Les premiers pas d'IGA

Ce n'est qu'après être sorti diplômé de son université, et suite
aux quelques mésaventures lui aillant valu un licenciement prématuré de sa
première entreprise, que notre jeune IGA intégra la prestigieuse société
japonaise de développement et d'édition de jeux vidéo, Konami. Et ce dans le
courant de l'année 1990.

En tant que jeune recrue, le petit Koji ne fut bien évidemment pas
catapulté sur le devant de la scène pour participer à l'élaboration de titres
appartenant à de grosses licences. Il commença 
son job en travaillant sur un soft à vocation éducative. Malheureusement
ce projet, tué dans l'œuf, ne verra jamais le jour. Le premier véritable jeu, à
bénéficier d'une sortie dans le commerce, sur lequel Koji travailla en tant que
programmeur, fut Detana ! Twinbee, un petit jeu de shoot à scrolling
vertical sans prétention, développé pour l'Arcade et la PC Engine. Il œuvra
aussi, en 1992, sur le portage de Gradius II, toujours pour la PC Engine.

Cependant, le premier titre qui permit au jeune Koji Igarashi de se
démarquer, fut Tokimeki Memorial, un de ces jeux de dragues dont les otakus sont
si friands, sur lequel il occupa le poste de scénariste. Le concept de dating
sim étant assez prolifique et apprécié au pays du soleil levant, le jeu fit un bon
carton sur l'archipel nippon. Tokimeki Memorial
(sorti en 1994 sur PC Engine), et ses amourettes de jeunes lycéens,
constituèrent ainsi le premier grand succès d'IGA.

Grand adorateur de la série Castlevania (Akumajô Dracula en VO)
devant l'éternel, IGA eut le privilège d'assister, sans mettre la main à la
pâte, en ne touchant qu'avec les yeux, au développement d'Akumajô Dracula
X : Chi no Rondo
. Non désireux d'apporter une séquelle à son Tokimeki
Memorial
(de nombreuses suites et spins off verrons néanmoins le jour, sans
Koji aux commandes toutefois), IGA, n'écoutant que son cœur brûlant de passion
pour sa série fétiche, fit la demande d'intégrer la mythique équipe de
développement des Castlevania.

 

Castlevania : SotN, nouveau mètre-étalon de la saga.

En reconnaissance du travail plus qu'honorable effectué surTokimeki Memorial, la demande de Koji Igarashi aboutit, et le voici transféré au
sein de la team Castlevania. En cumulant les postes de programmeur, assistant
director et scénariste, IGA réussit à nous pondre de son postérieur touché par
la grâce Castlevania Symphony of the Night, en 1997 sur la Playstation de Sony.
Suite directe d'Akumajô Dracula Chi no Rondo, SotN allait sortir la série de sa
petite routine pour changer à tout jamais l'idée que l'on se faisait d'un
Castlevania.

IGA réussit un tour de force. Tout en conservant l'héritage de la
série, il la transcenda, que ce soit en termes de gameplay, d'aspect graphique
ou d'atmosphère. Ce fut aussi le tout premier Castlevania qui proposait comme personnage
principal un héro autre que les représentants de la désormais célèbre famille
de chasseurs de vampires Belmont. Ce héros, symbole du changement, fut le très
classieux Alucard, fils du seigneur des ténèbres, mi-homme mi-vampire (déjà
apparu en tant que personnage jouable aux cotés de Trevor Belmont dansCastlevania III : Dracula's Curse).

Avec Symphony of the Night, IGA voulu introduire un système d'évolution,
ainsi que de nombreux autres éléments empruntés au genre du RPG. Le héro peut
désormais gagner des niveaux en accumulant des points d'expérience et utiliser
divers pouvoirs récoltés tout au long de l'aventure. Alucard, n'étant pas
possesseur du fouet légendaire des Belmont, peut manier de nombreuses armes aux
caractéristiques variées, allant de la dague jusqu'à la grosse hache de combat,
en passant par la claymore. Bien sûr le système ancestral des armes secondaires
(eau bénite, haches de lancer, croix boomerang, etc.) qui carburent aux cœurs
de chandeliers fut conservé. A cela s'ajoute une gestion de l'équipement plus
poussée avec de nombreuses pièces d'amure à équiper ainsi que l'apparition d'un
inventaire permettant de stocker potions et autres objets de soutient bien
utiles en cas de coups durs. Cet aspect RPG est d'autant plus renforcé par la
volonté d'IGA d'inclure un scénario plus touffu que par le passé avec
l'apparition plus régulière de scènes de dialogues entres les protagonistes de
l'histoire, à la personnalité un peu plus travaillée.

En ce qui concerne la progression du joueur dans SotN, IGA prit le
parti de s'éloigner quelque peu des épisodes précédents en choisissant une
structure proche de celle de Super Metroid sur Super Nes. Le vaste château de Dracula
est donné comme terrain de jeu au joueur. On évolue avec une certaine liberté
dans ses différentes zones, elles-mêmes décomposées en plusieurs tableaux, là
où les précédents Castlevania se déroulaient en une succession de niveaux plus
ou moins linéaires sans possibilité réelle de retour en arrière. Au départ le
joueur n'a accès qu'à peu d'endroits, et pour progresser il faut affronter et
vaincre des Boss dans le but d'acquérir de nouveaux objets ou compétences
permettant de s'enfoncer plus profondément dans l'antre de Dracula.

D'un point de vu graphique, Symphony of the Night colla une grosse mandale
roborative à tous les joueurs l'ayant découvert à l'époque. Encore aujourd'hui
le titre fait figure de référence en termes de 2D. Jamais auparavant on n'avait
vu des sprites si détaillés et si diaboliquement bien animés, que ce soit ceux
du héro ou du sympathique bestiaire, allant du squelette lambda aux hallucinants
Boss de fin de zone. Et que dire des environnements du jeu, aussi variés que
détaillés, transportant le joueur d'ambiance en ambiance, retranscrivant avec
élégance et goût l'atmosphère gothique si particulière de la série.

Comment traiter de la direction artistique du jeu sans citer les
deux personnes de talents dont a su s'entourer IGA pour faire de SotN un
incontournable, à savoir Ayami Kojima et Michiru Yamane. La première se chargea
du character design des différents protagonistes en leur insufflant cette touche
de noblesse vampirique qui les rend si fascinants, bien loin de l'apparence
plus quelconque des personnages des précédents volets de la série. Ses artworks
aussi gracieux qu'attirants viennent ainsi accompagner les scènes de dialogues,
conférant une épaisseur certaine aux intervenants.

Michiru Yamane, quant à elle, apporta une identité sonore à toutes
ces belles images. Elle composa la bande son de cet épisode en s'imprégnant des
divers dessins et illustrations préparatoires, et réussit avec brio à les
sublimer. Chaque zone possède son propre thème symphonique collant parfaitement
avec la nouvelle dimension d'exploration qu'IGA conféra à cet épisode. Ses nombreuses
compositions ont marqué bien des joueurs, tant et si bien que la dame est
maintenant considérée comme faisant parti du cercle prestigieux rassemblant les
grands compositeurs de bande son de jeux vidéo.

Au final Koji Igarashi fit renaitre la licence Castlevania à grand
coup d'idées de génie, s'accaparant ainsi la licence pour devenir le nouveau
Monsieur Castlevania.

 

Les consoles portables, paradis de la 2D

Akumajô Dracula X: Gekka no Yasukôku(titre de Castlevania : SotN au Japon) ayant maintenant obtenu le statut
de meilleur Akumajô Dracula de tous les temps dans le cœur de nombre de fans de
la saga, IGA continua sur sa lancée afin de lui donner des petits frères et
sœurs.
Cependant avant de se lancer plus avant dans la production de nouveaux volets
de la série, IGA se vit confier la réédition de Akumajō Dracula X68000, un titre sorti sur l'ordinateur personnel
Sharp X68000 en 1993, exclusivement destiné au marché japonais. Ce remake,
rebaptisé pour l'occasion Castlevania Chronicles, eu droit a une sortie
mondiale en 2001 sur Playstation (titre aussi disponible depuis fin 2008 sur le
Playstation store).

La 2D ayant quasiment déserté les
consoles de salon, leur public étant beaucoup plus réceptif aux jeux 3D, Koji
Igarashi se tourna donc vers leurs homologues portables. La Game Boy Advance,
faisant un carton monumental sous toutes les latitudes, s'imposa alors comme
plateforme toute désignée pour accueillir les héritiers de SotN. Deux titres
estampillés Castlevania furent développés sur GBA, sous la direction
d'IGA : Castlevania Harmony of Dissonance et Castlevania Aria of Sorrow,
sortis respectivement en 2002 et 2003 (j'omets volontairement de citerCastlevania Circle of the Moon, ce titre ayant été développé par une équipe de
Konami autre que celle d'IGA). Bien conscient qu'une équipe qui gagne ne doit
pas être changée, IGA fit appel de nouveau à Michiru Yamane et Ayami Kojima
pour ces deux nouveaux opus. Faisant honneur à leur ainé, les deux titres
furent (et sont toujours d'ailleurs) de qualité, les points forts de SotN leur
collant à la peau. Toutefois, malgré une 2D encore plus léchée, et quelques
idées de gameplay plus ou moins rafraichissantes, ils ne purent détrôner sa
majesté SotN. Même si Aria of Sorrow y était à deux doigts.

A l'arrivée fracassante de la
Nintendo DS, c'est sur cette dernière qu'IGA choisit de continuer la série en
2D. A ce jour trois épisodes sont disponibles sur la console portable bicéphale
de Nintendo : Castlevania Dawn of Sorrow (2005), Castlevania Portrait of
Ruins
(2006) et le dernier épisode 2D en date Castlevania Order of Eclesia (2008).
Malgré l'absence d'Ayami Kojima, qui se fit cruellement sentir, Dawn of Sorrowet Portrait of Ruins constituèrent finalement de bons crus, grâce au savoir
faire d'IGA, à une 2D toujours aussi maîtrisée, une animation de sprites au
poil et à quelques petites innovations niveau gameplay (une utilisation de la
fonction tactile limitée, mais néanmoins présente, ainsi qu'un système de
switch entre deux héros dans le cas de Portrait of Ruins). Order of Eclesia,
quant à lui, a su combler le vide laissé par Kojima avec un nouveau Charac
designer de talent, du nom de Masaki, qui croqua avec style les personnages du
jeu, la ravissante et mystérieuse Shanoa en tête.

Entre deux développement sur DS,
IGA fit une petite infidélité à la portable de Nintendo  en proposant aux joueurs PSP, en début 2008
chez nous, de découvrir (ou redécouvrir) Akumajô Dracula X Chi Rondo, épisode
culte s'il en est, datant de l'ère pré-IGA, n'ayant jamais quitté l'archipel
nippon jusqu'alors. Ce remake, baptisé Castlevania : The Dracula X
Chronicles
sous nos latitudes, ne s'éloigna que très peu du jeu d'origine dans
le fond, bénéficiant simplement d'une petite remise à niveau graphique, avec
l'insertion de modèle 3D dans des environnement 2D, de quelques petits ajouts
pour allonger l'expérience de jeu, ainsi que du talent d'Ayami Kojima et son
charac design. Au final le plus gros intérêt de l'UMD est de proposer en bonus
le jeu Castlevania Symphony of the Night en intégralité. Rien que ça.

 

Un passage (casse-gueule) à la 3D

Fort de sa notoriété bâtie sur
ses titres 2D, Koji Igarashi voulu tenter le pari insensé de la 3D. Nombre de
joueur se souviennent encore, parfois avec dégout, des deux premiers
Castlevania qui s'y sont risqués. Deux titres Nintendo 64 qui, bien que n'étant
pas d'immondes bouses dans l'absolu, se tenaient très loin de tout ce qui fait
la magie, le sel, d'un Castlevania. Mais cet IGA c'est quand même l'homme à qui
l'on doit SotN, alors pourquoi pas ? Résultat... plutôt mitigé.

Les bonnes recettes ça fonctionne toujours.
C'est peut-être avec cela en tête qu'IGA s'est lancé dans le développement de
son Castlevania 3D, en transposant la plupart des bonnes idées présentent dans
ses épisodes 2D. Castlevania : Lament of Innocence et Castlevania :
Curse of Darkness
(sortis respectivement en 2004 et 2006 sur Playstation 2,
ainsi que sur Xbox pour Curse of Darkness) sont pour l'instant les deux seuls épisodes
3D de la série créés par IGA. Sans être mauvais, et avec pas mal d'idées plus
ou moins intéressantes, ces deux titres restent finalement très loin de la
surpuissance des Castlevania 2D, malgré la présence des infatigables Kojima et
Yamane, toujours fidèles au poste. Ils constituent néanmoins de sympathiques
jeux d'action/aventure, et sont finalement les premiers Castlevania 3D se
rapprochant, tant bien que mal, de l'esprit des jeux 2D.

Avec tous ces Castlevania, 2D et
3D, on en aurait presque oublié que Koji avait développé autre chose... Cette
autre chose c'est Nanobreaker. Sorti en 2005, Nanobreaker se révéla être un jeu
d'action en 3D sans grande saveur, ne tenant pas la comparaison avec les
mastodontes du genre que sont les Devil May Cry et autres Onimusha. Bref un jeu
moyen que tout le monde s'empressa d'oublier. Mais pardonnons cette erreur de
parcours, après tout on lui doit bien ça. Citons aussi le jeu Elder Gate, un
RPG sorti seulement au Japon, sur lequel IGA aurait travaillé peu de temps
après SotN. Il fit aussi un rapide passage par l'univers des jeux pour
téléphone mobile, en produisant Castlevania : Order of Shadows, sorti en
2007.

Même si en matière de 3D, IGA n'a
pas brillé d'excellence, il reste tout de même un orfèvre de la 2D qui nous
prouve encore aujourd'hui que cette dernière peut encore nous faire rêver. Avec
sa recette miracle initiée sur SotN, ce bon Koji n'a pas usurpé son titre de M.
Castlevania. D'ailleurs à tel point que toute la frise chronologique de la
série fut réorganisée par ses soins, en bannissant même certains épisodes.
Ainsi les trames scénaristiques de Castlevania Legend, Castlevania :
Circle of the Moon
, Castlevania : Order of Shadows et des deux opus N64,
en furent purement et simplement effacées, afin de rendre cohérente la fresque
épique de la lutte millénaire opposant l'humanité à Dracula et ses hordes de
démons, telle que veut la dépeindre IGA.

 

Une erreur de Jugement ?

Koji Igarashi avait lui-même dit
qu'il n'était pas chaud pour développer un Castlevania sur la Wii de Nintendo.
Et paf, probablement du à des forces (démoniaques) qui le dépassent, un
Castlevania est annoncé pour voir le jour exclusivement sur la console de salon
bien aimée des joueurs casual. On oublie l'action/aventure, ce titre prend la
tangente par rapport à ses ainés : on nous 
sert ici un jeu de combat, en 3D qui plus est. Baptisé Castlevania
Judgment
, son annonce est accueillie avec un certain scepticisme par les
amateurs de la saga. Un scepticisme qui devait malheureusement s'avérer
totalement justifié. Tu m'étonnes...

Lors de la présentation en
version jouable de Castlevania Judgement à l'édition 2008 du Tokyo Game Show,
c'est de la déception, teintée parfois d'incompréhension, qui pouvait se lire
sur le visage des joueurs ayant pu s'y essayer. Une réaction du public qui ne
manqua pas d'attrister profondément un IGA venu soutenir et assurer, pour
l'occasion, la promotion du dernier bébé de son équipe.

Même si Koji se démena pour le
défendre, on ne peut que se rendre à l'évidence, Castlevania Judgement est
un échec. Graphiquement très moyen, même pour de la wii, le titre additionne
les écueils, que ce soit en termes de gameplay ou au niveau technique. Et ce
n'est pas parce que d'illustres personnages de la saga, tels que Simon Belmont,
Alucard, Shanoa ou encore Death et Dracula, font leur grand retour, en faisant
de l'œil aux fanboys, que l'on oubliera une gestion de la caméra calamiteuse et
un gameplay convenu, rapidement lassant. L'esprit et l'atmosphère de la saga
semblent même ne pas avoir été invités à la fête, et ce n'est pas la présence
du célèbre et talentueux mangaka Takeshi Obata (Hikaru no Go, Death Note) au
character design qui viendra sauver le titre du naufrage.

Difficilement plus pardonnable
que Nanobreaker, Castlevania Judgement eu droit à un sympathique lynchage en
règle de la part de la critique lors de sa sortie (fin 2008 aux USA, début 2009
au Japon et en Europe). Après avoir touché l'excellence avec ses Castlevania
2D, IGA essuya, avec ce titre là, son plus grand échec.

La saga Castlevania serait-elle
en train d'échapper à notre légendaire Indiana Jones du soleil levant ? Le
développement du prochain épisode, Castlevania Lord of Shadow, ne fut pas
confié à ce très cher IGA, mais, et cela est d'autant plus inattendu et
surprenant, à un Studio occidental, 
Mercury Steam (à qui l'on doit le FPS horrifique Clive Barker's Jericho).
Le tout chapeauté par le papa des Metal Gear, l'inénarrable Hideo Kojima. Apparemment
chez Konami, on serait désireux d'apporter un peu de sang neuf à cette vieille
saga.

Cependant n'allez pas croire que
ce bon vieil IGA soit mis au placard. Ce dernier est toujours dans le coup, et
fait l'actualité avec un remake de Castlevania : the Adventure (épisode
sorti sur Game boy en 1989) disponible depuis octobre de l'année dernière sur
le Wiiware japonais, sobrement intitulé Castlevania : the Adventure
Rebirth. De plus, d'après mon petit doigt, il semblerait qu'IGA et son équipe
œuvrent sur un tout nouveau projet encore tenu secret. Gageons qu'il aura su se
relever du pénible épisode Castlevania Judgement pour nous faire rêver avec un
nouveau jeu, et peut-être, sait-on jamais, autre chose que du Castlevania. Et
puis même si c'est encore un titre à la sauce SotN, qu'importe, je suis
preneur !