Mardi dernier, à l'occasion de la sortie de Rebelle, France Inter proposait une émission (qui aurait pu être) intéressante autour d'un thème: Walt Disney est-il un grand artiste? Autour de la table, des journalistes censés connaître leur sujet, accompagné de Pierre Lambert, spécialiste reconnu dans le cinéma d'animation qui a déja écrit de chouettes livres, notamment ceux aux éditions de La Martinière consacrés à Blanche Neige et le Livre de la Jungle. 

Sauf qu'une fois n'est pas coutume, comme c'est le cas en ce moment avec les jeux vidéos ou autres, les intervenants racontent n'importe quoi, quittent à salir un minimum l'image de Disney (qui n'a pas non plus toujours été glorieuse, mais pas à ce point) ou en se plantant constamment sur les infos dévoilées. Le site Chronique Disney reprend les points mis en avant à travers un billet d'humeur, et je n'en retiendrais que certains.


D'abord, retour sur le personnage de Walt Disney durant la première partie de l'émission
, en revenant non pas sur sa capacité créative mais plutôt sur ses possibles penchants antisémites et raciales. Comme le précise Chronique Disney, Walt Disney a participé à la campagne anti-nazie en prêtant le personnage de Donald à cet effet, et les rumeurs de l'époque étaient basées sur le fait qu'il faisait partie d'une religion que l'on pensait (mais jamais prouvée) comme étant anti-juive, et qu'il avait eu un rendez-vous privée avec Mussolinni, avant que la Second Guerre démarre. Enfin, on ne peut pas vraiment dire qu'il n'était pas raciste à l'époque, mais dans les années 50, il faut se rendre compte que malheureusement, la majorité des américains blancs l'étaient un minimum, parce que c'était l'état d'esprit de l'époque (qui a quand même bien changé, bien heureusement, même si...).

"Lorsque Walt Disney crée Mickey, c'est une commande. On lui dit, crée-moi un Félix le chat."

"Un mot sur l'homme quand même, parfois controversé, accusé d'antisémitisme, de racisme..."

Loin de moi l'idée de dire que Disney était un saint, c'était un créateur mais aussi un patron, il a sûrement eu des moments de doutes, et des passages où ses employés ne le portaient pas dans son coeur, mais balancer des infos comme ça pour présenter le personnage n'est là que pour faire parler et réagir, sans jamais montrer ce qu'il a apporté au film d'animation et au cinéma en général.

Ensuite, les journalistes enchaînent les infos erronnées sur Disney et sa carrière, en tentant des anecdotes de spécialistes, comme le fait que son frère ait lancé le merchandising de Disney alors que ce n'est pas le cas, qu'un tel personnage ait été animée par un animateur, ou encore que Mickey était une commande auprès de Disney alors que c'est bien une création personnelle après avoir perdu les droits sur Oswald. Bref, un ramassis d'inexactitudes qui aurait pu passer si les personnes ne s'étaient pas fatigués à tenter de pondre des anecdotes comme des spécialistes alors qu'elles sont incorrectes. Ajoutez à ça que Pierre Lambert a des avis très tranchés, surtout sur plusieurs périodes de Disney, comme la période de creux à l'époque de Merlin ou des 101 Dalmatiens où le style était plus tranché mais vraiment pas mauvais, alors que le spécialiste les crucifie immédiatement, ou juge la période de Mulan ou du Bossu comme la second panne artistique de Disney.

"Déja, au moment de Merlin l'Enchanteur, des 101 Dalmatiens, on ne peut pas dire que le travail artistique soit très élevé."

"A la fin des années 90, Disney a connu, on peut dire, une deuxième "panne" artistique, et commerciale, peut-être aussi..."

Bref, on sent que le bonhomme juge le travail du studio uniquement sur quelques films, notamment les premiers où Walt était encore vivant, et que le reste n'est pas digne d'intérêt d'après lui. Je vous laisse regarder l'article ci-dessus pour voir les argumentaires des journalistes qui ne sont pas vraiment très recherchés.

Enfin, on termine sur les films de maintenant, notamment Raiponce et Rebelle. Comme d'habitude, les journalistes ont l'air de penser que Raiponce est toujours un film de Pixar parce qu'il est en 3D (merci, les journalistes de cinéma professionelles). D'autres pensent que Raiponce n'est pas dans le moule Disney, parce que Raiponce est une princesse "mal élevée" (?), et certains confondent Chasseurs de Dragons (film français d'animation), avec le Dragons de Dreamworks. Mais le clou du spectacle, c'est cette citation:

"Le seul truc vraiment intéressant, Merida est peut-être la première héroïne lesbienne de chez Disney, parce qu'il n'y a aucun amoureux dans l'histoire."

Résumons: lorsqu'un Disney ne met pas en avant une histoire d'amour entre un garçon et une fille, c'est forcément que la fille est lesbienne? Si des filles me lisent, attention à vous, apparemment, être une princesse un peu rebelle qui ne pense pas au mariage fait de vous une lesbienne... Et je termine les citations avec celle de la journaliste de Marie-France, qui résume le film de son point de vue:

"Rebelle, c'est l'histoire d'une fille qui trouve qu'être princesse ça craint du boudin, qui veut pas du tout faire ce pour quoi on l'a dressée et qui décide que non elle va pas se marier, parce que ce qu'elle veut c'est courir dans la nature avec son arc et ses flèches."

Voilà. Un argumentaire réfléchi, posé, construit, qui montre que certains considèrent les films d'animation comme des sous-produits du cinéma si ce n'est pas fait pas un réalisateur reconnu. Une bien belle preuve du journalisme français.

Une émission quand même bas du front, sur France Inter, qui se targue de réunir une tripotée de spécialistes et qui tentent d'apporter des infos croustillantes sur la vie de Walt Disney et ses déviances, avec évidemment une recherche d'informations totalement erronée. Ça donne une émission où la personne qui s'intéresse un minimum au cinéma d'animation tombe des nues en écoutant un débat organisé avec des journalistes qui ne savent même pas de quoi ils parlent. Et le sujet principal, Walt Disney est-il un artiste? Ah oui, les intervenants semblent s'en souvenir cinq minutes avant la fin et tentent de répondre à la question vite fait... 

Bref, encore une preuve que même lorsque le journalisme français tente de s'éloigner d'un généralisme qui pourrait lui faire défaut, le pseudo-spécialiste ne prête guère attention au sujet en abreuvant l'émission d'infos totalement erronées et d'argumentaires digne d'un enfant de dix ans ou de personnes blasés qui n'ont jamais eu l'air d'avoir été fan de Disney alors qu'elles se le revendiquent... Merci France Inter.