Je ne me meus que très
rarement sur la capitale et ses alentours. Casanier, il faut vraiment que mes
déplacements en vaillent la chandelle. Dès lors, je ne pouvais passer à côté de
l'événement ludico-culturel de ce printemps.

Un musée consacré au jeu
vidéo. Il y a peu de temps encore, une telle idée était  inconcevable. D'ailleurs,
on peine encore quelque peu à y croire tant le jeu vidéo n'est pas encore affranchi
des mauvaises réputations qui entachent son nom. Violences, addictions et
autres désinformations tendent en effet à brider l'approche culturelle et sociale
de ce médium. Quoiqu'il en soit, certains pouvoirs publics ont trouvé bon de se
pencher vers ce domaine culturel à l'impact économique considérable (lrappelons que 'industrie
du jeu vidéo génère un revenu plus important que celui de la musique ou du
cinéma).

 

Initiative du musée

 

Assez étrangement positionné
sur le toit de la Grande Arche de La Défense, ce musée se situe à côté de celui
consacré à l'informatique (créé il y a deux ans) et fait écho à l'exposition « Rétrogaming :
30 ans de jeux vidéo » qui a eu un franc succès l'été dernier. Initialement
née d'un projet commun entre MO5 et Alerte Orange, cette initiative se présente
finalement comme étant issue d'un partenariat entre Alerte Orange et le
Ministère de la Culture et de la Communication et propose de retracer l'histoire
du jeu vidéo sur 200 mètres carrés.

C'est donc avec un certain
enthousiasme que je me suis empressé de visiter ce premier lieu 'officiel' et
public contribuant à la conservation du patrimoine vidéoludique.

 

Hall of Fame

 

Il fait plus frais qu'il n'y
paraît. A ne pas s'y tromper, nous sommes au printemps. Le vent souffle de
toutes parts entre les jambes de l'Arche, même si les pans vitraux tendent à
atténuer les bourrasques. Une fois dans le bâtiment, l'ascenseur nous expulse au
sommet en un tour de main. Les oreilles se bouchent, l'attente est à son
paroxysme. Les portes s'ouvrent et l'on est accueilli par une figurine de Sam
Fisher taille réelle. Pour le gamer que je suis, difficile de ne pas faire le
rapprochement avec la sortie imminente de Splinter
Cell Conviction
, même si je sais que ce n'est que le fruit du hasard.

Un couloir se présente alors.
Il est recouvert de panneaux retraçant quelques faits marquants de l'histoire
de l'informatique. Puis le hall. Moyennement spacieux et en partie jonché de poufs
très prisés des jeunes enfants, cette pièce présente les restes d'une soirée de
présentation : des tréteaux empilés et des bornes d'arcades, visiblement
pas à leur place, longent le mur. Peut-être trop naïf, j'avais espéré
rencontrer lors de cette matinée quelques visages connus du 'milieu'. Mais j'apprends
très tôt qu'il n'en sera rien, compte tenu de l'inauguration qui a eu lieu la
veille. Ce n'est rien,. Cela ne m'empêche pas de contempler non sans une certaine
admiration les différentes oeuvres d'art portant sur le jeu vidéo, exposées
alors. Les esquisses de Metin Seven, Mike Mitchell et consorts tendent à
plonger le visiteur dans l'ambiance. C'est ici que le visiteur a le choix entre
les domaines informatique et vidéoludique.

 

It's a pixel's, pixel's,
pixel's world

 

A l'entrée du musée, le
court-métrage Pixels de Patrick Jean
est diffusé sur un écran, histoire de mettre le visiteur dans l'ambiance :
l'univers du jeu vidéo, un monde progressivement grappillé par les pixels. Pris
au premier degré, ce film peut paraître anxiogène, mais au-delà de ça, il
symbolise la conquête du monde par le jeu vidéo. Nul n'y échappera, nous sommes
déjà contaminés... mais ludiquementcontaminés.

Puis le musée s'ouvre à nous,
présentant l'Odyssey, première console de l'histoire, sortie en 1972 et conçue
par Ralph Baer, celui qui a créé Tennis,
le précurseur de Pong, et fit de
Nolan Bushnell un millionnaire. La petite histoire est d'ailleurs contée au
travers d'un tableau explicatif et d'un extrait vidéo de La fabuleuse Histoire du jeu vidéo. Il en sera d'ailleurs de même
à travers tout le musée, ces tableaux et vidéos permettant aux visiteurs plus
ou moins néophytes de recontextualiser les consoles dans leur époque.

Lemusée se voit ainsi réparti
en plusieurs périodes : consoles 8 et 16 bits, 32 bits, 128bits, next-gen...
ainsi pour chacune de ces catégories, les consoles sont toutes exposées les
unes à côté des autres au risque même d'être entassées. Il y a également des vitrines
consacrées aux consoles portables et au fameux Game & Watch de Nintendo.

On notera la présence de deux
bornes d'arcade redesignées de jeux ô
combien classiques : Pac-man etPong. Car proposer un musée du jeu
vidéo sans pouvoir jouer aurait été quelque peu paradoxal. Le jeu vidéo ne
prend-il pas tout son sens lorsqu'il est pratiqué ?

Côté déco, le musée du jeu
vidéo se veut sobre arborant un contraste entre clair (murs, panneaux) et obscur
(sol) à noter toutefois l'aspect très seventies de la façade servant de trame
de fond à la présentation des premières consoles de l'histoire. Si les
panneaux, rigoureusement placés, servent à détailler les différentes périodes
de l'histoire, d'autres nous présentent également les différents métiers des
jeux vidéo ainsi que les plus grands acteurs de ce domaine, comme Yu Suzuki,
Michel Ancel, Peter Molyneux ou encore la sublime Jade Raymond (à noter
toutefois que ces présentations sont très succinctes et se révèlent nettement
mieux détaillées sur le site du musée).

D'autre part, une fausse borne
d'arcade a été créée, permettant aux visiteurs de voir des extraits de
reportages portant sur quelques unes des plus grandes icônes du jeu vidéo, parmi
lesquelles on compte Mario, Zelda, Sonic et autres...

Une jolie manette Gamecube, bien atypique!

 

On prend un certain plaisir à
déambuler à travers toutes ces consoles et baigner dans un tel univers donne de
suite envie de s'y replonger (même si l'on à peine de quitter Uncharted 2). Ce site permet d'observer
de plus près certaines raretés comme le Virtual Boy, la Nec PC Engine ou encore
la Néo Géo, pour ne citer que quelques-unes des consoles les plus atypiques. De
même, cette visite sera l'occasion de découvrir des choses que même les plus
aguerris des geeks peuvent ne pas connaître. Pour ma part, j'ignorai l'existence
du multi-mega de Sega (console à l'allure de lecteur de CD portatif permettant
de lire des jeux Méga-CD mais également mégadrive) ou du HDD de la PS2.

Dans un coin,  une vitrine expose les goodies et autres
produits dérivés des jeux et montre, si l'on en doutait encore, que Nintendo s'est
assigné la place de maître en la matière avec notamment un Super Mario Chess assez surprenant. Dans cette partie, on trouve
aussi des jeux ou jouets estampillés Donkey
Kong
ou Space Invaders mais
également de nombreuses figurines dont celle du héros de Dragon Quest VIII.

 

 

Du côté du grand frère

 

Une fois sur place autant en
profiter pour se rendre à la partie réservée au doyen du numérique. Ainsi me
suis-je rendu à la section informatique jouxtant le musée du jeu vidéo. Ici est
contée une histoire bien plus vieille prenant ses racines à la fin du XIXe
siècle avec notamment l'exposition des premiers calculateurs. Cet autre musée a
également son lot de curiosités avec l'exposition de périphériques en tout
genre (joysticks) mais surtout de nombreux ordinateurs issus des années 70 et
80, lorsque le domaine informatique était en pleine explosion. Ici, l'univers est
assez kitch, avec des présentoirs oranges aux angles ronds. On aurait bien vu
une telle décoration dans un film de Kubrick.

Dans le prolongement de ce
musée, on trouve une porte qui donne sur le toit et offre une vue imprenable
sur tout un pan de la capitale. Une boutique est également mise à disposition
des clients, mais hormis quelques légers ouvrages sur l'informatique et le DVD
de La fabuleuse histoire des jeux vidéos,
elles n'offre pas grand-chose en rapport avec le domaine vidéoludique et se
borne à proposer de simples souvenirs de Paris somme toute assez sommaire.

 

 

Work in progress

 

Autant le concéder de suite,
ce musée n'est pas parfait. Et la seule évocation de 200 m2  d'exposition et de 200 pièces proposées aura
tôt fait de conforter les plus sceptiques dans ce sens. Car effectivement, si
les consoles et leurs divers modèles sont assez nombreux, on notera toutefois
que celles-ci sont un peu trop entassées les unes à côté des autres.

Une simple vitrine de deux
volets rassemble à elle seule toutes les consoles 8 et 16 bits. Pour une période
signant la pleine expansion du jeu vidéo mais également sa première crise, il
est évident que ça fait un peu léger. La bataille entre Sega et Nintendo dans
les années 80 et 90 mérite à elle seule davantage de considération.

Mais on imagine évidemment
fort bien que les organisateurs n'ont pu trop s'épancher sur ce conflit comme
sur de nombreux autres phénomènes vidéoludiques faut de place. Et c'est ici que
le problème de la surface... refait surface, si l'on peut dire. Car 200 m2, c'est évidemment trop
peu pour prétendre retracer tout une histoire d'une subculture désirant être
reconnu comme étant une culture à part entière.

Ce problème est d'ailleurs
assez révélateur de l'image qu'a le jeu vidéo. Celui que certains considèrent
déjà comme étant le dixième art semble encore souffrir quelque peu de son image
et de son manque de reconnaissance sociale.

C'est tout à leur honneur que
les pouvoirs publics tendent à légitimer le domaine vidéoludique, mais il
semble assez évident que les choses risquent de prendre du temps et c'est ainsi
que le musée du jeu vidéo se voit être paradoxalement complet et sommaire,
intéressant et lacunaire à la fois.

D'autre part, tout est sous
vitre, ce qui semble logique dans un sens de préservation du patrimoine, mais
extrêmement frustrant pour les plus nostalgiques. Même si, encore une fois,
cette démarche se comprend, surtout après avoir vu quelques jeunes taper sans
ménagement sur le clavier d'un des ordinateurs exposé.

 Il en est de même pour les jeux qui sont, pour
leur majorité, aux abonnés absents. En effet, seuls quelques rares jeux
emblématiques des consoles proposées sont exposés au publique (par exemple Shinobi pour la Master System), ce qui
constitue un manque cruel et intolérable. Faute de place, encore une fois. A
titre personnel, il m'a été douloureux de ne pas pouvoir prendre la boîte de Mario's Tennis sur Virtual Boy entre
mes mains, ne serait-ce que pour voir les screenshots au dos et lire le petit
texte récapitulatif vantant le titre.

De même, s'il y est clairement
fait référence au long de la visite, l'arcade n'est pas assez mis à l'honneur.
On aurait souhaité voir de véritables bornes d'arcade exposées. De même, les
plus curieux auraient apprécié voir l'intérieur d'une de ces machines, avec ses
différents composants. Mais manque de place...

Côté librairie, espérons que
la boutique saura se doter à terme de quelques ouvrages de références comme les
livres désormais cultes des éditions Pix n'love.

 

La mise en place du musée du jeu vidéo est une très bonne initiative
qui vise à réparer une injustice vieille de trente ans : inclure le
domaine vidéoludique au patrimoine français. Mais il souffre encore beaucoup
des accusations portées à son encontre et sa réputation est loin d'en être
lavée. Il faudra donc du temps, de la considération et surtout beaucoup plus de
moyen avant que le jeu vidéo ne soit véritablement considéré comme un art et un
produit culturel à part entière. On notera, à ce titre, que le travail en terme d'information reste assez pauvre sur place mais se révèle un peu plus riche sur le site internet du musée.

En somme, cet événement relève davantage de l'exposition que du musée. Car, encore une fois, 200 m2 pour présenter un médium vieux de quarante ans, à l'aspect économique et culturel incontournable, c'est bien trop peu.

Cette exposition de consoles de jeu s'adresse donc davantage aux non-initiés qui se décideraient enfin à considérer le jeu vido sous un aspect culturel.  Amateurs et connaisseurs, eux, risqueront de rester sur leur faim.

Reste à espérer que l'association MO5 parvienne à profiter de cet
engouement somme toute assez 'branché' pour l'habilitation culturelle du jeu
vidéo en obtenant les fonds nécessaires à l'élaboration du Musée National des Jeux Vidéo qui, s'il parvient à être mené à bien, devrait
tenir toutes ses promesses.

 

Musée
ouvert de 10h à 19h 7 jours sur 7.

Tarifs :
10 euros pour les adultes.

             8.5 euros pour les enfants et
étudiants.

 

(les lecteurs pardonneront la qualité pour le moins médiocre de mes clichés)