J'ai lu à quelques reprises que le gameplay est un élément archaïque du jeu vidéo. Ma première réaction est de trouver cette affirmation idiote, car pour moi c'est le propre du jeu vidéo, comme la photographie en mouvement est celui du cinéma. D'un autre côté, combien existe-t-il de jeux dont je trouve le gameplay vraiment bon ? Les jeux qui m'ont semblé innovateurs n'ont pas connu de véritable épanouissement. Y'a-t-il des descendants de Bushido Blade aujourd'hui, en dehors de jeux de niches dont ne parlent pas les gros sites ? Les mécaniques abstraites elles se retrouvent partout. Par son succès, Modern Warfare a contaminé d'innombrables autres licences. Quelqu'un invente une nouvelle option qui a du sens dans son jeu, les autres vont la recopier même si elle n'a aucune justification. Grâce à des gadgets technologiques, Batman peut voir à travers les murs. Grâce à... rien, l'Agent 47 aussi... Monster Hunter a engendré des clones sur console portable. Ça ne date évidemment pas d'aujourd'hui. Les J-RPGs avec leur système de magie opposant le feu à la glace ont fait en partie la gloire de la PS1 et PS2, même s'ils donnaient l'impression de tous se ressembler, de toujours tomber dans les mêmes clichés.

À partir de là il me semble logique qu'une part des joueurs n'aiment pas vraiment jouer, ou rarement, et qu'ils considèrent donc le gameplay comme un élément handicapant leur plaisir, une sorte de travail ingrat à effectuer pour jouir de ce qui les intéresse vraiment. On pourra toujours leur dire qu'ils se trompent de média, mais le problème n'est pas là. Ce n'est pas un désamour du jeu vidéo qui les travaille, mais un désintérêt des jeux vidéo. Si on retourne le problème, c'est au fond la même réflexion que se font les adeptes du gameplay. "Le scénario on s'en fout, c'est le gameplay qui compte" vient-il réellement d'un manque d'intérêt pour une histoire racontée dans un jeu vidéo, ou parce que ces histoires sont majoritairement médiocres depuis toujours ? Qu'elles ne sont jamais vraiment impliquantes, et donc que l'adepte du gameplay a appris à en faire abstraction pour se concentrer sur ce qui l'intéresse ?

En somme, si l'un trouve assommant de tuer 600 pirates dans Uncharted, l'autre tape du pied durant les cinématiques plagiant Indiana Jones. Si l'un trouve assommant de tourner en rond pour leveler dans Final Fantasy 7, l'autre spamme une touche pour passer les dialogues interminables d'adolescents sauvant le monde d'un énième ennemi cosmique. Et si on les écoute tous les deux, scénario ET gameplay sont inutiles dans le jeu vidéo. Que reste-il alors ? Pas grand-chose.

Beaucoup de joueurs ont dit non à Heavy Rain. Mais The Walking Dead n'a pas eu le même accueil. On pourrait conclure de manière simpliste que leurs avis ne sont pas cohérents, comme si ces deux jeux étaient jumeaux, ou comme si, dans un autre genre, aimer un FPS devait obligatoirement nous faire aimer tous les autres FPS. Si on balaye le blabla théorique sur les mécaniques de jeu qui sert à justifier nos opinions, les vôtres comme les miennes, on en arrive à une réponse simple. Le non à Heavy Rain, c'est un non à la médiocrité, la nullité crasse. Le oui à The Walking Dead lui ne veut pas dire que le jeu est parfait, mais au moins de qualité. Les adeptes du gameplay feront pour une fois exception à leurs principes. Mais ont-ils réellement des principes ? Ou est-ce les exceptions qui manquent cruellement ?

Pour certains David Cage fait avancer le jeu vidéo dans le bon sens, pour d'autres non. À tort ou à raison ? Honnêtement, ma réponse personnelle, c'est que faire évoluer le jeu vidéo, je m'en fiche royalement. J'aimerais juste avoir des jeux de qualité. Les innovations servies par des histoires nulles et des gameplays pourris, j'ai assez donné. Si les joueurs restent sensibles au graphismes, à la baffe technique, alors qu'ils la dédaignent facilement au cinéma si le film ne leur semble pas de qualité, c'est peut-être aussi parce que notre rappprt aux jeux vidéo reste superficiel malgré les années de pratique.

Chacun de son côté se fait son idée du jeu vidéo, de ce qui le constitue, de ce qui fait son essence. Les joueurs se divisent, car les jeux ne sont pas pleinement convaincants. Divisés entre adeptes du gameplay et réfractaires au gameplay, entre gamer et casual, alors qu'au fond tout le monde joue plus ou moins aux mêmes jeux, et que ces distinctions sont probablement le reflet d'un problème qui touche bien plus les productions que les joueurs. Entre les jeux qui se prennent pour des films dont vous n'êtes pas le héros, les shooters con-con qui alignent 72 arènes, les expériences poétiques qui restent dans le flou pour simuler l'intelligence du propos, les licences qui n'en finissent plus, de Fire Emblem à Splinter Cell, de Final Fantasy à Mario Bros, le gameplay reste à mes yeux, indubitablement l'élément-clé du jeu vidéo. Archaïque ? Certainement pas.

Mais ringard, tellement ringard, à tel point qu'on a vu naître une génération de joueurs sur youtube, et que les joueurs en majorité ne finissent pas leurs jeux. Et là je pense que tout est dit.