Après Populous qui illustre en 1989 le god game, tout droit sorti de l'imagination d'un Peter Molyneux prolifique, il est temps de s'attarder sur l'oeuvre d'un passionné du même acabit, j'ai nommé Will Wright. Ce n'est pas sa première expérience en tant que concepteur lorsqu'il publie avec Maxis, sa société, SimCity en 1989. Il a travaillé notamment sur Raid on Bungeling Bay (1984), un jeu d'attaque de base à partir d'un porte-avions. Qu'est-ce que ça a à voir vous demandez-vous ? Eh bien justement, le brave Wright a adoré travaillé sur l'éditeur de niveaux. On trouve notamment un lien certain chez les ennemis entre des bases, des navires ravitailleurs, des dépôts de munition et des zones de défense. Un système entier dans le jeu, qu'il s'agit pour le joueur de cibler soigneusement pour le dérègler dans la direction souhaitée. Cette question systémique, et sa lecture de l'oeuvre de Forrester sur la dynamique urbaine, qui avait fait grand bruit au début des années 80, a poussé Will Wright dans une direction encore insoupçonnée. On notera au passage que les années suivantes, notamment sur SimEarth avec l’hypothèse Gaïa (1990) ou SimAnt (1991), le bonhomme tentera là encore d’aller vers des directions « systémiques ».

 


Le but est d’attirer suffisamment d’habitants. Vous avez de la terre, des forêts et de l’eau. Détaillons rapidement les boutons à gauche de l’écran. Vous avez le bulldozer pour la destruction, la route, les poteaux électriques, le rail, les parcs, les zones résidentielles, les zones commerciales, les zones industrielles, la police, les pompiers, le stade, les centrales électriques, le port et l’aéroport. En-dessous, vous voyez l’équilibre entre les trois zones. Pour avoir des graphiques, l’état de vos finances, et des cartes sur la pollution, le coût de logement, la carte du crime, allez dans windows en haut à droite. Désactivez les désastres pour votre première partie, et augmentez la vitesse dans options.

 

Alors certes, le premier city-builder peut être Utopia (1982), ou même Hamurabi (1968) comme je le rappelle sur mon site, mais intéressons-nous davantage à cette nouveauté qu'a été malgré tout SimCity. Vous voilà plongé dans les méandres de la création d’une ville contemporaine (ne vous fiez pas aux dates). A vous de gérer l’équilibre entre trois zones : les zones résidentielles pour loger vos habitants, récolter l’impôt, en évitant que le coût du terrain soit trop cher pour attirer les pauvres (et oui), ou les riches selon le besoin ; les zones industrielles pour que vos chers habitants aillent travailler et générer du bif, qui pourra être exporté ensuite par trafic maritime ; les zones commerciales enfin pour que ça consomme sec, avec de nouveaux marchés ouverts grâce à l’aéroport. On sent directement par l’équilibre entre ces trois zones, indiqués à gauche de l’écran, et la sensation d’avoir en face de nous une fourmilière qui agit en fonction de tas de données indiquées dans des graphiques et résumés dans le panneau des budgets, sur le taux de criminalité, les embouteillages, le coût de la vie en fonction de la desserte et des espaces verts à côté, qu’on voit où est parti l’imagination de Will Wright.

 


Une cité avec de multiples désastres. Godzilla à droite, et quelques incendies et tremblements de terre.

 

L’inventaire ne serait pas complet sans le reste des constructions. Car comment vivre sans électricité ? A vous de mettre en place une centrale à charbon ou nucléaire, cette dernière coûtant plus chère, étant plus efficace, moins polluante mais plus risquée. Ensuite, il faut relier à l’aide de poteaux électriques les différentes zones construites. N’oublions pas non plus la desserte, qui se fait à grand renfort de routes, ou de voies de chemin de fer. Pour faire baisser la criminalité et parer aux catastrophes qui ne manqueront pas, comptez aussi sur la police et les pompiers. Un stade sera aussi bien vu pour organiser un semblant de vie commune. Tous les éléments font sens. Alors certes, nous n’avons pas encore la main sur les structures d’éducation, sanitaires et j’en passe, qui apparaissent aléatoirement sur vos zones résidentielles, auto-produites par vos humains-fourmis si j’ose dire, et qui apparaîtront en tant que constructions dans l’opus suivant, SimCity 2000 (1993). Mais avec les éléments déjà présents, et malgré une musique absente et des graphismes plutôt rudimentaire, nous obtenons une excellente expérience de jeu qui illustre bien le début du genre du city-builder, no pun intended Utopia.

 


Une partie davantage normale. Les zones commerciales vous demandent un aéroport pour mieux s’exporter. Vous voyez des zones industrilles, la police en bas à gauche, et quelques zones commerciales à droite, avec le maintien de quelques poches boisées.

 

La suite, vous la connaissez. Des opus édités par Electronic Arts à partir de 1997, un SimCity 4 très complet en 2003, et la plongée infernale de la franchise en 2013, sacrifiant taille de cartes et mécaniques pour une connexion permanente et des micro-transactions. Le flambeau du city-builder contemporain a été repris depuis par l’excellente Cities : Skylines (2015), qui continue de s’étendre à coup d’extensions. Quant à Will Wright, vous connaissez la paternité qu’il a avec de nombreuses gemmes dans les années 90, son lien avec les Sims (2000), tandis que sa dernière production vidéoludique sera Spore (2008), une version un peu différente du très (trop) complexe SimEarth de 1990, où il s’agira de faire évoluer une créature, de la simple cellule à l’ère spatiale, en passant par la montée sur la terre ferme, la vie tribal, et la naissance des civilisations. Un concept excellent malheureusement gâché par des mécaniques pas si profondes que ça, entament un brin le potentiel de rejouabilité… Quoi qu’il en soit, en 1989, SimCity est un grand jeu, qui marque durablement le paysage vidéoludique. (Je vous invite sur mon site pour avoir l'article au grand complet).


Spore (2008), un jeu où vous dirigez une cellule tâchant de survivre dans l’océan, puis une créature, puis une tribu, puis un état, puis une civilisation s’aventurant dans l’espace. Très prometteur sur le papier, mais pas si profond que ça dans les faits.