne pourra être passée qu’en faisant un saut avec pelle pour rebondir sur une bulle. Plus tard on rencontrera un fossé trop large, avec une bulle au milieu. La solution est évidente n’est-ce pas ? La maîtrise du gameplay se fait de façon progressive, avec un apprentissage par l’exemple qui nous fait tout découvrir par nous-même, tout en nous guidant de façon subtile. Une fois ce premier niveau fini on atterrit sur la carte du monde, prêt à combattre du vilain.

En règle générale le level design est une pure merveille dans ce jeu. Chaque niveau a ses propres situations : le cimetière possède des zones obscures avec quelques contours visibles de façon très superficielle, et où les éclairs sont la seule source de lumière (temporaire) ; le vaisseau volant a des zones soumises au vent ; ou encore le volcan avec beaucoup de laves et des plate-formes destructibles. Ce qui domine tout au long de ce jeu, c’est la diversité des situations. Elles ne se répètent qu’une ou deux fois, et se renouvellent assez bien quand ça arrive. Même à la fin du jeu, avec des niveaux plus longs, on n’a jamais l’occasion de s’ennuyer. Il n’y a aucune surexploitation, et il y a une grande richesse d’idées. On est toujours à l'affût de la nouvelle idée des développeurs. Aucun tableau ne ressemble à un autre.

A chaque nouvelle situation en plus le level design n’est jamais cryptique. En quelques secondes on comprend ce qu’on doit faire. Sans être vicieux ou injuste, le jeu est dur et même si un joueur un minimum acharné le finira en 8 heures, il sentira une résistance à chaque instant. Car la difficulté monte de façon régulière. Aucun pic, aucune situation frustrante qui nous fait rager pendant une heure et nous fait détester le niveau en entier, mais des morts qui se succèdent pour un saut mal placé, un timing mal géré, bref : une succession de petits obstacles qu’on passe l’un après l’autre grâce à notre maîtrise grandissante du jeu. Les ennemis, simples à battre au début, se défendent bien à la fin, et même si leur placement est pensé pour vous causer du souci, à aucun moment je n’ai eu l’impression qu’une situation ne pouvait être passée qu’en prenant des dégâts.

Heureusement il est possible d’améliorer le Shovel Knight. Chaque niveau est rempli de trésors, les plus précieux étant bien entendu cachés dans le décor, ou nécessitant un détour sur une section annexe, et donc bien entendu d’une difficulté plus relevée que la moyenne. Tout cet argent, vous irez le dépenser au village pour acheter une réserve de vie ou de magie plus grande, des reliques bien utiles qui coûtent de la magie à l’utilisation, pour acheter une armure avec un pouvoir spécifique ou pour améliorer votre pelle. L’argent vous servira aussi à débloquer un donjon et un boss optionnels. D’ailleurs la carte permet de voir apparaitre des niveaux bonus, nécessitant pas mal de maîtrise (surtout ceux basés sur l’utilisation d’une relique particulière), mais avec un bonus d’argent assez conséquent à la clé. Vous verrez aussi apparaître des rôdeurs : des boss optionnels supplémentaires qui se déplacent sur la carte. Ils ont leurs propres patterns et présentent un challenge appréciable.

Un gameplay simple servi par un level design également simple, mais diablement efficace c’est bien. Sauf que les gars de Yacht Club Games ont eu la très bonne idée d’intégrer des éléments modernes. J’ai déjà dit que le jeu était dur, et je le répète ici. Sauf qu’à l’époque on avait trois vies, et ensuite il fallait tout recommencer, ou entrer un mot de passe pour les jeux les plus tolérants. Ici, plutôt que de prolonger la durée de vie par cette feature frustrante, Shovel Knight se sépare complètement du concept de vies et de continue. Ici chaque niveau possède plusieurs checkpoints à activer, auxquels vous recommencerez autant de fois que nécessaire. Chaque section de niveau doit être passée dans son intégralité, ce qui nécessite malgré tout d’être attentif. On garde donc un certain challenge, mais on évite aussi de refaire 5 à 10 minutes de trajet à chaque tentative. Et pour les plus hardcores il est possible de casser les checkpoints, avec récompense à la clé. Histoire que la mort soit quand même punie, on perd une partie de son argent à chaque mort, argent qu’il faudra ensuite aller rechercher au lieu fatal, et qui disparaît si on meurt une seconde fois. Je ne vous ferai pas l’insulte de souligner d’où vient l’idée, mais il faut savoir que plus vous avez d’argent sur vous, plus vous en perdez, ce qui peut ajouter une certaine tension sur les passages délicats. La recette fonctionne bien. On ne perd pas de temps inutilement, mais la peur de perdre reste bien présente. On reste dans la logique du jeu : accessible, mais sans pour autant faire de concession sur la difficulté (la bonne, celle qui motive).

En lisant ces lignes, vous avez forcément pensé à des jeux qui ont certainement servis d’influence. On pourrait citer Megaman, Castlevania, Mario, Zelda, Duck Tales. Mais si je me suis bien garder de le signaler à chaque fois (à une exception près), c’est car quand on joue à Shovel Knight, on n’a pas l’impression de jouer à un jeu à la megaman, à un jeu à la castlevania. Très vite on n’y fait plus attention, car en vrai on joue à Shovel Knight. POINT. Ce jeu cumule les inspirations de toutes sortes, mais il les assimile et nous ressort un ensemble très cohérent, agréable en tout point, et avec sa propre personnalité. Sa direction artistique est très agréable à l’½il, pour peu qu’on ne soit pas réfractaire aux pixels, son level design est unique, sa bande son est magistrale. Si le jeu était sorti il y a 20 ans, ce serait un jeu culte aujourd’hui. Sauf que Shovel Knight est sorti aujourd’hui, et réussi tout ce qu’il entreprend. En attendant de devenir un jeu culte, une chose est sûre, c’est un immanquable, créé par un studio compétent, qui a tout compris aux codes et aux jeux auxquels il rend hommage, et j’ai vraiment hâte de voir ce qu’ils feront par la suite.

Ah et cerise sur le gâteau, histoire d’être vraiment irréprochable, Shovel Knight est traduit en français, même si malheureusement ça ne se voit pas sur les images que j’ai trouvé sur le net, ni sur le trailer.

Et même si le jeu est court et intense, et se finit en 8 heures, il est possible de relever des défis pour gagner des médailles, comme finir un niveau sans mourir, finir un niveau sans prendre de dégâts, finir le jeu en 1H30, ou encore rebondir sur un cerceau pendant plus de 5 secondes. Bref il y a de la rejouabilité pour ceux qui aiment les défis corsés.

Vous aimerez si :

-          Vous aimez le style rétro

-          Vous aimez un excellent level design

-          Vous aimez la bonne musique 8-bits

-          Vous voulez que le jeu vous résiste sans vous frustrer

-          L’idée d’avoir le meilleur de toute une génération dans un jeu vous plaît

-      Vous cherchez un jeu indépendant qui fait preuve de plus d’ambition et de maîtrise que la plupart des jeux à gros budget de sa catégorie

Vous n’aimerez pas si :

-          Vous aimez un scénario travaillé (en même temps dans ce cas vous faites quoi avec des jeux vidéos ?)

-          Euuuuuuuhh

-          Non mais je vais trouver

-          Sisi je vous jure, en cherchant bien je trouverai un défaut

-          Ho et puis flute : Ce test est en cours d’écriture….

Shovel Knight coûte une somme parfaitement justifiée et plus qu’honnête sur l’e-shop (15 euros), et vu sa taille, vous trouverez toujours le moyen de lui faire une place sur votre console.

Luciole