Léger spoil sur la trame générale

Telltale revient franchement de loin. Après trois saisons de Sam and Max très sympathique, un Monkey Island pas mal, un Retour vers le Futur en dents de scie et un Jurassic Park vraiment catastrophique, Telltale continue ses séries épisodiques de jeux en adaptant le comic Walking Dead. Sans reprendre totalement le pitch de la BD originale, le jeu nous met dans la peau de Lee Everett, en route pour la prison et qui se retrouve dans un monde ravagé par des zombies qui ont réduit l'humanité à néant, ou presque. Il va faire la rencontre d'un groupe mais surtout d'une petite fille, Clementine, avec qui il va s'attacher et s'occuper pour réussir à retrouver les parents de celle-ci.

Le jeu est comme une plongée parallèle aux évènements du comic. On y retrouvera Glenn ou Hershel au début de l'aventure et accessoiremment Lilly qu'on verra vite fait dans le comic, mais le studio a eu l'excellente idée de ne pas se reposer sur le matériau d'origine pour contenter les fans et s'est forcé à proposer une écriture originale pour amener ses propres thèmes, forcément très proches de la BD mais sans forcément s'arrêter dessus. Au travers de cinq épisodes, Telltale va nous conduire au fin fond de l'âme humaine comme le fait si bien le comic, et a tout de suite pigé que l'intérêt de ce monde de zombies ce n'est pas les zombies eux-même mais bien ce que deviendront les humains restants face à ce que l'humain a de plus cruel lorsqu'il s'agit de survivre dans un environnement aussi hostile.

L'épisode 1 - A New Day - pose les bases de cette série. L'histoire montre la rencontre de Lee avec un nouveau groupe, composé de Kenny et sa petite famille, Lilly et son père, Glenn et quelques autres. C'est l'occasion de découvrir les rouages du jeu: le jeu laisse très peu de contrôles au joueur, seulement dans certaines phases qui font penser à du point and click où on doit chercher dans le décor des éléments pour avancer. En plus de ça, on compte des éléments durant les cut-scenes à réaliser le plus vite possible (QTE ou actions précises) mais surtout des choix dans les dialogues qui vont impacter énormément sur le reste de l'histoire. Que ce soit soutenir tel ou tel personnage, choisir qui sauver ou encore mentir à propos de certaines informations, le jeu ne laisse rien en suspens et beaucoup de choix seront répercutés par la suite. Ne vous attendez pas à voir la situation radicalement changer, le jeu revient souvent sur les rails mais à la manière d'un Mass Effect, le joueur pourra se faire sa propre histoire car les évènements au cours du jeu, eux, seront assez différents. 

Le jeu mise énormément sur les relations entre les personnages, et il vous le soulignera à plusieurs reprises, lorsqu'on verra une petite phrase pour vous dire que ce personnage se souviendra de ces paroles et n'hésitera pas à vous le rappeler au moment propice. Au lieu de créer plusieurs fins ou des arcs complètement différents, Telltale a choisi de modeler le caractère des personnages et le ressenti qu'ils ont de vous par rapport aux choix que vous faites. Les prises de positions sont importantes, et les liens avec vos amis ou vos ennemis seront le fruit de vos choix la plupart du temps. Une manière habile et maligne de garder une histoire modulable sans changer sa colonne vertébrale.

L'épisode 2 - Starved for Help - monte d'un cran. Si l'épisode 1 avait attisé la curiosité des joueurs sans forcément les convaincre, à cause d'animations un peu trop robotiques notamment, l'épisode 2 met une grosse baffe dans la gueule. Reprenant un des concepts du comic en le développant jusqu'au bout, et en bénéficiant d'une écriture absolument exemplaire, cet épisode 2 est un parfait exemple d'une narration excellente qui allie histoire interactive, ambiance excellente et montée en puissance avec une histoire parfaitement maîtrisée, mettant en scène la mystérieuse famille des St. John. 

Tout en poursuivant la relation entre les personnages, le jeu vous confronte à des choix de plus en plus vicieux et horribles, où il n'y aura jamais de meilleure solution, juste une qui vous paraîtra moins difficile pour vous et pour le personnage que vous êtes en train de modeler. Les alliés deviennent des frères et les ennemis vont vous haïr. Rarement dans une histoire d'un jeu les relations entre les personnages vous toucheront à ce point, sans jamais en laisser un seul en retrait. La possibilité de leur parler durant les quelques phases libre vous permettent d'en apprendre plus, de les réconforter ou de les menacer. Lee Everett commence lentement à changer, et Clementine devient de plus en plus le seul petit rayon de soleil qui vous donne un semblant d'espoir.

L'épisode 3 - Long Road Ahead - confronte le groupe à la volonté de trouver un échappatoire à ce monde déchaîné. Là où l'épisode 2 mettait les personnages dans des camps précis et les confrontait à une folie inhumaine, l'épisode 3 met en avant les tensions douloureuses entre les personnages. Kenny est au centre de cet épisode, et l'amitié ou non que Lee aura envers lui sera déterminante. Tous les personnages trouveront leur place, et à chaque fois, ce sera à vous de réagir et de choisir comment on percevra leurs actes par la suite. L'épisode n'oublie pas non plus de continuer la relation entre Clem et Lee avec plusieurs scènes assez touchantes.

L'épisode 4 - Around Every Corner - laisse la place à plus d'action, avec l'arrivée dans la ville de Savannah et leur recherche d'un moyen de quitter cet endroit. Le groupe se retrouvera avec de nouveaux personnages, bien décidés à survivre coûte que coûte. Ici encore, on continuera à découvrir comment le monde a survécu et comment d'autres personnes réagissent face à la catastrophe. Plus encore, le jeu continue à développer les liens entre les personnages, et vous confronte à des choix particulièrement cruels qui seront la conséquence de l'empathie que vous aurez face à certains personnages.

L'épisode 5 - No Time Left - est une baffe dans la gueule. Ou même une centaine. Beaucoup moins de gameplay, le jeu prend le temps de raconter son histoire, de terminer le destin de plusieurs personnages. Toute la narration prend ici son sens, et le lien qui unit Clementine et Lee est ici portée à son paroxysme grâce à une dernière demi-heure absolument déchirante et époustouflante. On se rend compte de ce travail d'écriture et on se dit que oui, le jeu ne possède aucun challenge, il n'est pas là pour qu'on soit trop perdu, il est là pour amener le joueur à la place de Rick dans le comic, face à des choix qui auront un impact certain sur le groupe, sur les personnages, et sur Clementine. Voulez-vous protéger son innocence ou la confronter directement à la réalité de ce qu'est devenu ce monde? Voulez-vous lui donner un espoir que vous savez vain ou ne rien lui cacher?

On sent que durant ces cinqs épisodes, vous avez servi de mentor à Clementine, de professeur, de père. Vous vous êtes attaché à elle, et Telltale a tellement bien fait son boulot que la fin de cet épisode est une merveille d'émotion et de justesse d'écriture. Pendant que le générique défile, on reste ébahi, se demandant ce qu'il est vraiment passé. Ce pincement au coeur a du mal à partir, parce que durant une bonne dizaine d'heures, on a suivi ce petit groupe grandir ou réduire, on s'est attaché à des personnages, on a tout tenté pour les aider à survivre comme on pouvait, on a fait des choix qu'on a regretté par la suite. Certes, les choix proposés sont au final illusoires car la fin sera la même mais elle est tellement déchirante qu'elle était obligatoire et que ces choix effectués ne seront là que pour appuyer tout le cheminement que vous avez fait pour en arriver là. 

Le petit épilogue et les dire de Telltale confirme qu'une seconde saison est en préparation, et bien que j'en sois ravi, j'ai peur qu'ils ne réussissent pas aussi bien que cette première fournée. Certes, il y a des petits coups de mous, et ceux qui s'attendaient à un vrai jeu risque d'être déçu (mais bon, c'est comme ça depuis l'épisode 1, il n'y a plus vraiment de surprises). Mais ça serait dommage de passer à côté de cette perle. Je ne sais pas si je peux parler d'un jeu, mais c'est plus une sorte d'histoire interactive, comme un Heavy Rain mais en mieux amené et en plus condensé, sans frioritures. Je regrette juste que les animations soient parfois faiblardes et qu'il n'y ait pas de sous-titres français (pour un studio qui a de la bouteille, c'est vraiment dommage), mais la version boîte règlera peut-être ce problème. J'adore les petits plus comme les statistiques mondiaux qui montrent les choix cruciaux de l'épisode et qui dévoile que la plupart des gens ont fait ce choix et nous non. Et le style graphique lui confère une patte bien particulière qui lui va vraiment bien.

The Walking Dead The Game est une énorme surprise. J'avais très peur vu le passif du studio, mais ils ont réussi à tout miser sur ce qu'ils savaient faire: raconter une histoire. Et quelle histoire. Une histoire humaine, touchante, parfois drôle, souvent horrible, qui nous mettent face à des choix abominables et qui respectent à la lettre ce que le comic a mis en place tout en apportant sa touche en plus. Un des meilleurs titres de cette année, sans hésiter.