Depuis que j'ai un modem chez moi, je cours après une chimère, ma licorne... Mon MMorpg parfait. Après avoir essayé différents titres, jamais je n'ai trouvé la véritable âme que je recherchais, et un jour, j'ai cru en un jeu, je lui ai donné ma confiance, mes espoirs, pour finalement ma plus grande déception de joueur.. 

 

Vous avez peut être croisé dans Asheron's Call 2, un mec qui achetait des bouteilles d'alcool au marchand, pour les revendre dans une taverne à la sauce aubergiste. Vous l'avez sûrement vu créer un groupe de musique dans ce même jeu, et donner des concerts dans les grottes prévues à cet effet et jamais utilisées par la communauté. C'est probablement ce même gars que vous avez rencontré sur World of Warcraft, et qui créait des events incroyables pour sa guilde alors que l'ambiance commençait à se "counterstrikiser". 

Je ne suis pas un hardcore rp, qui va marcher en ville, faire des quotes entre deux palabres comme j'ai pu en voir. Non, moi j'essaye de m'immerger dans l'univers qu'on me propose, et d'interpréter au mieux le personnage que je me crée. J'ai par exemple eu beaucoup de mal à l'idée de créer un forum de guilde, de lire des "afk" ou autre " deux secondes jvais pisser" alors qu'on rentre dans la grotte poisseuse des Lamentations.. Moi je fais partie de cette race de joueurs, qui essaye de correspondre au jeu, qui se crée un personnage, et qui va tenter de l'incarner, sans excès, mais avec sincérité. Lorsque je jouais un Orc, j'étais raciste envers les Taurens, j'étais égoïste et mon langage était pour le moins vulgaire. En revanche, lorsque j'interprétais un vieux démoniste humain, je jouais mon personnage vraiment différemment. Inutile d'en faire des caisses pour autant, mais pour moi le plaisir d'un MMo réside dans l'immersion qu'on ressent dans l'univers créé par les développeurs, et la générosité qu'on lui apporte; c'est donnant donnant. 

Mais cette immersion est brisée dans tous les MMo auxquels j'ai pu jouer aujourd'hui. Que ce soit les portails intempestifs dans AC2, le comportement et le changement d'orientation de la communauté de WoW.. Ou l'interface hautement rébarbative de Star Wars Galaxy.. J'ai toujours eu du mal à rester plongé dans un MMo. Et pourtant, en 2003, j'ai cru trouver mon messie... 

Dark and Light, c'est un MMorpg français, développé par des réunionnais, et qui s'avérait à l'époque assez ambitieux. En effet ils avaient décidé de supprimer les serveurs et autres instances. Un seul monde qui ne serait pas découpé en zones.. Ganareth était né. 

 

première image du jeu, regardez moi cette herbe et ce champ de vision.. à la même époque sortait Morrowind..

 

Ganareth c'est un terrain de jeu d'une taille hallucinante de 40 000 km², dont plus de la moitié est émergée. Ganareth c'est un champ de vision de 50km qui vous place littéralement dans un monde crédible, où vous ne tomberez pas sur un mur invisible. Si vous voyez une montagne, vous pouvez monter à son sommet. C'était pour moi une bénédiction, une révolution, une claque graphique, que sais je encore. j'étais aux anges, pour la première fois on me proposerait de vivre une aventure online, dans un monde qui existe, à rencontrer des gens du monde entier, à me balader en forêt et apercevoir la silhouette d'un château à plusieurs kilomètre de là.. La possibilité de ramasser du bois mort pour faire un feu, camper pour entamer la dernière ligne droite au petit matin. Ganareth c'était ça, un monde logique, cohérent, et non une succession de zones comme dans les MMo actuels. Mais ça ne s'arrêtait pas là, puisque le tour de force résidait dans la météo dynamique. Des nuages qui ne sont pas des sprites, mais de véritables entités volumétriques, qui s'amoncellent, qui s'assombrissent, puis la pluie... Mais surtout, la neige. Pour avoir joué à l'alpha offline de DnL, je peux vous assurer que je n'ai jamais ressenti ça dans aucun jeu.

Je viens de prendre une sorte de téléphérique pour passer une montagne, je dois descendre son flanc pour atteindre un village situé au bord d'une rivière. J'atteins la forêt, et le vent souffle fort, les arbres bougent, de plus en plus violemment, et le vent hurle dans les branches. Et là la neige commence à tomber, au départ doucement, puis beaucoup plus drue... Je sors de la forêt et arrive dans un champ qui entoure le village.. j'avais de la neige aux genoux ! J'avançais beaucoup plus lentement, et je laissais une trace derrière moi! Cette neige dont le niveau au sol varie de manière réaliste, qui te crée du gameplay (lenteur, possibilité de suivre quelqu'un à la trace..), c'était non seulement une prouesse technique pour un monde aussi vaste, mais une grosse claque dans ta gueule de demandeur d'immersion. Evidemment j'étais sous le charme d'un lever de soleil sur la mer magnifique, de la beauté d'une montagne qui se dresse devant moi, les ombres qui la dessine et impose sa grandeur face à moi..  C'est simple, l'alpha offline était vide, il n'y avait pas de pnj, pas de monstre, encore moins d'interface, et je n'avais accès qu'à 5% de la carte.. mais bon sang! Des heures que j'ai passées à me perdre, à découvrir des lieux, à chercher à monter sur le point le plus haut... 

 

Dans un tel lieu on n'a pas envie d'être en armure, mais putain que c'est beau...

 

Avec son univers médiéval-fantastique, ces 12 races toutes différentes d'alignements, de capacités et même de tailles, Dark and Light promettait une richesse de jeu énorme, tout un monde à explorer, des cultures diverses à découvrir au fil de son périple, et trois modes de progression : combat, artisanat, social. Probablement LA feature qui m'a fait, disons le, bander. Ganareth était divisé en royaumes, eux mêmes divisés en plusieurs duchés, etc jusqu'au conté et aux terres du petit seigneur.. Vous pouviez incarner ces seigneurs, entretenir votre domaine, recruter des pnj pour vous servir, mais également des joueurs. Tout un système géopolitique se créait, avec querelles et complots. La possibilité d'assiéger le château adverse, de le prendre, et d'accroître votre pouvoir.. Juste brillant. 

Sur le papier, c'était joué : Dark and Light serait mon MMo, le jeu de rôle ultime. Je me voyais déjà avec mes amis, parcourant une forêt à dos de DODO (les montures du jeu), réussir à s'installer dans un domaine après avoir écumé les tavernes du coin et accompli des quêtes créées par le joueur qui dirige le territoire. D'une bande de roublards nous serions devenus une unité de combat, placée en première ligne pour une bataille épique dans les champs de notre ennemi, sa puissante citadelle surplombant la bataille... Bref, ce jeu je l'ai rêvé, certainement plus que ses développeurs, qui finalement n'avait pas l'étoffe ou les moyens pour apporter à cet univers le système de jeu qu'il aurait mérité, et le design alléchant des artworks.. 

Quand on a à ce point bavé du collège jusqu'au lycée, qu'on ne s'intéressait pas trop à ce "MMo dans l'univers de Warcraft" dont on parlait également à cette époque, quand on a fondé tant d'espoirs, et qu'on voit le résultat final.. ça fait très mal, ça laisse une cicatrice. Même F2P, je n'irai pas sur ce Ganareth là, car ce n'est pas celui que je voulais, ce n'est pas celui dans lequel je m'imaginais m'aventurer en regardant les screenshots, où lorsque je me promenais dans l'alpha.. 

ça date de 2003, et on se croirait sur Just Cause 2...

 

 

Vous le voyez, j'ai beaucoup d'amertume à parler de Dark and Light, car pour moi il pouvait être une référence, j'y jouerais peut être encore aujourd'hui.. Mais la hauteur de mes attentes n'a d'égal que le niveau de ce que le jeu est aujourd'hui. C'est simple, pour moi Dark and Light n'est jamais sorti. Ce qui porte son nom aujourd'hui est la simple tentative d'un éditeur pour tenter vainement de rentabiliser un projet coûteux, qui n'est finalement jamais sorti tel qu'il aurait du sortir. Je reste malgré tout dans l'attente de son successeur, qu'on m'offre un bel environnement crédible, dans lequel je peux aller où je le souhaite, qui me propose une véritable aventure dans laquelle je pourrais ne pas être le supra héros qui va sauver le monde comme 50 000 autres avant moi.. Juste un aventurier, ou un petit seigneur d'une région reculé, qui mène son entreprise avec intelligence, et qui se dit "putain, c'est vraiment un bon jeu!" .