Ou comment faire un titre qui brasse super large pour parler de tout un tas sujets qui me turlupine depuis pas mal d'années. D'ailleurs, je ne sais même pas si je vais répondre à ce qui semble être une problématique savamment réfléchie puisqu'au final ce n'est qu'un titre et que je fais ce que je veux. Pour commencer, il est évident que l'article du Point à quelque peu accéléré cette soudaine envie de dire ce que tout le monde à déjà dit ou pensé. Et comme il n'y a rien de plus facile que d'enfoncer des portes ouvertes, je ne vois pas pourquoi je me priverai. Par contre, si le dernier pouvait la refermer derrière lui, ça éviterait les courants d'airs (j'en ai déjà enfoncé d'autre). Donc pour en revenir au sujet, je suis parti d'un constat simple : le jeu vidéo n'a jamais autant vendu, fait parler de lui et appâté autant de non-joueur. Mais à côté de cela, on entend toujours les mêmes conneries et les mêmes préjugés qui n'ont peu ou pas évolué en vingt ans. Bon ça, je pense qu'on est tous à peu près d'accord, mais je pense surtout qu'en réalité le jeu vidéo à muté et s'est retrouvé avec une minuscule excroissance. C'est cette excroissance que certains appellent casual gaming ou jeux grand public. Reste alors l'énorme entité principale encore méconnue et parfois incomprise. Et ça m'emmerde un peu à vrai dire...

 

Quand on parle de jeu vidéo dans une émission de cinéma, ça donne ce grand moment de solitude. On sent bien que le bonhomme est à fond, mais c'est bien le seul...

 

Vu à la TV

On a souvent droit à des phrases de ce genre : "les joueurs ont l'impression d'être dépossédé de leur jouet". C'est le fameux syndrome du "moi je connaissais depuis le début, maintenant ça devient mainstream". Je n'ai jamais ressenti ce genre de chose, mais je pense surtout que ça ne s'applique tout simplement pas au jeu vidéo pour l'instant. Les joueurs ne rejettent pas l'ouverture du jeu vidéo au grand public, mais cette fameuse excroissance qui renvoie une image de ce dernier très incomplète, voire fausse. Grand public ne veut pas dire réducteur et c'est ce qu'il se passe en ce moment.  D'un côté, comment rendre quelque chose grand public, me dira-t-on, sans un minimum de simplification et de vulgarisation ? C'est justement la question que je me pose en écrivant ces lignes.

En effet, on ne peut tout de même pas reprocher aux gens de ne pas s'intéresser en profondeur au jeu vidéo. Mais de là à taire complètement tout un pan de cette culture au profit d'une surexploitation de certaines thématiques mineures et souvent très mal traitées, il y a une limite. On ne demande tout de même pas la lune ! Même quelques extraits de Bioshock avec un simple : "Ce jeu se déroule dans une cité utopique sous-marine créée par un mec mégalomane" suffirait à mon bonheur. Quand un film sort, les médias grand public en parlent peut-être de façon superficielle, mais ils en parlent. Et non, mettre en avant Heavy Rain au Grand Journal de Canal + ne me suffit pas. Ca arrive tous les 36 du mois et à côté de ça, c'est souvent conneries sur conneries.

 

Le jeu vidéo c'est aussi ça.

 Et pour ça, les médias sont balèzes. On ne parle pas de jeu vidéo au grand public, on lui parle d'affaires, de violence, d'addiction, de jouet, bref de rien du tout. Je ne vais pas m'étendre plus que ça sur le rapprochement entre des tueries et le jeu vidéo tant cela me parait grotesque, mais quand même. Ok, on retrouve des vidéos super cradingues sur le PC d'un mec ou des choses peu communes (une collection entière d'objets ayant appartenu à Hitler), je veux bien qu'on fasse le lien, mais pas un jeu vidéo quoi. C'est comme dire que 96% des tueurs en série possédaient une télévision au moment des actes. C'est juste con. J'imagine : chef, on a retrouvé un Call Of Duty et un Counter Strike chez le tueur, "C'est pas vrai ! Quel monstre ! Et quoi d'autre ? Cannibal Hollocaust, des photos de Mireille Mathieu nue et un cave aménagée en chambre mortuaire pour bébé. Bon, on se casse. On a assez des jeux pour le faire croupir en taule pendant 20 ans." Bref, pour remuer le caca il y a du monde, mais pour le reste...

 

Est-ce que le jeu vidéo est en partie responsable du passage à l'acte de Mohamed Merah ? Quand t'entends ça, faut commencer à serrer les fesses...

 Et donc pendant qu'on se mange des études foireuses, ça fait 40 ans que des mecs s'activent pour créer des expériences toujours plus ambitieuse et variées et tout le monde s'en branle. Je vais prendre un exemple simple : mon père. Il passe des journées entières à regarder la télé, s'intéresse à tout et pourtant quand je lui ai montré un jeu actuel (Batman : Arkham City), il ne voulait pas croire que c'était du temps réel et il s'est prit une grosse claque dans la gueule. Pourquoi ? Parce que c'était le premier jeu qu'il voyait depuis Tomb Raider 2 et qu'il était complètement à la rue. Pareil pour ma mère qui s'est mise à me balancer d'un coup des  : "ça rend abruti", "ça t'énerve" et autre "encore en train de tirer sur des gens ?". Le JT avait bien fait son boulot.

Allez, j'arrête de jouer pendant 10 ans juste pour l'hallu que tu dois de taper quand tu vois ce qu'il s'est passé entre temps. Je déconne là, mais d'un autre côté j'envie presque l'expérience qu'à eu mon père...

 

 Supprimez ces préjugés à la con et ça ira déjà mieux !

Ce jeu vidéo là n'est pas celui que je connais et je me sens à la fois chanceux et triste (vraiment) pour ceux qui passent à côté de ce truc merveilleux à cause de simples préjugés. De là même façon, je ne comprends pas comment certains journalistes relativement jeunes et vifs d'esprit peuvent être aussi fermés. Qu'ils parlent d'un truc qu'ils ne connaissent pas, sans bosser un minimum leur sujet est une chose, mais ne sont-ils pas tout simplement curieux ? Je ne sais pas moi, quand un truc aussi intriguant existe depuis 40 ans, j'ai naturellement envie d'aller voir ce qu'il se passe. Ne se rendent-ils pas compte qu'il y a eu des tas de gens avant eux qui ont craché sur quelque chose par simple peur de la nouveauté ? Je pense au cinéma, à la peinture, la télévision, la musique ou même la littérature.  Après, que ça leurs plaisent ou pas, je m'en fout, mais épargnez-moi le dédain, les moqueries ou l'ignorance pure. Je pense notamment à Laurent Weil, Ariel Wisman, Anne-Élisabeth Lemoine et tant d'autre. On pourrait penser qu'à Canal on est ouvert d'esprit...

Quand on y pense, cette signalétique est une vraie plaie. Avec un 18+ faussement impressionnant et qui équivaut souvent à un film -12, il n'est pas étonnant que le jeu vidéo garde cette image de média violent. Mais ce n'est pas tout. Puisque le CSA interdit la diffusion d'images destinées au plus de 16 ans avant 22h. Le cinéma et le jeu vidéo sont donc logés à la même enseigne (ce qui est stupide) et cela empêche purement et simplement la représentation des jeux dit "matures" à l'antenne. Ce qui ne fait pas avancer les choses...

 Ensuite, il y a plusieurs éléments communs à cette vision étroite du jeu vidéo entretenu par les médias. Premièrement, le jeu vidéo se résume à : les jeux qui vendent, les jeux en ligne et les jeux où on tire sur des gens. Avouez que c'est assez minimaliste et servant dans 90% des cas à étayer des propos foireux. Je me souviens bien d'un reportage de TF1 sur Assassin's Creed 2 et tout le travail historique qu'il y avait eu en amont, mais c'est à peu près tout. Même sur Arte, on avait eu droit à un "Philosophie" hallucinant de mépris avec le fameux : "Ils ont des têtes d'abrutis". Ce qui me permet d'en venir à un détail qui n'en est pas vraiment un : l'image des joueurs. Pourquoi dans les reportages se sentent-ils obligé de filmer à tout bout de champ la tronche des joueurs quand ils jouent ?

Si même les philosophes s'y mettent, je crois que tout espoir est perdu.

J'ai la réponse bien sûr : parce qu'on a souvent des têtes de con. On est concentré, on bave, bref c'est l'idéal pour montrer à quel point on est accro et stupide dans ces moment là. Et va-y que je te balance des gros plans sur des yeux qui ne clignent pas pendant 5 minutes et des visages tendus à mort. Personnellement, quand je joue de la guitare, j'ai l'air d'un attardé, ça m'énerve et je ne vois pas le temps passer. Pourtant, personne n'emmerde les guitaristes. Nan, mais tout ça pour dire qu'on s'en bat les steak de nos têtes. Filmez l'écran, montrez des images du jeu. Vous n'allez pas dans les cinémas filmer les gens ? Vous montrez des extraits du film ? Bah là c'est pareil. Ce qui est important c'est l'oeuvre, pas les spectateurs/joueurs. Donc arrêtez aussi de faire parlez le professeur bidule, les spécialistes de je-sais-pas-quoi ou même les joueurs. De toute façon, un jeu vidéo ça se joue bordel de merde !

Je me rappelle d'un reportage où un joueur de Call of Duty disait que le but du jeu était de tuer. Bien sûr, prit hors-contexte c'est du pain bénit pour les médias, mais quand on y pense, cela n'a rien de plus violent symboliquement qu'un paintball entre potes. Le poids des mots en somme...

 

Allez viens, on est bien...

Et je voulais terminer avec les jeux vidéo grand public à proprement parler. Oui, je vais encore parler de la Wii, mais également des smartphones et surtout faire attention à chacun de mes mots. On en revient toujours à l'épineuse question : est-ce que la personne qui joue à Angry Birds, FarmVille, Wii Sport, qui ne joue qu'à FIFA ou Call Duty est un joueur ? En fait, j'ai l'impression que toute cette mouvance casual et grand public n'a que peu de rapport avec le jeu vidéo tel que (moi connard nombriliste) je le connais. Dans le sens où cette tendance n'entretient quasiment aucun lien avec le jeu vidéo dans toute sa variété et son histoire. Bien sûr, certains s'en balancent, mais d'autres ne sont simplement pas informés et se construisent l'image d'un loisir réservé aux connaisseurs.

Ok, vous avez beurré votre écran d'iPhone, vous avez remué une télécommande et votre cul devant une caméra, mais rien ne vous empêche de prendre une manette et de jouer à L.A Noire pour tester. Ce n'est pas plus compliqué que de taper sur un clavier et puis c'est comme tout, ça s'apprend. Pourquoi prendre les non-joueurs pour des sous-humains qui ne peuvent pas utiliser 10 boutons et jouer à autre chose qu'à des mini-jeux ou des party-game ? Un joueur est avant tout un être humain, inutile de nous diviser en catégorie. C'est comme si on disait à quelqu'un : "Tu n'as jamais vu de film noir ? Bon, je te conseille d'aller voir celui-là. Il n'est pas trop dur à comprendre, il ne se passe pas grand-chose donc tu devrais réussir à t'y retrouver". C'est débile. Le jeu vidéo est assez vaste pour que tout le monde puisse piocher à droite à gauche. Pourquoi se contenter de picorer au même endroit que tout le monde ? Mais pour ça, il n'y a pas de secret, il faut que les médias fassent leur boulot...

Si je veux initier un non-joueur au jeu vidéo, je pense par exemple à un L.A Noire ou un Limbo. Il ne me viendrait jamais à l'esprit de lui dire de commencer par le Programme d'Entraînement Cérébral du Dr Kawashima. 

 Beaucoup de ces nouveaux joueurs ne sont que des non-joueurs qui ont essayé un produit issu du jeu vidéo, mais qui n'iront pas creuser plus loin. Le jeu vidéo en tant que culture est donc à dissocier du jeu vidéo en tant que produit acheté comme on achète le dernier truc à la mode. Quand on voit le fossé qui sépare les ventes d'un Call of Duty : Black Ops 2 (12 millions) d'un Dishonored (1.4 million), on se rend bien compte que certes le grand public pèse dans la balance, mais de façon plus que ponctuelle et surtout ciblée. Car inutile de chercher tous ces acheteurs ailleurs, ils disparaissent tout simplement ; même pour des titres relativement grand public et mis en avant. En somme, un mec qui achète son Call of Duty annuel ou qui ne joue qu'a WoW n'a aucune attache au jeu vidéo. Il n'est là qu'en touriste et ne contribue en rien à rendre le jeu vidéo grand public. C'est peut-être un joueur, mais l'image qu'il renvoie est tout sauf séduisante. Car oui, je le pense, un Wii Fit, un Mario, un Counter-Strike, un Black Ops ou un Angry Birds, malgré leurs qualités ludiques indéniables et leur présence nécessaire, renvoient au grand public une image peu reluisante du jeu vidéo. Futile, pantouflard, violent, immoral, addictif, tel sont les adjectifs qui viennent peut-être à l'esprit de certains néophytes. Ces titres ne sont qu'un échantillon de ce qui existe pour moi, mais pour les autres ?

"De toute façon, le jeu vidéo c'est toujours pareil". Je peux comprendre cette réflexion de mon père quand je vois les pubs Nintendo. Un Mario 2D en 2012 : j'ai vu mieux comme preuve que le jeu vidéo a évolué. D'ailleurs, il m'arrive d'être presque géné devant une pub et d'avoir envie de dire : "nan mais tu sais, le jeu vidéo ce n'est pas seulement ça".

 Le nombre de joueurs a-t-il donc tant augmenté que cela si l'on excepte ces pics d'intérêts de la part du grand public ? Combien de joueurs qui ont eu comme première (et dernière ?) console la Wii (console grand public par excellence) peuvent aujourd'hui dire qu'ils connaissent mieux le jeu vidéo ? Ouais, ça fait beaucoup de questions. On est en tout cas encore loin du cinéma en terme de perception de la part du public. Il suffit pour cela de voir avec combien de personnes de votre entourage vous pouvez tenir une conversation sur le jeu vidéo et sur le cinéma. D'ailleurs, la comparaison avec le cinéma s'arrêtera là, car je déteste ça. Par contre, j'en ai marre que ceux qui regardent 5 films par jours (Licence Art du Spectacle bonjour) soient des cinéphiles pendant que nous on se tape le terme "geek". Ludophile ça claquerai quand même un peu plus non ?

Ce qui est certain, c'est qu'un jour viendra où tout cela changera et je le sens bien pour la prochaine génération. J'y veillerai personnellement et en attendant d'avoir un gamin, je vous prépare une petite expérience d'ici la fin de l'année qui s'annonce pleine de surprises.