En effet, on à tendance à mettre ces 2 jeux dans un même panier à cause d'un gameplay proche, tous 2 se présentant comme ce que la majorité appelle du « cinéma interactif », mais que je préfère pour ma part appeler du « jeux-vidéo narratif ». Je vais m'arrêter un instant sur ma vision de ce type de JV qui fait son apparition aujourd'hui. Ce sera surement pas forcément très intéressant pour la plupart d'entre vous, mais il me semble plus pratique d'en parler ici une bonne fois pour toute plutôt que d'en refaire un article qui reviendra à dire la même chose. Vous pouvez aller directement au paragraphe suivant pour le débat TWD vs HR lui même, il n'est en effet pas obligatoire de lire ce qui suit.

Cinéma interactif ou Jeux-vidéo narratif ?

Beaucoup de joueurs utilisent le terme de « cinéma interactif » de façon péjorative, insinuant que tel jeu ne se concentre que sur son histoire plutôt que sur son gameplay, simple et à la portée de tous. De fait, amoureux de tout art narratif et voyant dans les JV un support narratif incroyable et prometteur, je déteste ce terme.

Bien sur, je conçois qu'on puisse penser qu'un jeux-vidéo c'est un truc où tu joues un personnage que tu dois amener d'un point A à un point B avec 2 joysticks et beaucoup de mécanique de gameplay laissant une certaine liberté aux joueurs, c'est ce à quoi nous sommes habitués depuis notre plus tendre jeunesse de gamer et gameuse. Mais je vous avoue que j'ai du mal avec les gens peu ouvert d'esprit qui s'obstinent à ne vouloir que cela au point de déféquer sur les jeux à ambition narrative, même si ces derniers vous mettent sur des rails. Pour faire une comparaison, je pense souvent à l'exemple du cinéma (on y revient), ou certaines personnes s'obstineront à chier sur les films dits « intellos » ou à contrario les films de « divertissements ». Il n'y a rien de plus dérangeant qu'un débat là-dessus et de se faire resservir les mêmes arguments à tout bout de champ (faisant des études dans l'audiovisuel, je peux vous dire que j'ai du mal parfois), tout simplement par élitisme ou par peur d'aimer un bon gros films bourrins parce que c'est pas bien ou de film intello parce que c'est de la branlette pour Télérama et consort. Un véritable cinéphile, à mon sens, est quelqu'un qui à l'esprit ouvert, qui ne se cantonnera pas à une certaine vision du cinéma pour des raisons de « caste » mais par conviction.

Il en est de même pour le Jeux-Vidéo. J'ai du mal à croire quand quelqu'un me dit qu'il n'a jamais pris de plaisir sur un bon FPS parce qu'il joue qu'à des jeux indés, le contraire est également de mise. Et si c'est vrai, je trouve ça triste. L'ouverture d'esprit est pour moi la clé de l'épanouissement artistique (mais pas que), que l'on soit créateur ou joueur/spectateur/auditeur/consommateur.

Revenons-en à ce que j'appelerai donc les Jeux-Vidéos Narratifs. Qu'est ce qui les différencie des autres ? Tout simplement une plus grande ambition pour la mise-en-scène et/ou l'écriture scénaristique. Quels jeux je rangerai dans cette catégorie ? The Walking Dead et The Wolf Among Us de TTG, tous les jeux (même si Beyond me laisse dubitatif) Quantic Dream, bien évidemment, mais aussi Alan Wake, The Last of Us, Spec Ops : The Line, Braid, GTA IV et V, etc... Tant de jeux différents, au mécanique de gameplay pour certains plus renforcés que les autres, mais tous se réunissant sous une même envie : Raconter ou faire vivre une histoire aux joueurs.

Et là est la différence avec le cinéma. En plus de raconter une histoire, on peut la faire vivre à la personne. Tout ceci grâce à l'interactivité, que je déplace mon personnage ou que je fasse des choix. Il y a ici quelque chose que le cinéma ne pourra jamais faire. Le cinéma et le Jeux-Vidéos sont 2 arts batards, mais la comparaison s'arrête là. Les 2 ne se pratiquent pas de la même façon, les 2 n'ont pas les mêmes ambitions ni les mêmes moyens (C'est pourquoi je trouve absurde l'idée que le JV doit supplanter le cinéma ou s'en rapprocher. Le JV doit trouver sa mécanique propre, comme TloU a su le faire de façon magistrale, alliant mise-en-scène et mécanique de gameplay comme jamais.). Il n'y a pas de cinéma interactif, le terme lui même est mensonger. Du jeux-vidéo cinématographique, pourquoi pas.

Je n'ai jamais pleuré devant un film. J'ai été ému, remué, oui. Mais jamais pleuré. J'ai pourtant découvert que je pouvais pleurer devant une œuvre, et cette découverte je l'ai faite avec TWD. J'arrive donc au cœur du sujet, TWD Vs. HR.

The Walking Dead Vs. Heavy Rain, Round 2.

D'un point de vue objectif, je ne vois aucun intérêt à comparer ces 2 titres, au même titre que je ne vois pas l'intérêt de comparer Les Dents de la Mer avec La Vie d'Adèle. Mais bien entendu, je vais le faire, parce que 1 je peux, et que deuxièmement, je suis humain et que j'ai bien entendu mon avis sur la question.

Heavy Rain, de la joie à la déception.

 

Aaaaaah... 2009. Je venais de revendre ma Wii pour me jeter sur un pack PS3 Slim+Uncharted 2 à 250 euros. Un choix largement influencé par l'arrivée de ce que l'on annonçait comme la « prochaine révolution vidéoludique » : Heavy Rain. Des papiers de partout, les Inrocks, Télérama, Le Monde etc... Les gamers du monde entier, moi compris, ressentait cette petite fierté de voir le Jeux Vidéo traité de manière positive, après des années de « le JV c'est mal » (on se rappelle d'ailleurs de ce pauvre Davy, humilié en direct en présentant GTA IV au Grand Journal par des journalistes avide de « Ce jeu tue des gens », même émission qui recevra plus tard David Cage.), et de voir enfin quelque chose de nouveau arrivé dans nos consoles.

Et bien même si ça vous étonnera en lisant le reste de la chronique, j'avais adoré le jeu à l'époque. Et j'éprouve toujours une grande affection à son égard, car je reste persuadé qu'il a réussi à ouvrir la voie à d'autres jeux. C'était beau, les acteurs étaient crédibles, le rythme était bien géré, certains choix cornéliens, des séquences rares comme la mise-en-situation d'un père aimant jouant avec ses enfants, faisant le café, travaillant... Mon premier trophée platine sur PS3. Et j'ai continué à aimer ce jeu, mais n'y avait jamais rejoué jusqu'en 2012.

2012. The Walking Dead. Ce jeu à la fois excitant pour tout fan de zombie, et effrayant pour ceux ayant joué à Jurassic Park (grosse décéption pour beaucoup.). En gros, un jeu discret, pas forcément super attendu. Mais voilà, la démo sort, et tout de suite la sensation de jouer à quelque chose d'énorme. S'en suit alors l'achat du premier épisode, puis du season pack. Le reste de l'histoire, tout le monde le connaît. La presse s'emballe, le bouche à oreille commence, 17 millions d'exemplaires vendus et un nombre incroyable de « GOTY » décerné par le milieu. Clémentine et Lee s'ajoutant directement à la liste des personnages cultes du JV.

A la fin de cette expérience viscérale, qui continue à me hanter aujourd'hui, une seule envie : retrouver cette sensation. Alors me vient l'idée de rejouer à Heavy Rain, après 3 ans dans sa boîte. Et là, déception.

Je me rends compte que le jeu n'a plus le même intérêt qu'à l'époque (même si je le répète, il reste pour moi un jeu important pour l'évolution du JV narratif en tant que précurseur à grande échelle.). L'histoire est bateau, piquant des références de partout, Se7en, Saw.. Des personnages au final peu intéressant (à l'exception de Norman Jayden, que j'adore et que j'adorerai toujours), ne présentant aucune véritable évolution ni lien entre eux (Ethan Mars qui couche avec Madison ? Ok... Mais ? A part une fin super cheesy, rien.). Et c'est là que le bat blesse : Le système de choix est ambitieux, mais entraîne des incohérences monstres.

Un exemple, le plus connu. Ethan Mars se fait arrêter ou non par le FBI. Il rencontre alors Norman Jayden, qui le laisse sortir (déjà, ça c'est étrange..) sur parole. Ensuite ? Plus rien. Aucune allusion au fait que les 2 se connaissent et aient fondé un lien fort entre eux (quand même, jpense qu'un bon lien de confiance s'installe entre eux.)... Je suis sorti du jeu, immédiatement. On ne créé jamais un lien entre 2 personnages s'il n'est pas exploité par la suite, tout simplement.

Un autre problème, plus personnel cette fois-ci, c'est une mise-en-scène presque putassière. Ce type de mise-en-scène qui m'a fait détester Les Petits Mouchoirs alors que j'aimais beaucoup le film avant la fin . Tout, absolument tout, est fait pour contrôler le joueur, lui dire « LA TU VAS PLEURER PARCE QUE J'AI MIS DES VIOLONS ». Bien entendu, on le retrouve aussi chez TWD, et dans 99% des productions vidéoludique. Sauf que la différence se fait dans la subtilité, et l'aventure vécue. Quand je pleure devant TWD, c'est parce que j'ai vécu une aventure avec cette petite fille, que je suis passé du regret de certains choix au rire de certains dialogues. Quand je suis ému dans Heavy Rain, c'est parce qu'on me dit que je dois l'être à ce moment là. C'est ce qui fait la différence entre les Petits Mouchoirs et Ink (que je conseille à tout le monde au passage.) : j'ai le sentiment d'être libre de mes émotions.

Ces 2 points, The Walking Dead les évite avec brio.

The Walking Dead, la révélation.

 

1) Des personnages « caricaturaux »

Dans la chronique à laquelle je réponds, le personnage parle de personnages caricaturaux. Il me semble qu'il y a là un gros problème. Outre le fait qu'Heavy Rain soit peut être la caricature même du thriller de base (Le héro prêt à tout, l'agent du FBI ayant des problèmes personnels, le détective gentil mais en fait non, la journaliste ambitieuse mais humaine avant tout), il me semble qu'il y a dans cette interprétation un prblème d'interprétation même de l'histoire.

Je suis d'accord, chaque personnage est à la base un personnage dit classique ou caricatural :

-Lee, le meurtrier qui va devoir vivre avec ce secret qui le met en danger vis à vis des autres.

-Clémentine, la petite fille perdue qui veut retrouver ses parents

-Kenny, le mec bourru mais sympathique qui protège sa famille

-Ben, l'adolescent qui fait que des conneries

(bien évidemment, il y en a d'autres, mais je m'attarderais sur ces 4 là.)

 

Mais ce qu'on semble oublier, c'est que là où les personnage d'HR font du surplace, chacun de ces personnages évoluent :

-Lee se découvre père avec Clémentine, so nsecret n'a aucune importance vu qu'il est révélé dès le second et 3ème épisode. Il passe de meutrier à chef de groupe, ami, père de substitution.

-Clémentine, petite fille perdue prête à tout pour retrouver ses parents, se trouve dans la position de devoir devenir adulte à l'âge de 8/9 ans, et au final, trouve en Lee un véritable père . Dans l'épisode 5, final, elle découvre le triste sort de ses parents, mais après avoir pris conscience de la situation se tourne totalement vers Lee.

-Kenny, sympathique relou, se retrouve devenir notre pire ennemi, perd sa famille et toute volonté de vivre.

-Ben. Ben est pour moi l'un des personnages les plus under-rated. Oui, il fait que des conneries, mais il est aussi un adolescent : Trop vieux pour être pris en charge par les adultes, trop jeune pour être pris au sérieux par les adultes. Il devient un « homme » dans l'épisode 5 en se révoltant contre Kenny.

Concernant les personnages qui « apparaissent et disparaissent », il me semble pourtant qu'il n'y a pas d'incohérence là-dedans. La vie est faite de rencontre, mais ces rencontres ne sont pas forcéments longues et ne débouchent pas forcément sur un attachement particulier. De plus, c'est précisément là où le jeu s'approche du comics : aucun personnage n'est à l'abri. On peut les rencontrer à la page 1 et le voir mourir à la page 6. On peut le rencontrer au tome 1 et le voir mourir dans le tome 14. La vie, tout simplement. Personne n'est en véritable sécurité.

Bref, ces personnages évoluent. Mieux encore, leur relation évolue selon nos choix. Ce qui me permet d'en venir au second point : les choix n'ont aucun impact direct.

2)Je veux contrôler le monde qui m'entoure. Mince.

En effet, les choix que je fais ne changeront pas le « destin » de mes personnages, la plupart en tout cas. Si vous croyez au destin, je n'aurais pas à argumenter plus que ça. Si, comme moi, vous ne croyez pas au destin, il y a pourtant une explication rationnalisant le fait que nos choix n'ait pas de conséquences majeures sur nos actions.

Avant tout, je tiens à préciser que je ne suis pas naïf, et que j'imagine que les « grosses conséquences » n'existent pas dans le jeu probablement par manque de moyens ou de technologies. Pourtant, cela reste cohérent. En effet, il me semble que peu de personnes en ont conscience, même dans la vie de tous les jours, mais nous ne contrôlons presque rien de ce qui nous entoure. Les choses arrivent, peu importe la plupart de nos choix. Les seuls choses qui varient réellement selon nos choix et la relation que l'on a avec les autres.

The Walking Dead n'a aucune prétention de vous donner des choix vous permettant de changer totalement une situation énorme : On en vous demandera jamais d'appuyer sur un bouton rouge permettant d'éradiquer les zombies ou de ne pas appuyer. Non, on vous demandera de sauver une personne ou une autre, impliquant alors un changement dans la façon que les autres auront de voir ce choix, suivant leur vécu.

J'ai conscience que certaines personnes auraient voulu pouvoir prendre la voiture au lieu de prendre le train, mais pour autant, les évènements arrivant autour de vous ne vous donne pas forcément le choix.

C'est la vie. On ne contrôle qu'à petite échelle, que cela vous plaise ou non.

TWD vous demande alors de choisir d'effectuer telle action ou telle dialogue pour modifier vos relations aux autres. Et c'est diablement plus intéressant que de se faire attraper ou non par le FBI.

3) Un révélateur de personnalité.

Quelque chose qui m'a frappé en jouant à TWD, c'est que tout ce que je croyais en bon geek a été remis en question. Avant, j'aurais été du genre « Je suis prêt à tout pour sauver ma peau ». Mais Clémentine, le personnage « peu attachant qui chouine » à bousculer toutes ces croyances idiotes.

Je n'ai pas pu voler cette voiture, je ne voulais pas la décevoir. J'ai regretté d'avoir tué ce fermier, parce qu'elle m'a lancé un regard entre haine et peur. J'ai détesté ce personnage parce qu'il a tué un membre du groupe devant ses yeux. J'ai pleuré quand je me suis rendu compte que l'aventure prenait fin et que je ne serai plus là pour la protéger.

Les choix sont moraux en effet, et c'est la que le jeu devient intéressant, parce qu'il nous fait douter de nos propres convictions. Puis, à titre personnel, mon argument favori reste que j'ai pu refaire Heavy Rain dans tous les sens sans aucune hésitation suivant les différents choix, alors que lorque j'ai retenté l'aventure TWD, je n'ai pas pu faire d'autres choix que les miens. Je n'ai pas pu mentir au jeu. Je n'ai pas pu me mentir à moi même.

Voilà la conclusion. Que dire...

Tout ceci a été évidemment écrit avec la subjectivité la plus totale. J'ai aimé The Walking Dead plus que tout autres jeux au monde, et je ne cesserais jamais de le défendre. Ce jeu a parlé de thème et fait vivre une expérience rare , grâce à une aventure sombre (quoi que...) , mature et profondément viscérale , à tout ceux ayant pu poser leurs mains dessus.

Je ne tente pas de rabaisser Heavy Rain. Heavy Rain, au même titre que David Cage d'ailleurs, on aime ou on déteste. Mais quelque soit votre camp, il faut reconnaître qu'Heavy Rain, bon ou mauvais jeu, a poussé notre média à être plus ambitieux, et que David Cage, génie ou pas, à une vision, bonne ou mauvaise. Mais qu'à l'heure d'aujourd'hui, notre industrie a besoin de Game Designer,de Scénariste, de Développeur ayant une vision.

Heavy Rain n'est pas un mauvais jeu. L'élève a tout simplement dépassé le maître.

 

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