Avant propos: testé sur 360, difficulté Normale. Jeu terminé à 100% (aventure complétée, avec tous les collectibles), en une grosse douzaine d'heure, plus deux-trois heures passé sur le mode multijoueur.

Pour être honnête, ce Tomb Raider avait l'air sympathique, mais ne m'attirait pas plus que ça jusqu'à ce que je vois les critiques dithyrambiques ici et là. J'ai donc tenté l'aventure, priant pour retrouver l'exotisme des anciens épisodes sans en retrouver d'autres (l'Ange des Ténèbres, si tu nous écoutes). Et comme dit un peu partout, Tomb Raider s'est transformé en Uncharted, et ce n'est pas forcément un mal. Lara Croft est donc toute jeunette, et se retrouve dans une expédition pour trouver une île qui abriterait une légende japonaise, celle de la reine-soleil Himiko. Afin de prouver son existence, Lara décide de conduire le bateau dans le Triangle du Dragon, un petit coin de paradis où les tempêtes sont légion et où les bateaux font naufrage. Evidemment, ça ne loupe pas, le bateau s'échoue violemment sur l'île et Lara se retrouve piégé par une bande de brutes sanguinaires qui font la loi sur l'île, guidé par un dangereux illuminé.

Cet épisode est donc le reboot, le "Batman Begins" de Tomb Raider, celui qui est censé voir la création de l'aventurière. Afin de moderniser la série qui en avait besoin, Crystal Dynamics a complètement repensé son gameplay et sa structure de jeu. L'exploration plate-forme a maintenant disparu. Enfin, il reste de la plate-forme, mais c'est à la "Uncharted", donc des sauts pas difficiles à réaliser et beaucoup de grimpettes sur des rebords en apparence dangereux mais qui ne présente aucunes difficultés. Déroulant toute la continuité du titre en huis clos sur l'île, le studio a préféré misé sur une ambiance particulière, sur un déroulé fluide et sans temps morts, sans inventaire et sans rien pour interrompre l'aventure. Du coup, le jeu se repose sur un mélange entre gunfights explosifs, un peu de plate-forme grimpette et de scripts afin de dynamiter la mise en scène et de placer quelques QTE habituels de cette génération. Un mélange qui n'a plus grand chose à voir avec Tomb Raider, mais qui rappelle beaucoup Uncharted.

J'ai beau cité plusieurs fois la saga de Naughty Dog à titre de comparaison, il faudrait être d'une sacré mauvaise foi pour ne pas reconnaître les concordances. Le truc en plus, c'est que malgré tout, Crystal Dynamics a tenté de trouver sa voie, d'imposer sa patte, ce qu'elle arrive à faire à moitié. Là où Drake possédait une gestuelle souple, presque légère, on a presque l'impression que Lara est plus lourde dans sa jouabilité, mais du coup, fonctionne peut-être mieux dans ses sauts (qu'elle peut orienter comme elle veut dans les airs, j'aimerais savoir comment elle fait), dans son assise, dans sa souplesse. Les sensations sont excellentes, et mélanger la grimpette avec les gunfights se révèlent tout aussi jouissif qu'Uncharted. A aucun moment dans le jeu je n'ai relevé de problème de jouabilité, de caméra, de contrôle qui me paraissait trop abrupte, pas assez fini. Le jeu est soigné, c'est indéniable.

Et ça se ressent aussi dans la réalisation graphique. Huis clos oblige, les décors ne sont pas aussi exotiques qu'ailleurs, mais réussi néamoins à placer une atmosphère, à coups d'effet atmosphériques bienvenues, et d'une réalisation globale plus que correcte, tandis que certains passages se rattrapent par la multitude de détails qui enrichissent le décor que par la technique pure, parfois un peu légère, notamment sur les ennemis et autres personnages secondaires. Les décors manquent parfois un peu trop de folie, surtout quand on pense au fait que l'île est censé abrité une civilisation éteinte. Le jeu manque d'ambition dans la construction de cette civilisation, et se révèle très épars, et trop mélangé entre bunkers japonais classiques et deux-trois temples japonais sympathiques. Le jeu avait l'air de vanter en plus une structure à la Metroid, où le joueur doit revenir sur ses pas pour débloquer des passages, mais ce n'est qu'une illusion, le jeu suit un chemin bien précis et il sera impossible de faire le chemin en sens inverse. Le jeu jongle entre niveaux linéaires et décors plus ouverts qui ne servent qu'à planquer des objets à récupérer. Un peu dommage.

C'est d'ailleurs un gros reproche que je ferais au jeu dans sa construction par rapport à la série originale. Là où même dans Underworld on arrivait dans des temples majestueux, on descendait au fond des océans pour découvrir un chemin ornés de gigantesques statues, cet épisode est plus timorée dans le sens où on reste un peu sur notre faim dans le domaine des tombes, justement, qui vaut au jeu son titre. On retiendra les tombeaux optionnels, mais au nombre de huit et contenant une petite énigme sympathique mais pas très compliquée et beaucoup trop courts, le jeu manque cruellement de civilisations anciennes, d'explorer le Japon ancien autrement que par des maisons typiques. Le jeu reste centré sur la survie de Lara et son affrontement contre les ennemis, mais en dehors de deux-trois décors majestueux, je regrette un peu l'abandon de la recherche d'un trésor enfoui dans un temple ancien, gardé par une civilisation qui avait un minimum de goût pour la déco. Là où Uncharted se servait de son histoire pour raconter en filigrane les petits moments d'histoire que je dégustais lors des cinématiques ou de l'exploration d'un tombeau perdu, Tomb Raider passe un peu à côté d'un gros potentiel en ce qui concerne cette île japonaise perdue.

Et même sur le plan du "Begins" de la série, Crystal Dynamics n'a pas totalement réussi son pari. Avec sa punchline "A survivor is born", le studio nous promet une Lara hésitante, fatiguée, déterminée, qui va se trouver une paire de couilles et qui deviendra à la fin du jeu l'aventurière que tout le monde connaît. C'était une des promesses qui me plaisait le plus. Au final, mis à part les vingt premières minutes où grâce à quelques (trop?) QTE on voit une Lara Croft en baver, lorsqu'elle récupère son arc, tout est fini. Sa transformation ne s'effectuera plus que par quelques cinématiques, et encore de façon bien légère, mais déja, la jeune femme est une machine à tuer qui n'hésite plus. Pourquoi ne pas jouer avec le gameplay sur cette tendance? Pourquoi ne pas pousser plus loin son hésitation à tuer le premier ennemi venu? Au lieu de ça, le jeu la joue didactique en mettant le jeu en pause jusqu'à ce que vous tiriez sur l'ennemi pour vous montrer comment utiliser l'arc. Aucune hésitation. Le jeu aurait pu placer quelques dialogues à Lara, faire bouger le viseur pour montrer qu'elle tremble, jouer avec ça au lieu de verser directement dans le spectaculaire.

Lara Croft est une icône, elle représente quelque chose dans ce média. Il ne suffit pas de la faire respirer bruyemment et de la faire crier, ou d'avoir deux-trois scènes où elle regardent vaguement dans le vide pour faire croire qu'elle regrette ses actes. Le jeu est dès le départ au premier degré (il suffit de voir les morts atroces de Lara pour s'en convaincre), et les développeurs doivent donc délivrer quelque chose de sérieux, de concret et de subtil pour montrer que Lara se transforme. Il y avait matière à proposer quelque chose d'intéressant. Là où Uncharted revendique son côté "pulp", comics, débridé et second degré (ce qui fait que ça marche extrêmement bien), ce Tomb Raider ne lésine pas sur le malsain, la violence, mais elle n'est jamais réellement justifiée. Ok pour un pelotage sur un méchant, mais qu'est-ce que ça impliquera de nouveau sur Lara à part tuer son agresseur comme tous les autres? Et ce n'est pas ses copains du bateau qui vont l'aider, grâce à des stéréotypes un peu trop grossiers et des sacrifices qui ne m'auront extrait qu'un vague baillement sur certains.

Attention, le jeu en soi est très bon. Tout le gameplay est soigné, impeccable, au petit oignon, avec un rythme plutôt bien tenu. J'ai même eu du mal à lâcher la manette pour arrêter de jouer. Mais en prenant du recul, on se rend compte que le studio a voulu singer Uncharted pour sa mise en scène, ses gunfights et son spectaculaire pour un propos qui ne s'y prête pas toujours. Uncharted, c'est du divertissement, du cinéma, de l'aventure Indiana Jones. Tomb Raider, c'est The Descent (le plan où elle sort de la mare de sang n'est pas là par hasard). Et The Descent n'est pas forcément dans le même alliage qu'Uncharted. Résultat: la fameuse transformation de Lara Croft n'aura pas lieu, et la fin du jeu qui se doit d'être quasi symbolique (ce qu'ils ont tenté de faire, mais vainement), tombe un peu à plat parce que le premier degré du jeu est sacrifié sur l'autel du divertissement. Un magnifique divertissement, par contre. Et c'est dommage parce qu'on sent qu'ils avaient la volonté. J'en veux pour preuve cette petite saynète au cours du jeu où Lara revient dans son ancienne cabine sur le bateau et se regarde dans le miroir, le même miroir dans lequel elle se regardait dans la cinématique d'introduction. Un écho afin de montrer le passage du temps et son évolution. Mais qui sonne creux. 

Un mot en passant sur le multijoueur pour finir, très sympathique. Un multi pas franchement originaux dans leur concepts (deathmatch et capture), mais assez rafraîchissant dans l'ensemble, grâce à des déplacement plus rapides que dans le solo et un système de pièges vicelard plutôt bien fichus et très fun. Un bon multi pour un très bon solo, si on est pas regardant sur une histoire un peu creuse et qui loupe ce sur quoi elle vantait les mérites. Le reboot est réussi, mais pas le Begins.