[A chaud] Mais où vas-tu presse jeu vidéo ? (20/05/2015)

L’année dernière, JVN.com rendait l’âme dans un podcast d’adieu de deux heures où toute l’équipe était réunie. Maintenant c’est au tour de jeuxvideo.fr de tirer sa révérence après 13 ans de bons et loyaux services. Toute l’équipe est licenciée et le nouveau propriétaire (Clubic) absorbera le site pour renforcer sa présence sur le segment du jeu vidéo. Chronique à chaud, sur la métamorphose entamée par la presse jeu vidéo.

AdBlock, ce fléau

Le revenu que peut générer un site internet est intimement lié à son nombre de visiteurs, et donc par extension, aux pubs vues et aux clics sur celles-ci. Avec l’arrivée de ces superbes outils que sont les bloqueurs de pubs,  les sites ne génèrent plus assez d’argent par eux-mêmes pour faire vivre leurs employés et doivent plus que jamais trouver des fonds extérieurs. Et qui est prêt à débourser des euros pour avoir une annonce vue à coup sûr par des dizaines de milliers de personnes ? Les éditeurs bien sûr !

Le secteur de la presse jeu vidéo est de plus en plus contrôlé par ces derniers ainsi que par les agences de communication. Il suffit d’observer le pied de page des sites pour savoir quel grand groupe en est le propriétaire : une agence de pub par-ci, un géant de la distribution par là, etc. Même s’il n’y a aucun complot judéo-maçonnique derrière tout çà, on peut sans mal imaginer que, sans pour autant être un ramassis de conneries mensongères, leur ligne éditoriale n’est pas la plus honnête qui soit . C’est triste à dire, mais les sites ont besoin d’eux pour vivre. Et peut-on vraiment les blâmer de vouloir continuer d’exister ? Rassurons-nous en nous disant que c’est réciproque : sans les sites de jeux vidéo, les éditeurs comme Activisionaurait bien du mal à vendre leur dernier jeu. Entre deux tests peut-être un peu trop gentils, on aura toujours le droit d’avoir un bon gros dossier thématique sur le jeu vidéo en IranL’un, donne les moyens financiers au site pour continuer d’exister, mais en lui imposant certaines contraintes éditoriales, l’autre, tout en les appliquant, peut continuer de parler de jeux vidéo sans pour autant devenir une simple vitrine commerciale.

On peut toujours cracher sur les journalistes qui font leur boulot comme ils peuvent, mais si on essaie de voir plus loin que le bout de son nez, on ne peut pas les flageller sous prétexte que ce sont des vilains « vendus ». Sur Internet tout le monde l’est : c’est la pub qui fait vivre la très grosse majorité des acteurs de la toile. Pour continuer à exploiter une activité de manière rentable, il faut parfois faire des concessions et répondre à l’appel inexorable des sirènes de la publicité ou des boites de prod.

Travail gratis

Certains sites Internet proposent à leur lecteur de créer du contenu qui sera publié au même titre que ceux des journalistes/pigistes, générant ainsi de l’argent qu’évidemment l’auteur ne verra jamais. Pour le récompenser on lui donnera au mieux des bons d’achat pour une casquette à la con, au pire, un doigt dans le…Mais ce n’est pas grave, puisqu’il aura acquis de l’expérience, il aura droit à un super nom sur son CV (ou pas) et de la prétendue visibilité. Il aura aussi prouvé que c’est lui le meilleur vidéomaker de la planète et en plus grâce à lui, les pandas roux seront sauvés de l’extinction.

Bien sûr, quand on est un petit site et qu’on n’a aucun moyen, je peux comprendre la démarche, mais quand on fait partie du top 5 des sites de jeux vidéo les plus visités de France, là par contre, je me demande où a foutu le camp le peu d’éthique qu’il restait dans le milieu. Même si le principe permet à des joueurs de partager leur passion, il offre surtout à ces sites de la main-d’œuvre gratuite à la limite de l’illégalité.

La presse change, le lecteur aussi

La presse est en pleine mutation, particulièrement la presse spécialisée, et Internet ne l’aidera pas à se stabiliser. Dans le jeu vidéo, certains arrivent à s’en sortir avec une ligne éditoriale novatrice qui aborde le sujet de manière différente (cf le très bon magazine JV), mais la plupart d’entre eux sombrent  avec la galère, esclaves de l’évolution du média.

Aujourd’hui, au même titre que la musique, le jeu vidéo est rentré dans les mœurs et fait partie de notre culture, c’est devenu quelque chose de normal. Votre petite sœur joue, vos parents jouent, vos grands-parents aussi, le jeu vidéo n’est (presque) plus ce monstre terrible qui déchirait des familles entières et rendait les enfants fous. C’est même devenu un marché tellement rentable qu’il fait plus de recettes que le cinéma !

Si avant personne ne voulait en parler, aujourd’hui tout le monde le fait. Vous trouverez régulièrement des articles traitant du jeu vidéo dans de grands journaux nationaux, et certains d’entre eux s’y sont même jetés les deux pieds en avant, comme le journal Le Monde avec son très bon portail Le Monde Pixels, même si ce n’est pas l’unique sujet traité par les journalistes. Si la presse généraliste parle de jeux vidéo, si c’est fait avec autant de passion et de justesse que les sites spécialisés, alors à qu'adviendra-t-ils d'eux ? On se dirige vraisemblablement tout droit vers une lent mais inéxorable popularisation des articles de jeux vidéo dans les médias généralistes, ainsi qu’une généralisation des sites spécialisés, qui traiteront aussi de sujets ayant peu de rapport avec le jeu vidéo. Un mal pour un bien ?

Sam "Ergher" Allié, 20/05/205, Youtube