Certains jeux aujourd'hui nous communiquent leurs informations par le biais d'un système parallèle à l'histoire, sous forme de dossiers à lire, d'enregistrements audio et vidéo, système qui en vient à me lasser de plus en plus.

L'idée de cet article m'est venu après avoir essayé la démo PS3 de Mass Effect 2. Dès le départ du jeu (la démo comporte tout le début), quand on commence réellement à jouer, je trouve que Bioware cherche trop à nous bombarder d'informations pas toujours enrichissantes. Dans une salle remplie d'ordinateurs, on va apprendre quantités de choses sur l'opération chirurgicale de Shepard, le héros ; un message du premier moniteur nous parlera du coût de l'opération, l'autre de sa progression, puis plus loin encore autre chose. Ces informations sont inutiles, car l'intro, et plus tard les dialogues avec divers personnages, nous apprendront plus ou moins les mêmes choses, certes de manière moins détaillées, mais aussi sous une forme plus évocatrice et agréable à suivre.

Bien entendu, il y a toujours des curieux friands de ce genre de détails. Mais il y a une règle qu'on applique au cinéma, et qui me semble tout aussi pertinente pour le jeu vidéo ; éliminer les scènes doubles, éliminer les scènes qui n'apportent aucun élément vraiment nouveau. De manière générale, l'art de raconter une histoire consiste aussi à faire oublier que les informations sont des informations.

On trouve souvent ce genre de narration à base d'enregistrements dans des jeux variés tel que Bioshock, Batman Arkham Asylum, Dead Space ou encore Infamous, pour ne citer que des titres récents. Souvent courtes et inconsistantes, ces informations superficielles ne nous renseignent au fond sur pratiquement rien. Elles n'enrichissent pas le background de manière pertinente. En fait, ces enregistrements ont, d'après moi, deux fonctions ; l'une est qu'elle pousse le joueur à tout fouiller pour obtenir la récompense (souvent le trophée ou succès pour avoir tout déniché). L'autre est que ce système sert aux scénaristes de béquille ; tout ce qu'ils n'ont pas réussi à fourrer dans les cinématiques se retrouvera ainsi sous forme amoindrie, résumée pour ne pas être trop envahissante.

Ou alors on a les dossiers à lire. Donc, d'un côté, on ramasse des enregistrements sans grande utilité, pas longs à écouter, mais pas passionnants non plus, et qui laissent une désagréable atmosphère d'absurdité flotter sur le jeu. Je déteste trouver ces bouts enregistrements dans le coin d'un couloir, je trouve que cela nuit à l'univers du jeu, car je me demande comment ils sont arrivés là, pourquoi untel n'a enregistré que trois phrase sur cette cassette, plus trois autres à propos du même sujet sur une cassette qu'on trouve plus loin. Je me dis à chaque fois que ces enregistrements sonnent faux. Ils ne s'inscrivent pas dans l'histoire du jeu, ils sont là pour le joueur, enregistrés à son intention, ce qui fait sortir la narration du cadre du jeu.

Les dossiers à lire sont souvent beaucoup plus complets, et beaucoup plus pénibles. Lire sur un écran, de base ce n'est pas terrible, prendre de longues minutes pour les parcourir, alors qu'on est au coeur du jeu, ce n'est pas terrible non plus. Personnellement, je ne les lis jamais. Il m'arrive à l'occasion d'en parcourir par curiosité, si l'univers du jeu me plaît, mais rapidement je me lasse. Encore une fois, ces dossiers servant de béquille au scénario s'implantent plutôt mal, il me semble, dans l'ensemble du jeu. Bien entendu, pour créer l'illusion, ces dossiers se présentent sous forme de rapport, de notes scientifiques, etc, comme pour nous prouver que les scénaristes ont bien fait leur boulot, qu'ils ont pondu un univers fouillé.

Seulement, raconter une histoire, ce n'est pas seulement travailler sur le fond, mais aussi sur la forme ; sinon le cinéma n'existerait pas, les romans non plus, et nous passerions notre temps à lire le journal, des livres d'histoire, et à regarder des documentaires à la télévision.

À force de vouloir trop nous en dire, les jeux perdent en évocation. On se soucie moins de la forme, on ne travaille pas assez sur elle. On aura beau me dire, par exemple, que Grand Theft Auto 4 et Red Dead Redemtion ont des univers très fouillés, moi ce que je vois d'abord, c'est combien la forme est absurde. À vouloir être trop généreux, à vouloir trop nous en faire faire, trop nous en faire voir, Rockstar pond des héros qui n'agissent que très rarement en fonction de leur personnalité et de leur caractère. Parce qu'on ne croisera que souvent deux fois les mêmes personnages, on appuie trop le trait, on tombe dans l'approximation et la caricature. Il faut faire vite, quitte à bâcler le travail. Le jeu devient alors aussi crédible que l'émission des Guignols, sauf que là ça ne fait même pas rire. Dans Red Dead Redemption, le grand écart impossible entre Il Était Une Fois Dans l'Ouest et La Petite Maison Dans La Prairie ne fait qu'accumuler les problèmes de cohérences scénaristiques du début à la fin du jeu.

D'une autre manière, je me dis aussi qu'au lieu de vouloir absolument tout nous expliquer sur l'univers de Dead Space, le jeu aurait gagné à nous offrir des personnages un peu plus intéressants, et aussi à conserver une aura de mystère. La quantité, hélas ! et l'exhaustivité ne combleront jamais l'absence de qualité, l'information ne remplace pas l'émotion.

Seuls les gens superficiels ne jugent pas d'après les apparences, disait Oscar Wilde. Un autre auteur (dont j'ai oublié le nom) disait qu'il fallait chercher la vérité, non derrière les apparences, mais dans ce qui apparaît. Quand, au début de Mass Effect 2, deux personnages discutent tranquillement en essuyant des tirs ennemis, je n'arrive pas à me concentrer sur l'information. Je trouve juste la scène complètement débile. Tout travail sur le doublage, la modélisation et l'animation des visages, sur l'ambiance de la scène est alors anéanti par le ridicule de la situation, parce qu'on a voulu trop en dire.