Récemment, je me suis remis sur GTA IV, pour une énième fois. Et comme à chaque fois, je suis toujours sur le cul devant ce jeu, ce travail de fourmi qui a permis à Rockstar de créer la ville la plus vivante qui m'ait été donné de voir. Même les autres jeux du genre n'arrivent pas à ce niveau de détails et de petite touche qui font de GTA IV un jeu si particulier. Au-delà de l'aspect sulfureux qu'il a traîné sur les précédents épisodes, GTA IV a marqué un tournant en tentant quelque chose de plus sérieux et en faisant moins parler de lui pour ses délires violents. Je ne sais pas si c'est juste devenu une habitude pour la saga et ce quatrième épisode a perdu beaucoup ses fans qui espéraient retrouver le côté délirant et grandiloquent de San Andreas. Mais si je ne devais retenir qu'un seul jeu sur cette génération de consoles, ce serait GTA IV. Ambitieux, véritable condensé du gameplay et de la réalisation de ces dernières années, GTA IV vit aussi pour Liberty City, impressionnant vivier de PNJ qui s'occupe à leurs petites affaires, sans forcer la chose (ça reste limité) mais avec un background incroyablement riche et bien plus fourni qu'on pourrait le penser.

Liberty City est une version-hommage à New York City, et représente le rêve américain. Le Parrain, Scarface et autres montrent la ville et sa statue de la Liberté comme un symbole d'une nouvelle vie, avant d'être irrémédiablement déçu. GTA IV commence de la même façon, mais Niko, qu'on croit d'abord appâté par l'argent et la belle vie, se découvre un passé plus trouble où la vengeance le guette. Dès notre arrivée sur les docks avec Roman, son cousin, on est frappé par une chose: le luxe de détails de Liberty City. De nuit, les lumières des lampadaires livrent une ville avec une âme, une envie, celle d'éblouir le simple passant, et grouille de personnages dans tous les sens. Les dockers affairés à leurs affaires, ou les prositutées qui font le trottoir et embarquent de temps en temps dans la voiture d'un riche homme d'affaire venu y trouver du plaisir. Liberty City est constamment en mouvement, et dès les premières minutes, on a cette agréable sensation que la ville ne tourne pas autour de vous, qu'elle est indépendante et vit sans se soucier de votre personnage.

Evidemment, beaucoup d'astuces permettent de faire illusion. Le fait que Liberty City soit finalement qu'une île en pleine mer permet de ne pas se poser de questions sur des éventuelles barrière invisibles. Là où un Red Dead confine le personnage en lui ôtant sa capacité à nager, GTA IV enferme le joueur dans un microcosme où il est libre d'aller absolument partout (sauf les intérieurs) et de nager où bon lui semble. C'est cette liberté qui rend le jeu si accrocheur. Puis il y a la fameuse progression bien connu des GTA avec des îles à visiter. On peut très bien y accéder quand on veut, mais les éléments se débloquent au fur et à mesure, et on n'aura pas forcément l'envie de visiter les autres îles quand rien ne nous attire là-bas, mis à part des décors supplémentaires. Le joueur découvre donc au fur et à mesure l'étendue de l'aire de jeu, qui est relativement grande.

Enfin, non, elle n'est pas si grande que ça. Quand on compare à d'autres jeux, certains sont au-dessus, comme un Just Cause 2, mais là, c'est peut-être une comparaison pas très intéressante. Par contre, là où GTA IV fait fort, c'est dans son détail. Il suffit de prendre l'hélicoptère et de voler au-dessus de la ville pour constater que à l'échelle humaine, la ville est immense et que chaque quartier, chaque bâtiment, chaque petite ruelle, est unique. On sent que les développeurs ont pris du plaisir à créer un espace rempli de petits endroits travaillés au maximum, qu'on arrivera à reconnaître au fur et à mesure car on saura que la moindre pancarte publicitaire sur un mur ou un bâtiment avec une architecture particulière sera unique. Chaque île a sa particularité: Broker pour le côté quartier modeste et docks, Algonquin pour les hauts buildings et les hôtels de luxe, et Alderney pour la partie industrielle. En roulant un peu, on devine rapidement sur quelle île on se trouve. Et il suffit de passer du ciel à une petite ruelle pour se rendre compte du boulot de malade de Rockstar: chaque endroit possède sa patte, son importance et son style unique. Il suffit d'aller dans chaque station de métro pour se rendre compte que chacune d'entre elles possède un truc en plus, quelque chose qui la rend unique. Les intérieurs ne sont pas en reste, mais c'est le seul point qui condamne un minimum le jeu et qui le limite aux performances de la machine, avec beaucoup de bâtiments désespéremment fermés. Qu'à cela ne tienne, les gros bâtiments accessibles comme les clubs de strip-tease ou les bars possèdent une vraie atmosphère qui continue à subjuguer.

Mais Liberty City ne serait pas ce qu'elle est sans ses habitants. On n'à qu'à se promener dans la rue pour constater le grand nombre de personnages différents, occupés à leurs affaires: les balayeurs du Chuckin Bell qui nettoient à l'extérieur, le mendiant qui quémande et dont vous pouvez contribuer financièrement, le gars affairé à son coffre de voiture qui reste désespéremment accroché lorsque vous la lui piquez ou encore le policier un peu enrobé occupé à courser un voleur à la petite semaine. Il suffit aussi d'aller au "Central Park" de Liberty City pour trouver des séances de gym le matin, ou des joggeurs qui courent le long du lac. Ils ont tous leurs propre démarche, et même dans le métro on constate cette multiplicité des caractères, même si on a pas forcément d'interaction directe avec eux. Rien que le fait que de braquer une petite vieille qui se laisse faire sans discuter ou un gros baraque qui commence à sortir son flingue témoigne de la volonté de Rockstar de multiplier des personnalités différentes suivant les gens, et qui représentent une véritable âme sur Liberty City. La possibilité de rencontrer des personnages aléatoires et de leur rendre service avec Niko Bellic est une excellente idée et renforce cette notion que en dehors des personnages de l'histoire, il existe d'autres personnes qui ont aussi leur souci et qui vivent leur vie.

Tout ça est renforcé par les multiples détails sans utilité comme la télévision, les émissions de radio, les spectacles de Ricky Gervais ou les numéros hilarants des cabarets. Mais ces détails renforcent cette immersion, cette vie en coulisses, l'anti Truman Show qui fait que lorsque vous ne regardez pas, les gens continuent à vivre. Une sorte d'anti-thèse du jeu vidéo en somme, où la plupart des jeux font en sorte que le joueur soit conforté dans l'idée que tous les personnages autour de lui sont conscients de son existence, une sorte de forme d'égoïsme du joueurs, un "je" à la troisième personne pour que le joueur se sente maître du jeu et qu'il y en ait que pour lui. GTA IV n'est pas dans cet optique. Les PNJ poursuivent d'autres PNJ et il n'y aura que pendant les missions, directement concerné par les héros, que le joueur ne verra pas que la ville tourne autour de lui. Mais les petits détails entre les missions renforcent ce côté urbain, moins présent dans un Red Dead par exemple, parce que le jeu se veut aussi plus rural ce qui est plus compliqué à faire. Rockstar avait donc placé les fameuses petits saynètes qui poussent le joueur à poursuivre un voleur ou aider une femme en prise avec un brigand.

Là où Rockstar a fait aussi très fort, c'est dans ces DLC. On passe sur le fait que Rockstar avait compris à l'époque (je dis à l'époque, parce que quand je vois Red Dead ou Max Payne 3, je me dis qu'ils se sont rangés comme tout le monde) le véritable intérêt de proposer des DLC. Mais au lieu de proposer une histoire indépendante qui aurait peut-être pu raconter des éléments antérieurs ou postérieurs à l'histoire, Rockstar a choisi de croiser les histoires, un peu comme Traffic. En continuant cet aspect de GTA qui veut que le joueur n'est pas seul à Liberty City, les DLC placent le joueur dans la peau d'un autre personnage, mais qui est en lien direct avec Niko Bellic. On retrouve cet aspect de "eehhh, tu n'es pas tout seul, moi aussi j'existe!". On se rend compte que le simple personnage comme Johnny qui servait juste de partenaire possède une vie, lui aussi, et que le quidam nommé Luis pris en otage dans la banque que Niko et Pakie braque est aussi important que Niko est a ses propres problèmes. On retrouve cette multiplicité des personnages qui empêchent le joueur de penser qu'à sa propre personne et de continuer à rendre la ville aussi vivante. Et le fait de croiser des personnages connus entre les histoires, ou de découvrir certains pans d'éléments scénaristiques comme la fameuse croisade aux diamants et l'enlèvement de Gracie sur les deux parties (Niko et Pakie qui l'enlèvent, Luis et Tony qui tentent de la retrouver) ne font que renforcer cet aspect. 

Voilà, ce petit billet est destiné à clamer mon amour pour GTA IV, le seul jeu bac à sable qui me donne le sentiment d'être une simple fourmi au milieu d'un véritable éco-système qui évolue tout seul, sans qu'on ait forcément des interactions à faire pour changer le background d'un jeu. Avec de multiples astuces scénaristiques et scénographiques, Rockstar a réussit à donner cette impression particulière, de rendre Liberty City vivante et complètement autonome de nos choix et de nos actions. En espérant que GTA V continue dans cette voie...