Cette théorie du syndrome dans le cadre du jeu vidéo sera illustré à travers Metal Gear Solid 3 et les dernières productions Rockstar. Il y aura donc du spoil.

Ainsi, certains joueurs trouvent que les jeux vidéo parfois sont plus profonds que les oeuvres cinématographiques. Dans Metal Gear Solid 3 (dans le 2 aussi d'ailleurs), le joueur, ébloui par les explications abracadabrantes d'un Kojima en free-style, se régale d'une intelligence pourtant assez douteuse.

À y regarder de près, que trouve-t-on dans Metal Gear Solid 3. D'abord, des boss incroyablement ridicules. De l'homme-frelon à l'homme électrique, du Tortue Génial sniper en fauteuil roulant adepte de la photo-synthèse à The Boss qui se balade en tenue de cosmonaute au milieu de la jungle, à aucun moment on ne peut croire à ce déluge de mauvais goût prenant pour cadre la Guerre Froide. Kojima va plus loin. The Boss aurait donc accouché d'Ocelot durant le débarquement de Normandie. On l'imagine très bien secondée par le soldat Ryan, et Tom Hanks lui conseillant de pousser, au milieu du fracas des bombes. Tout est là pour faire exploser les alarmes du bon sens dont notre cerveau est équipé.

Du côté de la mise en scène, on trouve chez Kojima les pires erreurs de goût, entre les ralentis lourdingues et les gros plans insistants sur les fesses et les décolletés des protagonistes féminines. Il suffirait de retranscrire littéralement le jeu en film pour assister au nanard des siècles, battant Commando et Chuck Norris dans des proportions infinies. Ainsi, quand commence cette profondeur devant surpasser celle du cinéma ? Le joueur, probablement schizophrène, vous dira "Eh, c'est du jeu vidéo !". Car le jeu vidéo, c'est du jeu vidéo, donc avec des fautes de goût excusables, quand cela l'arrange.

Avec Rockstar, notamment Grand Theft Auto 4 et Red Dead Redemption, nous arrivons à un stade plus subtil du syndrome "Planète des Singes". Les incohérences, les fautes de goût restent évidentes, mais plus fines. D'abord, le cadre visuel est réaliste, et même assez bluffant. Si on pardonne les limitations texchniques des machines de cette génération, les univers de Rockstar offrent une immersion qu'on trouve rarement ailleurs.

Le problème se situe au niveau des personnages et des trames. Ils sont crédibles, mais incohérents. Dans Grand Theft Auto 4, Nico Bellic quitte l'Europe de l'Est et débarque à New York dans le but de se venger d'un ancien frère d'arme. Cette vengeance est "morale", dans le sens où Nico Bellic veut punir. D'ailleurs, par l'importance que Nico accorde aux liens familiaux, on voit toujours en lui un homme avec des principes.

Pourtant, et malgré l'obsession de sa quête, il accepte à peu près tous les boulots qui traînent, butant des inconnus sans se poser de question. Il prend le temps de se faire une vie sociale, de sortir avec une dizaine de filles différentes. Parfois, il se souvient qu'il veut se venger.

John Marston, le héros de Red Dead Redemption, est lui aussi un homme à tout faire. Ancien bandit de la bande à Dutch, devenu fermier, les autorités de Blackwater kidnappent sa famille pour l'obliger à tuer ses anciens complices. Que fait John Marston ? Eh bien, dès le début, pressé de retrouver les siens, il fonce à Fort Mercer, tout seul, face à un régiment de bandits (super crédible dès le départ). Forcément, ça se passe mal. Fort de cette leçon, John va alors élaborer une incroyable tactique pour venir à bout de son adversaire ; il surveille du bétail, cueille des fleurs, attrape des chevaux au lasso, aide des débiles qui se moquent de lui (et finit même par les apprécier !??), jusqu'à participer à la révolution mexicaine.

La fin est d'ailleurs assez intéressante. John Marston poursuit Dutch dans une caverne. Dutch monte à une échelle, puis une autre, qui mène sur... un bout de rocher dans la montagne. Le voilà coincé entre John et le vide. Alors, les deux questions qui se posent sont ; Pourquoi avoir fui par là alors qu'il savait où cela allait le mener ? Mais encore : pourquoi avoir fabriqué des échelles menant à un endroit pareil ????

Fort heureusement, le joueur souffrant du syndrome "Planète des Singes" ne se pose pas ces questions. Pour lui, le scénario est réussi car il y a des clins d'oeil à Il Était Une Fois Dans l'Ouest (dans Grand Theft Auto 4 c'était à Heat). Pour le reste, comme le fan de Star Wars qui essaye désespéremment de faire coïncider les incohérences entre la nouvelle et l'ancienne trilogie, le joueur ne manquera jamais d'imagination pour expliquer ce que le simple bon sens réprouve.

D'où vient donc, encore une fois, cette profondeur ? Eh bien, des émotions. Le problème est que si l'on juge de la profondeur ou de la qualité d'une oeuvre par rapport à l'intensité de nos émotions, d'une cette expertise est d'une subjectivité hallucinante, de deux elle est complètement arbitraire. La sensibilité étant propre à chacun, et la raison semblant tendre à nous réunir, personnellement je penche vers cette dernière lorsqu'il s'agit d'apprécier quelque chose.

Ainsi, j'aime Red Dead Redemption, car j'aime en général les westerns, tout en trouvant que c'est un jeu franchement pas terrible sur bien des aspects. Mais peut-être suis trop étroit d'esprit, trop terre-à-terre, préférant, à la fourrure chaude et fournie des guenons, la beauté des femmes.