L'objectif d'un tel article est d'insister sur la nécessité, parfois, de laisser décanter les impressions et les émotions ressenties avant d'entériner son jugement, autorisant ainsi la révision de son appréciation initiale grâce à l'épreuve du temps.

Il est vivement conseillé d'avoir joué et terminé le jeu avant de lire ces prochaines lignes.

 

 

                                                  JUIN 2013 : Première partie 

 

  

                    L'évidence du premier run est là : The Last Of Us, ce sont treize vraies bonnes heures de jeu, intenses et poignantes, un ride hyper solide même si nettement en deçà d'Uncharted 2, le maître-étalon de ces dernières années en matière de rythme parfaitement calibré. Si une légère frustration liée au gameplay peut vite poindre, gardons-nous de pousser trop loin la mauvaise foi ; le réticule de visée est certes fébrile au départ mais deux améliorations permettent d'y mettre un terme relativement rapidement selon notre sens des priorités.

Si le jeu est incontestablement très cyclique par sa propension à fonctionner autour des mêmes séquences (c'était déjà le cas des trois Uncharted mais la dynamique générale et l'humour noyaient mieux le poisson), c'est plutôt le manque de sensations éprouvées lors des affrontements qui déstabilise dans la première moitié du scénario. Les balles manquent, mais en fait jamais vraiment, une pelletée de pétards dont on ne sait que faire s'accumulent, opter pour l'infiltration finit souvent en boucherie bref, difficile de comprendre grand chose au positionnement du jeu sur ce point d'autant plus qu'on est rarement fixés sur le fait qu'une zone doit être vidée ou non de ses méchants, avant de mourir cinq fois comme une brêle et de finir par foncer dans le tas par dépit.

 

 

Toute ressemblance avec une personne virtuelle est purement fortuite

 

Le scénario et son exécution sont bigrement efficaces, même si passer immédiatement après The Walking Dead en proposant un canevas plus ou moins similaire altère un peu le jugement : j'avais développé beaucoup plus d'empathie pour Lee et Clementine, des personnages mieux écrits dans un récit laissant la part belle à la contemplation et aux choix instinctifs.

Ces moments manquent cruellement dans The Last Of Us, un "jeu adulte" qui nous incite au moindre temps mort à aller récupérer des lames et des bouts de chiffon le ventre vide. Ce n'est pas la maladie du flingue à tout va qui gangrène le jeu ici, mais plutôt la maladie de la collectionnite aiguë, dénuée d'à propos et totalement hors-sujet, altérant à la longue un jeu qui aurait gagné à s'épurer de ces artifices.

A ce titre, les nombreuses phases "oh tiens, ça a l'air d'être le chemin principal et ça un vulgaire cul-de-sac mais allons voir le cul-de-sac avant de déclencher le script, car c'est toujours là que sont cachés les boulons super utiles" n'ont pas du tout leur place dans une expérience de ce type et frisent même le ridicule vu l'ambition déployée tout du long.

Il faut toutefois louer la finesse des choix moraux effectués par Joel et sa mutation progressive en vengeur égoïste et impitoyable bien développés au cours d'un arc narratif qui fait sens entre les lignes. Certes, The Walking Dead est arrivé avant et a fait mieux sur ces points mais la qualité d'ensemble des timings, des interactions et des expressions faciales, absolument magistrales, font quand même de The Last Of Us une expérience marquante.

Malgré tout, au regard de la hype et de la longue attente suscitée, ce premier run s'avère être une franche déception. Je ne retoucherai plus au jeu avant de longues semaines.

 

 

                                                OCTOBRE 2013 : Seconde partie

  

 

                 Trois mois s'écoulent. A l'instar de nombre d'entre vous, la seconde quinzaine de septembre est consacrée à GTA V. Pourtant, courroucé par un scénario qui se complait dans la facilité, le jeu me donne, sans que je puisse y apporter une explication tangible, l'envie de revenir à The Last Of Us. Quelques jours après avoir terminé et digéré GTA, j'y reviens donc, naturellement.

Après avoir fini TLOU pour la première fois, l'envie m'avait tout de même démangé de le relancer immédiatement. Malgré la déception et l'amertume d'avoir joué au dernier jeu de Naughty Dog sur PS3 sans véritablement pouvoir l'apprécier, cela m'avait titillé. Mais même les réminiscences de runs jouissifs à la chaine des précédents Uncharted ne m'encouragèrent pas à franchir le pas.

Le temps était donc venu, trois mois après, de retrouver TLOU et de l'aborder avec un œil nouveau. Le scénario connu, le positionnement des monstres et les instincts de gameplay encore vaguement en mémoire, j'y retournais presque malgré moi. Car très rares ont été les jeux à bénéficier d'une telle indulgence ces dernières années tant il devient de plus en plus difficile de concilier une « vie d'adulte » avec le jeux vidéo.

 

 

"T'avais pas dit que tu voulais me raconter un secret, enfoiré ?" 

 

 

D'emblée, je choisis de rejouer à TLOU en mode survivant. A mon sens, c'est de cette décision initiale que va découler tout le reste. En survivant, TLOU se révèle être le jeu qu'il aurait dû être dès le départ : organique et viscéral. Joué au casque, il force à écouter le souffle des claqueurs avant de s'engager la peur au ventre, à frémir en entendant les courses furieuses d'ennemis se ruant vers vous alors que le chargeur n'affiche que deux balles. Les combats au corps à corps prennent immédiatement une autre dimension, chaque coup mal porté menant à une inévitable perte. Les munitions se raréfient, l'attention doit être totale et constante. En optant pour ce niveau de difficulté, j'ai l'impression de revenir aux sensations archaïques des survival horror PSone où chaque mauvaise décision se payait comptant.

C'est dans ce climat irrespirable, parmi les monstres nauséabonds, que protéger Ellie me paraît devenir une évidence. Très vite, l'empathie se développe. Bien entendu, elle court toujours comme une folle au devant des ennemis tandis que je fais preuve de la plus grande prudence afin de n'éveiller aucun soupçon. C'est d'ailleurs le seul défaut du jeu, l'unique concession faite au réalisme des situations.

Ce second run me permet également d'apprécier toutes les nuances et les subtiles interactions entre Joel et Ellie dont l'amitié grandit à travers les épreuves et les difficultés. Après la perte initiale de sa fille qui le marquera à jamais au fer rouge, Joel ne peut pas perdre Ellie. A quoi bon résister, subsister et lutter férocement jour après jour dans un monde en déliquescence si ce n'est pour défendre la chair que l'on aime ? Ces questions, les réactions à fleur de peau de Joel, écorché vif qui ne demandait qu'à protéger un être cher à nouveau amènent TLOU vers des cimes que peu de jeux sont déjà allés tutoyer.

 

 

Arrête tes conneries, tu vas me faire chialer...

 

 

Peut-être moins poignante que la relation Lee/Clementine de The Walking Dead - on y revient toujours - Joel/Ellie forment indéniablement l'un des plus beaux duos du jeux vidéo. Incarner Ellie, plus tard dans le jeu, finira de révéler la quintessence de cette relation père adoptif/fille adoptive, alors que l'urgence de sauver Joel se fait totale.

A la réflexion, je crois qu'il n'existe rien de plus éloigné dans la forme que The Last Of Us et Beyond : Two Souls. Les deux jeux tendent à embarquer le joueur dans une expérience interactive poignante et se détachent tous les deux de la majorité des autres productions par un impératif narratif très important. Or, le tour de force de TLOU est de parvenir à agencer cette narration au cœur du jeu, au cœur du gameplay. En effectuant des choix forts ou en se baladant, en observant la candeur d'Ellie entre deux phases d'action, TLOU raconte une histoire qui se donne à vivre, manette en mains.

Une histoire différente des précédentes productions du studio et qui prouve, encore une fois, l'immense talent qu'ont les équipes de Naughty Dog à nous faire vivre des aventures qui élèvent le média et qui nous font aimer jouer, année après année, tout simplement.

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