Comme promis, voici un petit ticket sur la chrage du Sacrieur qui est
la mécanique centrale de la classe. Voyons donc comment celle-ci fonctionne, d'où
est venu son nom si particulier et quels sont les problématiques qu'elle pose
dans la conception et l'équilibrage de la classe.

La chrage incarne parfaitement la
célèbre citation de Nietzsche : « Tout ce qui ne
me tue pas me rend plus fort. ». Alors que les autres classes du jeu sont
promptes à aller quémander des soins à un Eniripsa (le meilleur soigneur du
jeu) dès le premier bobo, le sacrieur lui transforme la douleur en cette force
surhumaine qu'est la chrage un peu comme la sensation de danger entraine une
montée d'adrénaline qui nous donne un boost d'énergie pour y faire face.

En termes de
mécaniques de jeu, je voulais une jauge qui agisse un peu comme une barre de
fury ou d'Ex dans les jeux de baston. Une jauge donc qu'on remplit petit à
petit et qu'on peut utiliser pour faire plusieurs coups plus performants ou
encore un ultra coup.

Avant d'arriver aux 15 sorts élémentaires, il faut définir les mécaniques de classe.

La première
question à se poser était de savoir comment cette jauge allait augmenter. Dans les
anciennes versions de WAKFU et d'autres jeux Ankama, des mécaniques semblables
ont été utilisées et se basaient sur le seul fait de recevoir un coup ou non.
Le problème étant donc que ces mécaniques n'avaient pas la même efficacité
selon qu'un adversaire vous infligeait 3 fois 10 dégâts où une fois 30 dégâts par
exemple.

Un autre
problème, présent sur DOFUS par exemple était que les alliés d'un Sacrieur pouvaient
en début de combat avoir un vrai intérêt à le taper eux même pour qu'ensuite
celui-ci soit plus fort et aille démonter les mobs en face. Ce n'est pas ce que
je recherchais, tan d'un point de vue du background et du feeling que du
gameplay qui s'en trouvait ralentit vu que ça engendrait des « phases de
préparation » longues et inintéressante.

A partir de toutes
ces constatations, j'en suis arrivé à des règles simples :

Premièrement,
pour éviter une phase de préparation et imposer un rythme rapide et un
sentiment d'urgence, la jauge de chrage se videra un petit peu chaque tour. En
fait, si on a un ennemi de force moyenne qui frappe le Sacrieur, le gain de
chrage généré par les dégâts qu'il occasionne sera plus ou moins égal à la
perte de chrage en fin de tour.

Le Sacrieur doit se précipiter au coeur du combat pour briller.

Cela
implique donc que pour monter sa chrage, il faut « tanker » (donc se
faire frapper ici) par un ennemi plus fort ou plus d'ennemi et qu'évidemment,
plus on a d'ennemi au cac qui nous frappe, mieux c'est car là où c'est négatif
chez toutes les autres classes du jeu de se faire frapper généralement, il y a
un aspect positif chez le Sacrieur et c'est donc plus « rentable ».

Deuxièmement,
la jauge de chrage augmente selon les dégâts infligés au Sacrieur et non selon
le nombre de coups qu'il subit. Pour être plus précis, un coup qui fait perdre
1% de sa vie au Sacrieur fera monter sa jauge de chrage de 1%.

Okay, on a
une règle qui semble bien fonctionner, mais on se rend compte que pour arriver
à 100% de chrage, il faut arriver à 0% de HP, ce qui est assez ennuyeux vu que
c'est synonyme de mort (et il est dur de profiter de sa chrage une fois mort,
bien qu'un pouvoir spécial du Sacrieur me contredis sur ce coup-là ^^). La
solution simple serait de se dire : « Bah il suffit de soigner le
Sacrieur » et il pourra être à 100% de vie et 100% de chrage.

Ben non, ce
serait trop facile, il suffirait aux alliés de celui-ci du coup de le défoncer
en début de combat puis de le soigner. Non, la chrage est générée par la
douleur, si on se soigne, on perd donc la chrage d'autant qu'on se soulage de
la douleur !

En fait il
fallait que certaines actions permettent d'augmenter la génération de chrage
sans augmenter les dégâts reçu. C'est ainsi que l'état « chrargeur »
a été créé et permet aux Sacrieurs de gagner par exemple 12% de chrage pour une
perte de 10% de leur vie.

Certains sorts de feu appliquent l'état Chrargeur au Sacrieur.

Cela restait
tout de même insuffisant et compliqué à jouer et allait m'obliger à mettre l'état
chrargeur à toutes les branches élémentaires alors que je voulais la réserver à
la branche du feu (branche de la montée en chrage et de la douleur).

Un autre
problème m'était aussi apparu : Le Sacrieur tank grâce à son gros pool de
HP (c'est la classe qui a le plus d'HP dans le jeu). Hors, plus le joueur
allait avoir d'HP, plus les attaques adverses n'allaient lui retirer qu'un pourcentage
faible de sa vie et donc générer peu de chrage !

La solution
qui me vient à l'esprit fut de changer légèrement la règle de base de la
génération de chrage : Au lieu de faire monter la jauge de chrage de 1%  si un coup qui faisait perdre 1% de sa vie au Sacrieur,
j'ai décidé que serait la perte d'1% de la vie sans boost qui ferait gagner 1%
de chrage.

La chrage permet de soulever des montagne. Réellement.

Du coup, si
grâce à ces spécialités et son équipement, un Sacrieur de 100HP passe à 200HP,
quand il subit une attaque qui lui fait perdre 20HP, au lieu de gagner
seulement 10% de chrage, il en gagnera 20 !

Voilà qui
réglait mon problème et en plus collait à fond avec la philosophie et les
habitudes des joueurs par rapport au Sacrieur qui font de lui un sac à points
de vie.

J'avais donc
les règles de la chrage qui se révélaient assez simple mais (je pense) très
intéressante et dans l'esprit de la classe. Je savais comment faire monter la
chrage et ça collait très bien à la branche de la douleur (le feu) mais aussi à
la branche de l'air qui permet d'avoir plus d'ennemis au corps à corps et je
savais que la branche terre serait celle qui allait utiliser ces points de
chrage.

Le sort de spécialité Chrage explique en grande partie la mécanique et ça reste simple.

J'avais donc
aussi un point de vue très clair sur les problématiques d'équilibrage qu'elle
allait engendrer : Par exemple, si les ennemis ne frappent pas assez fort,
le combat va être simple pour tous mais le Sacrieur va lui galérer à monter sa chrage.
A contrario, il sera cependant très efficace dans les combats compliqué où les dégâts
sont nombreux.

Le plus dur
coté équilibrage en fait est l'attribution des coûts en chrage de la branche
terre et des bonus par exemple de l'effet chrargeur. Cela se fera surtout de
manière empirique et au feeling (oui, c'est important le feeling pour un game
designer) grâce aux playtests et aux retours des joueurs.

Les derniers
choix quant à la chrage étaient moins cruciaux. Son nom avait été trouvé dès le
début en fait par Tot, notre directeur artistique : « Charge et Rage,
ça donne Chrage ! En plus c'est dur à dire, les joueurs vont galérer, ça
rendra le truc drôle ». Ben oui, ça fait partie de l'humour (que vous êtes
libres d'aimer ou pas, mais moi j'aime :D) des jeux Ankama. Même si on
fait une classe tactique, basée sur la douleur et qui dégage un feeling
aisément roxatif, on ne se prend pas au sérieux et on n'a pas peur d'utiliser
un nom original et imprononçable (soyez sûr que je suis le premier à en avoir
souffert tellement je l'ai dit et écrit :p).

Quant à la
représentation graphique de la chrage qui permet aux joueurs combattant avec un
Sacrieur de voir où il en est dans sa chrage, Kuri, le lead artist, a décidé de
faire un clin d'œil sympa à un jeu que l'on attend pas mal et qui a pour héros
un gros bourrin façon Sacrieur : Asura's wrath.

 

Pour ceux qui n'auraient pas vu le trailer de ce jeu bien bourrin.

Du coup, ce
sont des bras spectraux qui pousseront au Sacrieur et viendront donner plus d'impact
à ces frappes quand sa jauge de chrage sera grande. On aurait pu aussi utiliser
des effets graphiques aussi, mais ils auraient peut-être été un peu trop
omniprésent et perturbant. De plus j'avais prévu pour un des pouvoirs spéciaux
du Sacrieur de rendre hommage à Dragon Ball (un de nos dessins animés préféré
évidemment) et donc d'utiliser des grosses auras qui piquent les yeux.

Pour info en
fait, ce pouvoir permet à un Sacrieur qui arrive à rester à 100% de sa chrage
de passer en mode super saye... Heu Surpuissant niveau 1 (et des petits pierres
commencent à flotter autour de lui), puis s'il y reste un second tour d'affilée,
il passe au niveau 2 (et ces éclairs qui crépitent) pour finir au niveau 3 le
tour d'après où une aura de chrage l'entoure.

Surpuissant, un de mes sorts de spécialité préféré.

Voilà,
encore un article pavé (désolé), mais il y a tant de chose à dire sur la façon
dont est créée une mécanique comme la chrage ... Le pire c'est qu'une fois crée,
elle semble tellement simple qu'on ne se doute pas du travail en amont. Mais au
final, c'est sûrement ça qui fait qu'elle est réussie.