Resident Evil, la peur de perdre ses moyens

La peur dans le premier Resident Evil ne repose pas entièrement sur son ambiance, ses jeux d'ombres et de lumières, ses créatures et ses musiques.

Ce qui nous fait peur, dans Resident Evil, tient beaucoup à sa jouabilité. Nous visons très approximativement, nos déplacements sont loin d'être intuitifs et, avec le changement constant de plans dû à des décors pré-calculés (qui nous empêche souvent d'appréhender le danger), il arrive parfois que nous retournions d'où nous venions sans l'avoir souhaité.

Cette désorientation s'accentue lorsque nous sommes face à un danger ; on s'emmêle facilement les pinceaux à cause de la panique, parfois même retournons-nous vers l'ennemi que nous essayons de fuir. Dès lors, face à chaque nouvelle porte, ce n'est pas tant la peur de découvrir ce qui se cache derrière qui nous fait hésiter, mais plutôt la peur de mal gérer nos déplacements, de mourir bêtement.

Avec un petit inventaire, une carence constante en munitions, un système de sauvegarde pas facile à gérer, la peur vient surtout d'une vulnérabilité exacerbée et d'une jouabilité difficile à prendre en mains.

Silent Hill, la peur du noir

Dans Silent Hill, la peur joue beaucoup plus avec notre imagination. On conserve un personnage vulnérable, peu armé, et cette fois-ci, nous appréhendons mal le danger à cause de la brume et, pire encore, à cause du noir. Une petite radio grésille pour annoncer les créatures, que nous ne voyons souvent qu'au dernier moment lors des phases ténébreuses.

On a souvent dit que la peur dans Silent Hill était psychologique. Personnellement, je ne sais pas trop ce que cela veut dire. La peur de Silent Hill, c'est la peur de l'inconnu, on ne sait pas à quoi s'attendre, ni d'où viendra l'attaque. Cette peur ne joue pas avec notre inconscient, mais bien avec notre imagination. Quand on ne sait rien d'un danger, on s'attend aux pires scénarios.

Encore une fois, comme pour Resident Evil, on mise beaucoup sur notre vulnérabilité et l'impossibilité de bien appréhender la situation. L'ambiance glauque vient accentuer cette peur.

Dead Space, la recette de la peur

Dans Dead Space, nous ne pouvons ni nous plaindre d'une jouabilité défaillante, ni d'une mauvaise visibilité de la situation, ni de notre vulnérabilité (équivalente à celle de n'importe quel FPS équilibré).

EA cherche à faire naître la peur par le biais des jeux de lumières, sans recours exagéré à la noirceur, par les bruitages et des attaques surprises, par une ambiance gore de film d'horreur.

Moi qui suis facilement impressionnable face aux survival-horror, je n'ai pas eu peur une seule fois dans Dead Space. Il y a plusieurs raisons à cela. Quand on a peur dans un jeu (ou même dans la vie), nous cherchons avant tout des moyens de nous rassurer. Il y a le fameux "Ce n'est qu'un jeu !".

Dans Dead Space, c'est d'abord le système de checkpoints et de sauvegarde qui me rassure. Il y a des sauvegardes environ toutes les trois salles, et un système de checkpoints dans chaque. En résumé ; si je meurs, ce n'est pas grave, je peux donc en conséquence facilement prendre des risques. On peut en conclure que, malheureusement, un trop grand confort de jeu peut nuire aux objectifs émotionnels du titre.

L'autre inconvénient vient du fait qu'EA semble appliquer une recette classique de la peur ; je n'ai jamais été surpris. Pour peu que l'on joue prudemment, en se préparant à une attaque surprise à la sortie d'un ascenseur par exemple, aucun script ne peut nous surprendre. Ils sont là où on les attend.

Resident Evil 4, le compromis durant les deux premières heures

Resident Evil 4 est un jeu plus stressant qu'effrayant. Ce stress tient à la fois à son ambiance et son gameplay, surtout dans les premières heures de jeu.

Nous arrivons (de jour !) dans un petit village vaguement espagnol. Contrairement à tous les autres jeux où des gardes nous attendent ou font la ronde, ici les fermiers vaquent à leurs occupations, avant de nous attaquer férocement au premier contact visuel. L'impression d'être un intrus fonctionne à merveille, d'autant plus que nos ennemis nous insultent dans une langue étrangère, renforçant l'impression de solitude.

Nous ne manquons jamais vraiment de munitions, mais nous n'en possédons pas en quantité non plus (au début, je le rappelle). Lorsque nous croisons quelques ennemis, le stress est au plus bas. Mais Capcom nous réserve à quelques occasions des rushs d'ennemis qui nous semblent interminables, on a l'impression de ne pas en voir la fin, d'être débordé, nous manquons vite de munitions, et alors le stress est à son comble.

Les situations se renouvellent souvent, empêchant une routine de s'installer.

L'autre point fort du jeu tient au fait qu'on ne peut pas regarder autour de soi. Encore une fois, le stress repose sur une carence de la visibilité, mais sans que celle-ci soit véritablement handicapante. On voit devant soit, très bien, et sur les côtés. Mais pour voir derrière, il faudra se retourner. Dès lors, lorsqu'on entend un fermier nous insulter sans pouvoir le repérer, on se sent plutôt mal à l'aise.

Plus tard, le jeu perd de sa prestance à tous les niveaux. L'ambiance retombe, nous sommes de mieux en mieux armés, et on finit aussi par comprendre comment gérer les situations, en se déplaçant beaucoup et en utilisant le level-design à notre avantage.

Resident Evil 5, l'incapacité de faire peur

Si Dead Space ne me fait pas peur, il jouit tout de même d'une formidable ambiance. L'ambiance de Resident Evil 5 se résume à une scène au début du jeu, dans laquelle on ne peut rien faire que de se déplacer. Nous sommes dans un village africain, nous marchons, les habitants nous regardent du coin de l'oeil d'un air mauvais. C'est oppressant.

Ensuite le jeu commence, et la peur disparaît.

Resident Evil 5 a tout contre lui, et en premier lieu Resident Evil 4. Une fois qu'on a dompté Resident Evil 4, il semble difficile d'avoir peur dans un jeu reprenant la même jouabilité, aussi réussie que soit cette suite. Nous savons désormais comment déjouer les situations, les tourner à notre avantage. La peur peut difficilement renaître.

Ensuite, si les "lacunes" dans la jouabilité de Resident Evil 4 sont acceptables pour un jeu GameCube, elles deviennent plus difficiles à accepter d'un jeu HD, et donnent l'impression d'un titre dépassé. D'autant plus que ces lacunes nous empêchaient d'avoir une vue d'ensemble de la situation, là où Resident Evil 5 nous octroie une camarade qui couvre nos angles morts. Donc en plus d'être dépassée, la jouabilité particulière de Resident Evil 5 est inutile.

En rapport aux quelques survival-horrors que j'ai parcouru, il me semble que la peur, pour qu'elle demeure, doit beaucoup jouer avec nos frustrations, donc avec un système de sauvegarde contraignant, ou une jouabilité hasardeuse, comme on pouvait en trouver à l'époque de la Playstation 1, autant parmi les survival-horrors que dans d'autres genres de jeu.

Dès qu'un jeu devient confortable à jouer, la peur tend à s'amenuiser. Pourtant, il serait aujourd'hui difficile de revenir à l'inconfort des premiers Resident Evil ou Silent Hill. L'évolution du jeu vidéo n'est pas seulement d'ordre graphique, elle propose des systèmes de jeu toujours plus simples et intuitifs, comme les automobiles deviennent de plus en plus agréables à conduire.

Avez-vous connu des survival-horrors à la fois effrayant, et confortables à jouer ?