Je me revois encore aux prémices de la Playstation 3, alors que je me plongeais dans les derniers grands titres de la Playstation 2 comme Final Fantasy XII. Je me souviens avoir bavé sur la vidéo de 8 Days, les images pipotées de Fight Night et Killzone 2.. Mais aussi de cette alpha du prochain jeu de Naughty Dog. C'était dingue. On vivait une période dingue, pleine de promesses et d'excitation. Et finalement Uncharted Drake's Fortune sortit et j'ai pris un pied monstre sur ce titre. Imparfait mais tellement prenant. C'était un premier jet très fort, et j'attendais une suite plus maîtrisée avec une impatience non dissimulée. Et quand Uncharted 2 : Among Thieves s'est offert au monde en 2009, c'était un coup de maître. Toutes les attentes, toutes les petites déceptions qu'on avait pu avoir sur le premier opus s'étaient envolés pour laisser place à une aventure tonitruante, poussée par un rythme haletant pour un moment de pure jubilation vidéoludique. En deux épisodes, Sony venait d'imposer une nouvelle icône de son catalogue exclusif.  Alors, deux ans plus tard, la grande question était de voir ce que pouvaient rajouter les Dogs à une expérience qu'ils ont déjà sublimé. Et ce qui est sûr, c'est que je ne m'attendais pas à ça... 

Car avant de commencer il est important de souligner une chose cruciale : Lorsque j'ai posé les mains sur Uncharted 3, je n'avais vu du jeu que la toute première bande annonce dévoilée aux VGA 2010. J'ai essayé le plus possible de me préserver des diverses fuites, images et vidéos de gameplay, pour arriver totalement vierge devant le jeu. J'ai déjà fait ça sur Batman Arkham City et Dead Space 2, et je dois dire que c'est une recette gagnante. Alors pour Uncharted, dont les deux premiers épisodes font partie de mes meilleures expériences de jeu sur cette génération; je ne pouvais déroger à ma nouvelle règle. Me voilà donc en train de retrouver des personnages que j'adore, deux ans après une relation intense et mémorable. Oui je suis une jeune pucelle enamourée d'un flirt d'été. 

Uncharted 3 : L'illusion de Drake revient dans l'univers du premier épisode, avec cet héritage de Sir Francis Drake, Ombre Ancestrale derrière laquelle Nathan tente tant bien que mal de s'accrocher. Un retour aux sources qui sera l'occasion pour Amy Hennig d'approfondir le passé de Nathan Drake, ses motivations, mais aussi d'apporter plus de matière aux relations qu'il entretient avec Sully, Elena, et à son illustre nom. Une narration plus intime, plus introspective, qui m'a incroyablement surpris. Je ne m'attendais pas à retrouver cette recherche qui d'ordinaire est accessoire dans un jeu d'action; et avoir ce luxe de prendre le temps de dire les choses, de poser des questions fondamentales comme "Pourquoi tu fais ça?"... C'est puissant! Oui, puissant. Car plus on a d'affect pour nos personnages, plus l'aventure qu'on va suivre sera intense et impliquante.

 

Et quelle aventure ! Se basant sur le mythe de l'Atlantide des Sables, cette nouvelle histoire emmène Nathan un peu partout dans le Monde. Un voyage plus étendu que sur les deux précédentes aventures, histoire évidemment de varier les environnements, mais était-ce forcément une bonne idée? A vouloir trop en montrer, sans pour autant rallonger l'aventure, on se retrouve parfois à regretter certains niveaux "futiles" comme par exemple le fameux château en France qui est particulièrement anecdotique. Mais le passage de Nathan en France, ou même en Syrie, aurait pu être super intéressant à suivre si on lui avait consacré plus de temps. Donc au final je pense que la volonté de varier l'aventure en nous trimballant un peu partout autour du globe est une fausse bonne idée, et se retrouve également dans Killzone 3. Tout comme le rapport entre Killzone 2 et 3, celui entre Uncharted 2 et 3 montre qu'un récit plus cadré et plus posé apporte bien plus de tenant à la narration. Et puis comme je le disais, la durée de vie d'un Uncharted ne permet pas à mon sens de jouer les visites touristiques trop brèves. C'est finalement assez intéressant de voir qu'après le lieu unique du premier opus, les quatre environnements du deuxième, et là les "biiip" environnements du troisième, Naughty Dog a voulu faire de ce probable dernier opus sur Playstation 3 une sorte de Bouquet Final détonnant, mais qui peut être pète un peu trop dans tous les sens pour être véritablement harmonieux.

Hormis ce petit défaut, comme je le disais l'histoire en elle-même est passionnante, le mythe en toile de fond est une fois de plus très intéressant, et à l'instar de Drake's Fortune et Among Thieves, il allie à la fois vérités historiques et scénario fantastique. A noter que cette fois, la traditionnelle dernière partie "fantastique" opte pour une explication assez géniale et très intelligente, à mon sens la meilleure des trois jeux. Malheureusement pour la rendre vraiment puissante il manque à l'histoire un "avant-dernier chapitre" qui plongerait un peu plus dans la mythologie proposée. Là on peut regretter un temps trop bref consacré à cette partie, sentiment appuyé justement par les passages "inutiles" expliqués plus haut. 

Mais vraiment ce qu'il faut retenir de l'Histoire de "L'Illustion de Drake", c'est la place très importante offerte aux personnages. La relation entre Elena et Drake est, à mon sens, exemplaire et jamais vue dans un jeu de ce type. Le travail sur Nathan, son rapport quasi filial avec Sully, et le poids de son Nom, permet d'éprouver encore plus d'affect pour ce personnage. Alors oui, Nathan Drake c'est plutôt un mec qui subit, dont l'aventure consiste plus à sauver sa peau qu'à véritablement chercher son trésor. C'est dans ses défauts qu'on l'aime, et même s'il en prend encore une fois plein la gueule dans cet épisode; l'apport de cette narration devient un atout énorme dans le rapport qu'on a, nous joueurs, pour lui. Et c'est ma première surprise concernant Drake's Deception, c'est qu'il a su insuffler une puissance énorme dans la narration et l'écriture des personnages,  tout en ayant quelques maladresses dans le rythme de l'aventure.  

Et tout au long de cette nouvelle histoire, Naughty Dog m'a porté de surprises en surprises. Mise en scène incroyable tant par les choix de plans, mais aussi de cette gestion parfaite entre la cut scene et le gameplay. La réaction de se dire "ah merde c'est à moi de jouer" lorsqu'on regardait ce qu'on pensait être une cinématique... Ce sentiment-là, il est énorme. Une mise en scene ingame encore plus poussée que dans le précédent opus, avec un soin incroyable apporté à des scènes d'ambiance. Je pense tout particulièrement à la "scène du marché" où la "scène de la dune", qui sont marquantes car nouvelles dans ce média. Enfin des scènes marquantes on en a à la pelle, surtout pour qui, comme moi, n'avait rien vu du jeu avant de le faire. Au final on se retrouve avec une aventure moins explosive que dans Among Thieves, mais plus profonde. Plus de temps offert à la contemplation comme dans ce passage génial d'U2 dans le village népalais, mais sans négliger le grand spectacle avec l'extraordinaire niveau du Paquebot, où même le château français qui apporte sa dose d'adrénaline. Ce que je retiens de cette troisième épopée, c'est d'avoir dit autant de fois "oh putain" qu'avant, mais en ayant rajouté plus souvent des "la vache" face à une séquence super originale. C'est un des gros points positifs de l'Illusion de Drake, c'est de nous donner le sentiment d'une aventure plus étendue et plus lente dans un jeu finalement plus court et plus rollercoaster qu'avant. Bravo.

Mais une aventure qui n'est pas exempte de reproches, attention. Il faut noter la difficulté parfois mal dosée face à des adversaires qui arrivent en nombre et ne vous laissent strictement aucune chance. C'est une chose qui pouvait déjà être frustrante dans les opus précédents, et qui est à mon sens un poil plus présente ici. C'est pour moi le problème du "Third Person Shooter d'Aventure". C'est que le temps qu'on passe d'une ambiance aventure, à une ambiance shoot, on est mort. Je ne parle pas du mode de difficulté max qui est à lui tout seul un challenge; mais simplement du dosage des ennemis qui vous sulfatent la gueule. Et puis après, ça ne tient qu'à moi, mais j'ai une légère gène à la fin d'un Uncharted, quand je vois Drake sortir une bonne blague, en me disant qu'il a tué environ 600 personnes à coup d'Ak47 et de lance-roquette.. Il y a une forte dichotomie entre l'image du héros sympathique, et celle du guerrier sans pitié. 

Côté gameplay pur, même s'il faut avouer qu'il n'y a pas eu de grosse nouveauté, si ce n'est quelques phases aquatiques un peu légères, ou le système de corps à corps plus poussé (sans pour autant atteindre un Batman), il faut surtout retenir l'incroyable challenge technique. Lorsque j'ai commencé Uncharted 3, j'avais la crainte de voir les Dogs de Balestra et de Wells faire une suite facile, simplement en changeant l'histoire et les environnements. Et là où je ne les attendais pas, c'est sur la tetrachié de challenges techniques qu'ils se sont donnés ! Ils étaient déjà rodés sur la gestion de l'eau avec les rivières, les lacs... Qu'à cela ne tienne, ils nous proposent une mer démontée qui fait appel à toute la puissance d'havok pour faire réagir les petits et gros objets présents. Et n'oublions pas les araignées, qui grouillent par centaines autour de vous, et que l'on doit éloigner grâce à une toche... Oh bah si il faut une torche, autant faire une nouvelle gestion de la lumière ! Et puis si on rajoutait aussi plus d'animations à Drake? Comme s'il n'était pas déjà le personnage le mieux animé de cette génération. 

C'est un peu l'ambiance qui ressort de ce jeu, l'impression de ressentir l'envie nourrie par ND de faire toujours mieux, et de prendre des risques à tenter des choses complexes. Ils ne se sont pas reposés sur les acquis d'Among Thieves, et en tant que joueurs, ça fait vraiment plaisir. Nathan est désormais "conscient" de son environnement, et va réagir de manière beaucoup plus réaliste aux obstacles qui se présentent à lui. Si vous vous rapprochez d'un mur, Nathan va tendre le bras pour prendre appui; si vous reculez légèrement, Nathan ne va pas immédiatement pivoter mais faire quelques pas à reculons... Il y a plus de réponses aux situations données. Nathan est devenu tellement réactif, que si vous bougez n'importe comment, vous aurez l'impression que le pauvre Drake est bourré comme une caisse, et il va chanceler à chaque contact. Moi qui suis un amoureux de la marche dans les jeux vidéo, je n'ai pas rencontré ce genre de problème. En revanche la contrepartie de ces améliorations, c'est qu'elles n'existent pas pour vos ennemis, qui auraient mérité pour le coup un peu plus de soins dans leurs animations, notamment quand on leur tire dessus. Et là on touche le souci principal d'Uncharted, qui n'a pas vraiment été amélioré depuis le début, c'est le manque de sensation lorsqu'on tire sur un adversaire. Je n'ai jamais vraiment ressenti d'impact, et souvent mes premières minutes d'Uncharted sont une réadaptation à ces sensations trop soft. J'aurais tellement voulu voir des ennemis plus variés, moins résistants à mes balles, ou avec des animations plus nombreuses... Si seulement Naughty Dog avait utilisé Euphoria... 

Avec tous ses paris technologiques, Uncharted 3 est l'oeuvre presque insolente d'un studio surdoué. Plus ambitieux et profond que les deux premiers opus, il est aussi plus maladroit dans certaines situations, mais au final plus attachant. Imparfait mais tellement généreux, ce jeu est un nouvel indispensable de la ludothèque Playstation 3. Son mode multijoueurs plus efficace qu'avant en satisfera plus d'un. Le coop a été amélioré, ce qui est une très bonne chose car c'était une excellente expérience sur Among Thieves. L'ajout du coop en split screen aurait pu être génial, si seulement la technique avait suivi : Ecran coupé n'importe comment, cut scenes bâclées.. Vraiment très dommage. Reste à savoir maintenant si Naughty Dog va laisser cette franchise à un autre studio pour la prochaine génération, ou si le fait d'avoir deux équipes va leur permettre de continuer à travailler sur Uncharted. Si tel est le cas, il faudra améliorer la gestion entre aventure et gunfight, tout comme la gestion des dégâts. Et puis bon, soyons fou : et si on revenait à un lieu unique genre Washington? Le petit passage à Londres de Drake's Deception était très intéressant, alors pourquoi pas? 

Après deux années d'attente sans véritable concurrence, Uncharted est revenu d'une manière particulièrement inattendue. Plus sage, profond et intime que les précédents opus, Uncharted 3 est un véritable défi technique pour Naughty Dog qui n'a reculé devant rien pour proposer une aventure fraiche et culottée. Avec autant d'audace et de talent on passe avec plus d'indulgence sur les quelques maladresses qu'on est amené à rencontrer sur notre chemin. Et quel chemin ! Naughty Dog confirme sa force de metteur en scène à un niveau inégalé dans le genre. Uncharted 3 n'est pas l'explosion tonitruante que certains pouvaient attendre, non. A mon sens, il est bien plus que cela.