Bonjour à toutes et à tous !

En 2018, je rendais mon mémoire de fin d'étude avec pour thème la place et l'image des femmes dans le cinéma d'animation américain. Aujourd'hui, je vous propose de découvrir en vidéo l'un des portraits que j'avais consacré à une pionnière des studios Disney : Bianca Majolie !

 

Pour compléter votre visionnage, cet article va revenir rapidement sur la politique de Disney vis à vis des femmes à cette époque. Je ne vous apprends rien si je vous dis qu'elle était sexiste, mais nous allons voir pourquoi plus en détail.

 

La politique d'embauche des femmes chez Disney au milieu des années 30.

En juin 1938, Mary V. Ford reçoit une lettre en provenance des studios Disney. Elle a postuler quelques temps plus tôt pour un poste en tant qu'animatrice et espère bien recevoir une réponse favorable. Voici son contenu :

 « Chère Madame Ford :

Votre récente lettre a été confiée aux Départements Encrage et Peinture pour réponse.

Les femmes ne contribuent à aucun travail créatif en relation avec la préparation des dessins animés, puisque cette mission est entièrement effectuée par de jeunes hommes. Pour cette raison, les filles ne sont pas retenues pour entrer dans la formation. Le seul poste ouvert aux femmes consiste à reproduire les personnages sur des feuilles celluloïd et remplir ces dessins à la peinture, en suivant les instructions.

Pour postuler à la position de peintre, il faut venir aux studios muni d'un kit d'encre et d'aquarelles.

Mais il ne serait pas sage de venir à Hollywood uniquement dans ce but, car il y a très peu DE places par rapport au nombre de femmes qui postulent.»

Cela ne surprendra personne si j'écris que la société américaine des années trente n'était pas spécialement égalitaire. Dans tous les sens du terme. Il est évident que le sexisme faisait loi, et la politique d'embauche chez Disney n'échappait pas à la règle.

Comme dans n'importe quel studio d'animation de l'époque, il était de coutume d'écarter les femmes des postes artistiques. Les seules places disponibles pour elles se trouvaient au département ink and paint. Leur tâche consistait alors à encrer et peindre les feuilles de celluloïd, ces feuilles transparentes qui, une fois photographiées et misent bout à bout, créer l'animation.

La majorité des employés de ce service était alors des femmes. La raison en est simple : c'est une tâche pénible, répétitive et parfois physiquement éprouvante. Au cours de la production de Blanche-Neige et les sept nains, de nombreuses encreuses ont été poussées dans leurs derniers retranchements. Certaines d'entre-elles travaillaient près de 85 heures par semaines sur plusieurs milliers de celluloïds.

Le département Ink & paint a également l'avantage de ne nécessiter qu'une formation relativement courte et peu coûteuse pour le studio. Parce que si la firme aux grandes oreilles peine à embaucher des femmes, ce n'est pas uniquement par machisme, mais également pour des raisons financières.

La formation d'un scénariste, d'un dessinateur ou d'un animateur prend du temps et coûte beaucoup d'argent. Les standards de qualité chez Disney étant assez hauts, il s'agit d'un véritable investissement, que le studio rentabilise sur le long terme. Si Walt Disney est si réticent à l'idée d'embaucher des femmes, c'est avant tout parce qu'il craint que son studio ne puisse profiter des fruits de cet investissement.

En 1936, Grace Huntington postule pour un poste de scénariste chez Disney. Elle est alors reçue quelques temps plus tard par Walt lui-même.

« Vous savez, je n'aime pas engager des femmes au département histoire » lui dit-il, « Pour commencer, cela prend des années pour former un bon scénariste. S'il s'avère que le scénariste est une scénariste, il y a 9 chance sur 10 pour qu'elle se marie et quitte le studio sur le champ. Tout l'argent qui aura été dépensé dans sa formation sera gaspillé et nous n'en tirerons rien. »

Il ajoute également qu'il sera difficile pour elle de s’intégrer parmi les scénaristes. Ceux-ci ont l'habitude de jurer comme des sapeurs, c'est leur façon de se relaxer, « Si vous êtes facilement choquée ou blessée, ça risque de mal se passer ».

La carte d'accès aux studios de Grace Huntington.

Grace Huntington sera tout de même engagée, tout comme l'avait été Bianca Majolie l'année précédente. Si Walt Disney concède à leur donner un poste au département histoire c'est aussi parce que contrairement à une animatrice par exemple, les scénaristes pourront encore écrire de chez elles s'il leur prenait un jour l'envie saugrenue de se marier ou d'avoir des enfants. Si tel devait être le cas, leurs idées pourraient toujours servir pour produire des cartoons.

En tant que rares femmes au département histoire, Majolie comme Huntington feront face au machisme manifeste de leurs collègues masculins. Au cours des réunions avec l'ensemble des scénaristes, ceux-ci s'amuser régulièrement à les siffler lourdement, comme les pires dragueurs de rue qui existent.

Grace Huntington réalisa ce dessin, qui parle de lui-même...

Bianca Majolie, Grace Huntington et tant d'autres ont malgré tout ouvert la voie aux femmes dans le milieu de l'animation. Rares étaient les postes importants auxquelles elle parvenaient à accéder. Au cours des décennies qui vont suivre, les choses ne vont malheureusement que très peu évoluer. Mais nous reviendront là-dessus plus tard si le sujet vous intéresse !

En attendant, si vous comprenez very well la langue de Shakespeare, je vous conseille le visionnage de cette vidéo de Martha Adreeva consacrée aux pionnières de l'animation américaine, ainsi que la lecture de cet article de Nathalia Host, extrait de son livre The Queens of Animation paru en 2019.

 

Sur ce, je vous souhaite un agréable week-end !