Cours Forrest, cours !

Dans Deus Ex Human Revolution que je considère comme un jeu passablement médiocre et générique à tous les niveaux, on incarne un flic du futur augmenté artificiellement par des accessoires bioniques. Résultat ; quand il court, il est essouflé au bout de cinq mètres. Bravo les potes ! Moi qui suis très peu sportif et ne fais de l'exercice que pour me maintenir en forme à raison de trente minutes par semaine, je suis capable de courir deux minutes à grande vitesse. Adam Jensen non.

Les jeux qui prennent en compte la course de manière intelligente sont en fait assez rare. Soit on peut courir indéfiniment vite, soit on est essouflé au bout de cinq mètres comme notre héros cybernétique. Le gars qui court vite indéfiniment a au moins l'excuse de fournir au joueur un confort de jeu, certes cheaté, mais au moins pas frustrant. Les autres n'ont pas d'excuses valables ; c'est juste de l'incompétence crasse d'insérer un mécanisme de jeu qui torpille la crédibilité du personnage et l'immersion du joueur.

Il y a trois jeux dans lesquels au contraire la course me plaît beaucoup. Dans Grand Theft Auto 4, Dragon's Dogma et Dead Island, le personnage s'essoufle aussi, mais d'une manière mieux gérée.

Dans Dead Island, nous avons une barre d'endurance (très bien gérée d'ailleurs) qui diminue lorsqu'on frappe ou lorsqu'on court. Contrairement à bien des jeux où cette barre est un mécanisme sans aucune crédibilité, celui de Dead Island est particulièrement malin. À frapper comme un sourd, on s'épuise rapidement dans la vraie vie, et dans Dead Island également. Par contre, pour une personne en bonne santé, courir peut se faire sur une bonne distance. Fini le héros avec un cancer de la cigarette qui s'épuise au bout de dix mètres ! Dans Dead Island la course permet de réellement distancer les zombies sans les garder aux fesses.

Dragon's Dogma fonctionne à peu près de la même manière, ainsi parfois on préférera courir à travers un groupe d'ennemis en espérant ne pas prendre trop de coups, et en espérant également trouver un endroit calme pour laisser remonter l'endurance. Parfois d'ailleurs il faut gérer, reprendre un peu son souffle avant de repartir à la course.

Dans Grand Theft Auto 4, le personnage court automatiquement et indéfiniment à petites foulées, mais en spammant une touche on pourra le faire sprinter durant une bonne distance. Généralement, c'est lorsqu'on a la police aux fesses qu'on utilise la course. Au bout d'un certain temps, le personnage s'épuise et reprend l'allure de petites foulées, ce qui peut littéralement nous faire criser dans le bon sens du terme, dans le sens où l'urgence de la situation du héros est exprimée à travers le gameplay où on se dit :"Mais allez bordel, re-cours !!!". D'un côté on a très envie de spammer la touche courir même sans résultat, mais d'un autre, si on fait ça, le personnage ne reprend pas son souffle, donc on retrouve le besoin de gérer intelligemment son souffle, du moins celui du héros. De plus on va devoir ruser, mettre des obstacles entre nous et la police en passant par des ruelles étroites et en sautant au-dessus des rambardes, pour ne pas se faire percuter par leurs bagnoles sans pitié, voir des bagnoles tout court.

Bushido Blade

Jeu d'armes blanches super moche à en pleurer même pour de la PS1, Bushido Blade est aussi le meilleur jeu de combat auquel j'ai joué, meilleur dans le sens de meilleure expérience de jeu. À la poubelle les barres de vie, les super coups spéciaux, les jauges de Mégastrike Power, les combos, etc. Le jeu prenait en compte le poids des armes. Sur cinq ou six personnages, si tu prenais la fille d'un mètre quarante et le marteau, c'est que tu n'avais pas compris le principe.

Un choix entre trois gardes (basse, moyenne, et haute), la possibilité d'handicaper l'adversaire en lui blessant un bras ou une jambe, ou les deux. Et, mieux encore, de le tuer en un coup.

Un jeu injuste. Si tu prenais la fille d'un mètre quarante avec un katana, tu te faisais généralement exploser par le gros costaud au marteau qui avait sur toi l'avantage de la force et de la distance de frappe.

Le. Bonheur.

Entre les déséquilibres dûs à la force différente selon les personnages, les notions de force et de distance de frappe, les armes plus ou moins lourdes et plus ou moins longues, le tout saupoudré par un aspect chance, Bushido Blade ne se jouait pas pour le plaisir du skill, mais le plaisir tout court. En se traînant à genoux avec le bras ruiné, frappant d'une seule main avec vitesse amoindrie, rien n'était perdu ! Un coup bien placé pouvait changer le cours du combat, voire y mettre un terme. Certains avaient même une arme de jet à utilisation unique (mais qu'on pouvait ramasser).

Dans des arènes plutôt grandes pour l'époque, on pouvait finir un combat en à peine deux secondes, le temps de courir sur l'adversaire et de le planter, comme on pouvait s'affronter de longues minutes. On pouvait pleurer aussi, lorsqu'on jouait contre son grand frère sans aucun sens de l'honneur qui prenait toujours Gros Marteau et appuyait n'importe comment sur les boutons, pleurer car Gros Marteau en frappant continuellement écrabouillait votre garde sans que vous puissiez faire quoi que ce soit. Car cela aussi, c'était pris en compte. La force de frappe, et la force de garde.

Dans un jeu sur PS1, quoi.

Le diable est dans les détails, le jeu vidéo aussi

Ce sont pour moi ces petits détails qui font les grands plaisirs dans les jeux. Voir le héros de Shadow of The Colossus peiner à se tenir au colosse qui remue la tête pour se débarrasser de lui. Voir l'agent 47 prendre un adversaire sur le dos pour mieux l'étrangler. Je remarque également que les jeux de ce genre ne se concentrent pas là-dessus. Dans Hitman Absolution, les devs sont tellement fiers d'avoir niqué la licence qu'on voit en gros plan les mises à mort, alors que dans les anciens épisodes c'était anecdotique, laissé à l'observation du joueur.

Lorsque dans Splinter Cell, on a pu, je crois pour la première fois dans un jeu, passer à travers un rideau de douche se soulevant sur le passage de Sam Fisher, c'était assez génial, et pourtant la scène ne passait pas en gros plan histoire d'en mettre plein la vue. De même chez Rockstar, il y a souvent des centaines de détails sur lesquels les jeux ne s'attardent pas. C'est là, pour le joueur, et non pour l'auto-glorification des devs pataugeant dans leur mauvais goût.

Au passage du désert d'Uncharted 3, ou de l'avion, je préfère de loin les plantes s'écartant sur le passage de Drake dans le premier, et le moteur physique qui gère les petits objets lorsqu'on les bouscule. Si j'adore le bateau en pleine tempête, c'est moins pour les effets visuels (qui sont très appréciables), moins pour la fuite automatisée que je trouve lamentable, que parce que sur le pont, le balancement est pris en compte dans le gunfight, modifiant la façon d'appréhender la situation, tout comme dans le passage du train il fallait anticiper pour tirer à cause de l'alignement des wagons, ou dans la tempête de neige où ça devenait graduellement une purée de pois.

Des développeurs déconnectés du réel

Peu importe le type de jeu auquel on aspire, fantasy, science-fiction, ou même jeu réaliste, le réel est un véritable réservoir à idées pour les développeurs, et épice selon moi une formule sans avoir besoin d'inventer des mécaniques à partir de rien. Demon's et Dark Souls prennent le poids de l'équipement en compte, ainsi que l'endurance, dans un monde pourtant surnaturel. Dans Shadow of the Colossus, on met parfois une plombe à relever le héros après une bonne torgnole, rageant les dents serrées :"Mais relève toi bordel !!!", et c'est ce qui participe au sel des combats ; quand on lutte contre un mastodonte qui fait vingt mètres de haut, mettre du temps à se relever après un coup est une moindre politesse que Kratos n'a jamais envisagé.

Tout comme Batman Arkham n'a jamais pensé à jouer avec l'ombre et la lumière dans les predator rooms, alors que cette mécanique aurait été intéressante et se prête parfaitement à la licence ; péter les ampoules au batarang et devoir, en cas de lampes sous grille, trouver un transformateur à la manière de Hitman. À la place, on a des ennemis incapables de lever la tête au ciel, ce qui est très commode pour rester sur une gargouille !

Je comprends de moins en moins l'intérêt, pour un développeur, d'imaginer un jeu où le héros porte une épée qui ne coupe jamais rien, un jeu de combat où les jambes sont brisées par des clés d'arts martiaux mais l'adversaire peut toujours marcher et donner des coups de pieds. En fait, ce qui m'ennuie, c'est qu'un tas d'idées tout à fait possible à réaliser ne voient jamais le jour, et qu'à la place on obtient des ennemis myopes et sourds, des gameplays simplistes et peu crédibles, alors que d'un autre côté on vise avec obsession le photo-réalisme.

À quand un Beat'em All où on pourra briser les bras ou jambes des adversaires ? Des jeux de tir qui prendront profondément en compte la localisation des dégâts ? Il y a tout un tas de petites choses qui permettraient à des jeux appartenant à un même genre de se différencier les uns des autres. Pour l'instant nous assistons à une guerre des clones.