Bien loin de la simple performance esthétique qui scotche devant l'écran à grand renfort de moteurs graphiques dernière génération, celui que l'on peut très justement qualifier de média sait également mettre en scène des relations humaines complexes, parfois poignantes, capables de tirer une larme même aux aficionados du head-shot les plus endurcis.

J'omettrai volontairement dans cette article le cas de jeux à choix multiples tels que les licences Mass Effect, The Witcher, Dragon Age  etc... afin de m'attarder sur le cas bien précis de jeux qui, sans forcément donner le choix des actes au joueur, ont su mettre en scène avec brio des duos de personnages.

 

Joue avec moi

L'intérêt premier que présente notre nouveau compagnon de (més)aventures virtuelles réside dans les perspectives de gameplay qu'il ouvre et dans la dynamique nouvelle que crée sa présence à l'écran.

Bien loin d'être un faire-valoir, cet acolyte développera souvent au fil de l'histoire une vraie complicité avec le héros, et par extension avec le joueur, et sa présence s'avère bien souvent indispensable à la progression dans le jeu ou contribue tout du moins à dynamiser le gameplay. On retient ainsi l'exemple d'Elizabeth (Bioshock Infinite) qui aura tôt fait de vous lancer des munitions au moment opportun, ou encore la façon qu'aura Ellie (The Last of US) de poignarder un infecté vous collant d'un peu trop près,  sauvant au passage vôtre peau.

Booker et Elizabeth dans le feu de la bataille.

 

Ce dynamisme dans la relation liant le joueur à cette IA et la notion d'interdépendance en découlant, trouve son paroxysme dans Amy où la présence de la petite fille à vos côtés s''avèrera littéralement indispensable à votre survie (sous peine de vous transformer en infecté), et vous mettra sous tension quand vous devrez demander à cette dernière de s'enfoncer dans un tuyau de ventilation pour vous ouvrir une porte.

 S'éloigner de Amy nuit très gravement à la santé...

 

A l'inverse de de ces exemples d'IA réussies, on trouve aussi quelques cas de compagnons virtuels dont l'incompétence, frôlant souvent la débilité profonde, mettra à mal votre plaisir de jeu et le bon déroulement de la partie tels que Sheva Alomar (Resident Evil V) dont la fâcheuse tendance à s'accaparer les munitions au combien précieuses, additionnée à une incapacité chronique à toucher un zombie au milieu d'un couloir, aura tôt fait de vous faire jouer avec un coéquipier bien humain (et on l'espère moins empoté).

 C'est bien joli d'avoir un gros fusil à pompe, encore faut-il savoir s'en servir...

 

De l'adulte à l'enfant

Car il est vrai que le jeu vidéo traîne encore derrière lui cette image de jouet virtuel pour enfant ou pour adolescent, on a tendance à oublier que la moyenne d'âge du joueur français est d'environ 30 ans (35 aux États-Unis).

Partant de ce principe il n'est pas surprenant de constater qu'un nombre croissant d'œ'oeuvres vidéo-ludiques traitent de thèmes très ancrés dans la vie d'adulte tels que la paternité et la relation tantôt fusionnelle, tantôt conflictuelle, qui lie l'enfant au parent. Ce jeu de miroirs entre le héros adulte qu'incarne le joueur et l'enfant (ou tout du moins le jeune adulte) l'accompagnant est propice à la mise en place de situations faisant ressortir des enjeux humains importants. En sortant le joueur de l'éternelle monotonie d'une aventure solitaire, l'ajout de ce regard neuf sur ses actes le mène à s'interroger sur le bien fondé de ces derniers : Clémentine (The Walking Dead) sera horrifiée et désapprouvera les choix de Lee si ces derniers s'avèrent immoraux, Elizabeth (Bioshock Infinite) questionnera Booker DeWitt sur la violence de ses actes et Ellie (The Last Of Us) fera renaître les instincts paternels de Joel qui renoue ainsi avec un certain sens du devoir depuis longtemps oublié.

Ellie sera elle aussi confrontée à la violence du monde et devra y faire face.

 

De grands moments de poésie

Vous venez de vous débarrasser d'une dizaine d'ennemis à l'aide de vôtre fidèle fusil à pompe, ou plus simplement en faisant fondre la chair de ces derniers à l'aide de votre tonique dernièrement acquis et... vous découvrez une guitare dans les vieux quartiers de Colombia, Elizabeth entame une chanson apaisante.

Dans une ville dévastée par l'infection, Ellie s'extasie à la vue d'une girafe échappée d'un zoo.

Vous poussez Clémentine sur une balançoire et discutez avec elle alors que le matin même vous avez échappé de justesse à une attaque de mort-vivants avide de chair fraîche...

C'est dans l'ajout de ces petites pépites d'émotion dans un univers bien souvent violent que réside le plus grand apport émotionnel que permet votre compagnon, effectivement, de par l''innocence caractéristique de son jeune âge, ce dernier saura apporter une note de légèreté qui contribue à enrichir la gamme d'émotions exprimée par l'œ'oeuvre, faisant du jeu vidéo, bien plus qu'une expérience purement ludique, un support propice à la mise en place de relations humaines riches et parfois plus complexes qu'il n'y paraît.

 

L'ajout d'un compagnon virtuel auprès du joueur, en plus d'ouvrir de nouveaux horizons de gameplay, offre surtout un contexte propice à l'exploration de la nature des relations humaines, et ce sous un angle jusqu' alors jamais abordé de par les nombreuses possibilités interactives qu'offre ce media. Cette tendance, si elle se développe, constituerait un véritable gain de maturité pour le jeu vidéo qui, encore jeune, n'ose pas (ou très peu) aborder les thèmes sensibles, parfois choquants, qu'offre l' étude de la nature humaine.